Pratiquer en solo

L’avocate engagée

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Céline Gobert

2012-08-21 15:00:00

Rares sont les avocats à s’assumer de gauche. À placer l’humain avant l’argent ou à clamer tout haut leurs convictions. Ce n’est pas le cas de cette avocate-chanteuse qui vient tout juste de se lancer en solo. Rencontre.
Un livre de Balzac sorti de son sac, une langue pas dans sa poche, un amour immense pour les gens. Le décor est planté.

Lorsque qu’elle commence à évoquer son parcours, Me Audrey Limoges-Gobeil n’arbore pas comme à l’accoutumée son carré rouge, mais ne cache pas ses opinions.

« Si j’ai choisi le droit, ce n’est vraiment pas pour l’argent, vraiment pas. Juste par altruisme », déclare l’avocate de 27 ans en solo depuis avril dernier.

Il faut dire qu’avec une mère peintre et un père compositeur, elle a toujours baigné dans l’humain, la liberté d’expression.

« On est des humains, pas des machines, dit-elle. Pour moi l’avocat a un devoir d’indépendance, au niveau de sa pratique, et en tant qu’être humain. Je l’applique tous les jours dans mon approche plus humaine avec les clients. »

Installée sur Saint-Joseph Ouest depuis quelques mois, elle n’hésite pas à accorder de son temps aux clients dans le besoin.

Il y a quelques minutes, elle rencontrait pour la première fois une cliente pour un dossier de divorce, un mandat de l’aide juridique. Elle y a passé une heure. Un mandat « peu rémunérateur », mais elle s’en moque.

Avec des parents artistes, pas étonnant qu'Audrey Limoges-Gobeil chérisse sa liberté d'expression et place l'humain avant le matériel - Photo Jean-Sébastien Marcoux
Avec des parents artistes, pas étonnant qu'Audrey Limoges-Gobeil chérisse sa liberté d'expression et place l'humain avant le matériel - Photo Jean-Sébastien Marcoux
« Comment en 20 minutes, je pourrais saisir la personne et la problématique ? Après nos rencontres, mes clients se sentent libérés d’un poids, ils ont eu une oreille attentive, ils peuvent sortir la tête de l’eau. C’est gratifiant. »

De gauche

Bien plus que l’argent, « une notion abstraite » pour elle. Ce qui l’intéresse, c’est l’individu. Changer la vie précise de certaines personnes en les aidant dans des situations où ils sont en détresse.

Le débat de dimanche soir, elle l’a regardé. Et regrette que peu de place ait été accordée à l’éducation ou à l’environnement. Elle a aussi admiré le carré rouge porté par Françoise David.

« Je suis clairement de gauche. J’ai toujours été péquiste, souverainiste, mais j’avoue qu’actuellement Québec solidaire est plus proche de mes opinions »

Selon elle, l’éducation est la base d’un peuple en santé. Et l’environnement est la base d’une humanité en santé.

« Mais c’est trop loin de l’individu dans son individualisme, déplore-t-elle. Les gens ne sont pas conscients et c’est comme s’ils se disaient que tout va bien autour d'eux pour l'instant, donc ils ne se posent pas de questions sur les retombées dans 50 ans ».

Même si elle s’est un peu calmée depuis ses 20 ans, Me Audrey Limoges-Gobeil possède toujours en elle une flamme revendicatrice : « j’ai toujours été hyper contestataire, même si je respecte complètement l’opinion des autres, et que je ne veux pas imposer la mienne. »

Elle a ainsi collaboré avec le GRIDA (Groupe de recherche international en droit animal) afin de mettre sur pied le premier colloque en matière de droit animal au Canada. Une initiative qui lui a valu d’être raillée par pas mal de gens.

« C’est hypocrite de se dire que l’on peut appliquer la loi en se détachant de nos opinions politiques, idéologiques. On fait quoi alors ? » demande-t-elle. Selon elle, si l’on se contente de respecter à chaque fois la politique du parti en place, on ne fera pas avancer le droit.

Trente cinq dossiers ouverts

Grâce à son inscription sur la liste des services de références de l’aide juridique, cette ancienne de l’UQÀM a aujourd’hui pas moins de 35 dossiers ouverts. La plupart en droit du travail.

L'autre passion de Me Limoges-Gobeil, c'est le chant et la musique : ici lors d'un concert - photo Mireille Gravel
L'autre passion de Me Limoges-Gobeil, c'est le chant et la musique : ici lors d'un concert - photo Mireille Gravel
Jusqu’en avril dernier, elle collaborait également avec le Syndicat canadien de la fonction publique, son ancien employeur, pour des mandats externes : arbitrages de griefs, dossiers de révisions judiciaires à la Cour supérieure, dossiers d’accidents du travail, de la Commission des lésions professionnelles.

« Si je n’étais pas en pratique solo, ce serait là où je voudrais travailler à temps plein car c’est un bel environnement de travail avec des gens intéressants, dynamiques, et un esprit d’équipe. Il n’y a aucun individualisme au niveau des causes. »

Aujourd’hui, elle travaille sur quelques dossiers de normes et beaucoup de dossiers en harcèlement psychologique.

« C’est intrinsèque à la profession d’avocat d’être psychologue sur les bords. Si on ne l’est pas, il y a un problème », dit celle qui a travaillé au sein d’un Institut spécialisé en troubles de la personnalité.

La semaine dernière, elle a remporté une victoire en commission d’appel à la Cour d’appel, et a récemment terminé un « super dossier en harcèlement psychologique avec une décision de 24 pages ».

« Au-delà de la décision qui devrait flatter mon égo de juriste, j’étais tellement contente de dire à ma cliente que l’on avait gagné. C’est la plus grande gratification. »

Viscérale, engagée, entière

Et, en attendant de sortir un album composé de morceaux aux textes engagés et littéraires sur des sujets aussi variés que la société, la place de l’homme dans le monde, ou le temps, Me Audrey Limoges-Gobeil continuera de mener ses deux passions avec ardeur ; droit et musique.

« Je ne suis pas dans l’eau de rose et les histoires d’amour », dit-elle au sujet de sa musique. Et dans la vie non plus... à bien y réfléchir.


Et si vous souhaitez écouter un beau morceau de son projet jazz-blues acoustique avec son guitariste, cliquez ici.
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