Du déjà vu prétend la Couronne
Agence Qmi
2012-07-05 07:00:00
Me Michel Fortin est tout d’abord revenu sur la preuve balistique, affirmant que les tests de l’expert de la défense ne tenaient pas la route. « Il y avait plusieurs éléments qui permettaient au jury de ne pas retenir cette thèse. »
Répondant à l’affirmation de la défense selon laquelle le jury avait été « noyé » dans la preuve, le procureur a ajouté que Me Larochelle aurait pu à tout moment s’adresser au juge à propos de cette crainte, ce qu’il n’a pas fait. « Quoi penser? Est-ce parce qu’ils sont tous arrivés à la même conclusion qu’ils n’ont pas compris? » s’est-il questionné.
De son côté, Me Sarah-Julie Chicoine a tenu à défendre la plaidoirie de son confrère, Me Steve Magnan, attaquée « avec l’énergie du désespoir » par la défense. « À en croire Me Larochelle, la poursuite aurait dû se contenter de résumer la preuve sans argumenter », a-t-elle commenté.
Qui plus est, le juge Claude Gagnon aurait corrigé certains éléments avancés à ce moment par la Couronne, à la demande de Me Larochelle. Il aurait de plus formulé comme il se doit ses directives au jury, en leur rappelant de se baser sur la preuve et en évitant de spéculer. « Le juge Gagnon a été beaucoup plus prudent que moins », a-t-elle affirmé.
Pas « fatales »
Affirmant que les plaidoiries et les directives au jury n’avaient pas à être parfaites, Me Chicoine a souligné que ces irrégularités ne sont pas systématiquement « fatales » dans un dossier et qu’elles ne méritent pas automatiquement qu’il faille casser le verdict et ordonner un nouveau procès.
Sur le point de la libération conditionnelle de Jacques Delisle, Me Chicoine a affirmé que « les motifs d’appel, bien que nombreux, ne sont pas assez sérieux », pour permettre une telle décision.
Son collègue, Me Fortin, a par ailleurs tenu à rappeler que la situation de l’ancien juge a radicalement changé depuis qu’il a été déclaré coupable de meurtre au premier degré. Le remettre en liberté minerait la confiance du public en la justice, selon lui, surtout qu’il fait toujours face à une accusation sérieuse d’avoir eu en sa possession une arme prohibée et chargée, une infraction passable d’un minimum de trois ans de détention.
Confiant, sans toge, Me Jacques Larochelle s’est adressé tout l’avant-midi au juge Richard Wagner, exposant ses arguments visant à contrer le verdict de culpabilité prononcé par les jurés, le 14 juin. « Il y a un risque important que ce soit un innocent condamné à tort », a-t-il dit, au palais de justice de Montréal. Son client était absent.
L’avocat de la défense a ainsi passé en revue durant plus d’une heure l’ensemble de la preuve balistique qu’il place au cœur de ce dossier, qualifiant de « grotesques » et de « pitoyables » les résultats obtenus à ce sujet par les experts de la Couronne.
« Le jury devait être convaincu hors de tout doute raisonnable que les experts de la poursuite avaient raison », a laissé tomber l’avocat.
Or, à plusieurs reprises, ces spécialistes auraient admis qu’il était possible que la victime, Marie-Nicole Rainville, se soit elle-même tiré une balle dans la tête, le 12 novembre 2009. « C’est un obstacle fatal à la culpabilité », a-t-il résumé.
Visiblement à l’aise, parfois appuyé sur son lutrin, Me Larochelle s’est par la suite indigné de l’attitude de la poursuite dans ce dossier, reprochant notamment à Me Steve Magnan de s’être mis en scène lors d’une plaidoirie « incendiaire » où il aurait attaqué « à fond de train tous les experts de la défense ».
Il reproche de plus au juge Gagnon, qui a chapeauté l’affaire, de ne pas avoir agi adéquatement pour mettre un frein à cette plaidoirie, qui exprimait à une vingtaine de reprises l’opinion personnelle de Me Magnan. « Il avait l’obligation de sanctionner cette erreur de droit incroyable. »
Le juge de la Cour supérieure n’aurait d’ailleurs pas formulé assez de directives pour encadrer le jury et le guider vers les « éléments importants » de la preuve, soit la balistique. Selon lui, le juge Gagnon aurait dû simplifier la tâche du jury, de manière à éviter qu’il se concentre sur des « anecdotes », comme le fait que son client avait une maîtresse, par exemple.
« Le juge ne peut soumettre la preuve en masse et dire "Cherchez!". Il doit résumer et simplifier », a-t-il affirmé, précisant qu’il était le seul à avoir parlé de la preuve balistique aux membres du jury.
Jugeant ces motifs d’appel sérieux, Me Larochelle a demandé au juge Wagner de libérer son client, dans l’attente de la suite des procédures judiciaires. Il a rappelé que son client, un homme de 77 ans qui « n’a jamais rien fait de mal », ne présentait aucun danger pour la société. Il a aussi tenu à souligner que l’ex-juge Delisle vivait actuellement une détention particulièrement difficile étant donné qu’il a déjà été un représentant de l’ordre.