Loi sur les normes du travail et ordre public de direction
Sylvie Théoret
2013-09-19 11:15:00
Un salarié a travaillé pendant près de six mois chez l’employeur, qui l’a congédié parce qu’il était insatisfait de son rendement. Quelques jours après sa cessation d’emploi, il a reçu un chèque couvrant le paiement de l’indemnité de congé annuel.
On lui a alors fait signer un document dans lequel il reconnaissait avoir reçu toutes les sommes dues en raison de son congédiement et donnait quittance complète et finale à l'employeur de toute réclamation se rapportant à son emploi ou à la cessation de celui-ci.
La Commission des normes du travail a institué un recours pour le compte du salarié afin d’obtenir le paiement d’une indemnité de préavis de cessation d’emploi (624 $). lnvoquant le caractère d’ordre public de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.), la Commission a soutenu que le salarié ne pouvait renoncer aux droits édictés aux articles 82 et ss. L.N.T. et que la transaction était nulle.
Le montant de la réclamation n’étant pas contesté, le débat devant la Cour du Québec a porté sur le type d’ordre public – de protection ou de direction – auquel participe l’article 82 L.N.T.
Le juge Gilles Lareau a d’abord distingué les deux types d’ordres publics quant à leurs objectifs respectifs et, surtout, quant aux sanctions qui s’imposent en cas de violation. En effet, on ne peut déroger à l'ordre public de direction sous peine de nullité absolue, alors que, à certaines conditions, il est possible pour une partie de renoncer à une disposition d'ordre public de protection.
Le juge a ensuite examiné les dispositions pertinentes de la Loi sur les normes du travail afin de cerner l’intention du législateur, qu’il décrit ainsi : «freiner certains déséquilibres sociaux provoqués par le ″libéralisme contractuel″, en imposant des conditions minimales obligatoires de travail en deçà desquelles employeurs et employés ne peuvent contracter».
Il souligne les modifications législatives apportées en 1999 : «Les articles 82, 93 et 101 L.N.T., qui faisaient référence à des actes entraînant la nullité, ont été modifiés (...) afin de faire dorénavant référence à la nullité absolue.»
À son avis, ces amendements avaient pour objectif de repousser la présomption de nullité relative prévue au Code civil du Québec, d’empêcher qu’un contrat violant les normes établies par la loi puisse faire l’objet d’une confirmation et de faire des normes du travail une condition de formation de tout contrat de travail.
Le juge conclut que la loi édicte des normes du travail qui s’imposent en tant que choix de société, et qu’il faut alors parler d’ordre public de direction.
Dans les circonstances, que le salarié ait signé une entente avant ou après son congédiement, celle-ci est nulle de nullité absolue parce qu’elle le prive de son droit de recevoir le préavis édicté à la loi.
L’auteure
Me Sylvie Théoret est conseillère juridique à SOQUIJ depuis 1994 en droit du travail. Elle s’intéresse particulièrement à l’arbitrage de griefs, aux normes du travail, aux régimes de retraite, aux contrats de travail, à l’accréditation et aux relations du travail dans l’industrie de la construction. Elle est l'auteure de plusieurs articles publiés dans AZIMUT (Banque Doctrine).