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Montrer ses fesses…

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Emeline Magnier

2013-05-17 13:30:00

Où s'arrêtent les droits? Et où débutent les obligations de nos voisins? Voici les deux questions auxquelles un juge a dû répondre dans une affaire au contexte factuel particulier, sur fond de nudisme et de provocation…
Peut-on s'exposer nu à l'extérieur ou à l'intérieur de notre résidence à la vue du voisinage?

Mise en scène:

Monsieur M. aura-t-il de quoi s'acheter un slip?
Monsieur M. aura-t-il de quoi s'acheter un slip?
Monsieur G., 71 ans, est bien installé dans son quartier de Repentigny où il vit depuis 40 ans, avec son épouse. Petite vie familiale bien tranquille, entourés de leurs neuf petit-enfants.

Madame D. emménage dans la résidence voisine en 1997, l'arrière de la maison de Monsieur G. donnant sur la cour de Madame D.

Alors que les relations de voisinage étaient paisibles et plutôt "standard", tout change lorsque Monsieur M. s'installe chez Madame D. Celui-ci a un mode de vie moins conventionnel que ses voisins: il vit nu et n'hésite pas à s'exhiber dans le plus simple appareil à l'intérieur et à l'extérieur de la maison.

Il effectue toutes ses activités ''que ce soit lire, écouter de la musique, se baigner, faire du jardinage, du bricolage et même réparer sa voiture'' nu ou avec les sous-vêtements descendus en bas des genoux.

La nudité de Monsieur M. cause un stress important à Monsieur G., qui a fait appel à plusieurs reprises aux policiers pour que Monsieur M. aille se rhabiller. Impossible d'accueillir ses petits enfants et de les exposer à un tel tableau. Selon Monsieur M., il ne s'agit que d'une nudité fortuite, sans être artistique". C'est lui qui l'a dit.

Plus qu'un simple mode de vie, Monsieur M. se sert aussi de sa nudité pour provoquer Monsieur G., en multipliant les aller-retour entre leurs résidences, jusqu'à 200 fois par jour.

Injures, lettres de menaces, intimidations et mises en demeure, rien ne va plus dans le quartier, pourtant si paisible auparavant.

En mai 2010, Monsieur M. a été reconnu coupable ''«d’avoir été nu et exposé à la vue du public sur une propriété privée, en contravention de l’article 174.1 b) du Code criminel». ''

Malgré cette condamnation, Monsieur M. continue d’affirmer, jusque sur le plateau télévisé de LCN, que ses gestes de nudité sont acceptables dans une société libre et démocratique, qu'il s'agit d'une question de liberté de la personne.

Regard juridique :

Troubles du voisinage, liberté des uns, obligations des autres, droit de propriété, vie privée et bonne foi. Quel beau mélange.

La disposition applicable est l'article 976 du C.c.Q, qui dispose:

''" Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux."''

Dans notre espèce, la Cour du Québec a estimé que s'exhiber nu à l'extérieur de son domicile ou devant les fenêtres dénudé à l'intérieur ne constitue pas un inconvénient habituel ou normal même pour la société actuelle.

Se tenir dans le costume d'Adam de manière répétée, malgré le mécontentement exprimé des voisins constitue une nuisance puisqu'il s'agit là de gestes intentionnels posés cavalièrement, et contre la volonté des voisins.

Ici, le juge Denis Lereste sanctionne l'attitude particulièrement provocante de Monsieur M. au travers de sa nudité, ce qui a causé des dommages à Monsieur G. Ce dernier n'avait pas, dans ces circonstances, à s'ajuster à l'attitude reprochable de son voisin. C'est plutôt le contraire qui aurait dû se faire.

Monsieur M. devra investir dans une garde-robe, et Monsieur G. pourra continuer à regarder par sa fenêtre.

Madame D, seule propriétaire de la résidence, a également causé un préjudice à Monsieur G, en ce qu'elle ne s'est pas opposée au comportement de son conjoint, et n'a rien fait pour qu'il cesse ses agissements.

Madame D et Monsieur M. ont oublié que leurs voisins avaient eux aussi des droits, notamment le droit de vivre en paix. "Cacher moi ses fesses que je ne saurais voir".

Une faute, un préjudice, un lien de causalité: la trilogie est complétée.

Monsieur G. recevra notamment:

- pour les troubles, stress et inconvénients: 10 000$ de Monsieur M.
- pour la perte de jouissance de sa propriété: 12 500$ de Monsieur M. et 2 500 $ de Madame D.
- au titre des dommages punitifs et exemplaires: 3 500$ de Monsieur M. et 1 500 $ de Madame D.

Après ces condamnations, Monsieur M. aura-t-il de quoi s'acheter un slip?

Pour lire le jugement complet, cliquez ici.
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