Qui sera le prochain?
Emeline Magnier
2014-04-16 15:00:00
Ce n'est pas non plus une date à célébrer pour Bertrand St-Arnaud, avocat de formation et ministre de la Justice du gouvernement de Pauline Marois.
Député de la circonscription de Chambly depuis 2008, il a été battu par le caquiste Jean-François Roberge.
Sans vouloir faire de commentaires sur les résultats des élections générales et les raisons de la défaite de son parti - préférant laisser l'exercice aux analystes politiques - Me St-Arnaud a répondu aux questions de Droit-inc.
Droit-inc. : Que retiendrez-vous de vos 19 mois à la tête du ministère de la Justice?
Bertrand St-Arnaud: Je pars très serein avec un sentiment du devoir accompli. Quand je suis entré en fonction, j'avais dit que je voulais des résultats tangibles et concrets. J'ai fait des choses, j'ai changé d'autres choses et je pense avoir contribué à rendre le système meilleur, même s'il reste beaucoup à faire. Ça a bougé en justice et le milieu juridique le constate. Je suis satisfait des résultats obtenus.
D'abord de la hausse historique des seuils d'admissibilité à l'aide juridique. C'est une avancée majeure qui était attendue depuis longtemps. Plusieurs avaient déjà tenté de l'obtenir avant et n'avaient pas réussi. Pour moi aussi ça a été difficile, mais c'est aujourd'hui la réalisation dont je suis le plus fier.
Ensuite, il y a le nouveau Code de procédure civile. Beaucoup m'ont dit que j'étais téméraire de me lancer dans cette réforme alors que nous avions un gouvernement minoritaire. Mais finalement nous avons réussi à faire adopter le nouveau code, à minuit moins cinq lors de la dernière séance.
J'ai aussi recommandé la nomination de 59 nouveaux juges dont 45 à la Cour du Québec, ce qui va contribuer à une justice plus rapide, rendue par des gens humains impliqués socialement et au niveau communautaire.
Quels sont les projets que vous n'avez pas eu le temps de mener à terme?
Ma grande déception restera le projet de loi sur l'adoption qui avait déjà été initié par mon prédécesseur Jean-Marc Fournier. Ça fait plusieurs fois que ce projet meurt au feuilleton. Nous avions aussi préparé un rapport sur la copropriété et le projet de loi est prêt et devait être déposé.
Mon ministère avait préparé un document d'orientation, presque finalisé, sur les sommes allouées aux personnes victimes d'actes criminels. Au Québec, on consacre 120 millions de dollars pour les victimes, ce qui est plus que l'ensemble des provinces réunies et pourtant, le système actuel est très critiqué. Il faut donc se pencher là-dessus et faire mieux avec ce qu'on a.
Pensez-vous que Me Gilles Ouimet sera le prochain ministre de la Justice?
(Rires) J'ai travaillé avec Gilles pendant 19 mois et même si certaines réalisations portent mon nom, le sien y est associé avec celui d'autres parlementaires. C'est mon vis-à-vis en justice et ça a été très agréable de travailler avec lui. Ayant été Bâtonnier du Québec, il a une bonne connaissance des dossiers et serait certainement un très bon choix pour être ministre de la Justice.
Mais il y a aussi d'autres seniors dans le caucus libéral qui sont aussi de bons candidats, tel que Pierre Moreau ou Rita de Santis.
En général, en matière de justice, on partage les mêmes priorités et on se passe le témoin de l'un à l'autre. Je ne suis pas très inquiet pour la suite.
Qu'avez-vous à dire à votre successeur?
Il y a beaucoup de choses sur la table à dessin, de quoi occuper un ministre de la Justice pendant plusieurs années. Il faut poursuivre sur la même lancée et rendre la justice encore plus accessible, moins lourde et moins coûteuse, et continuer à se préoccuper des victimes d'actes criminels.
D'autres mesures sont en marche et devraient aboutir, sauf si on coupe les budgets, comme le Wifi dans les palais de justice de Montréal et Québec ou l'informatisation de l'ensemble des procédures pour la division des petites créances. Pour ce qui est de l'informatisation des tribunaux en général, ça a été un fiasco du gouvernement libéral et nous avons perdu 10 ans. Il faut tout reprendre à 0 et y aller bouchée par bouchée tout en travaillant en étroite collaboration avec les acteurs sur le terrain en fonction de leurs besoins.
Quels sont vos projets?
À court terme, je vais profiter de la vie et partir voyager en Europe. Quand on est ministre de la Justice, c'est accaparant et lourd. Je n'ai plus ces responsabilités sur les épaules, je vais donc en profiter pour revoir des amis, aller au cinéma ou regarder des séries. J’ai plusieurs années à rattraper, depuis que j’ai été élu député en 2008.
À long terme, je n'ai pas encore de plan bien défini, mais à 55 ans, je suis trop jeune pour prendre ma retraite. Si je m'ennuie, je prendrai un gros dossier, mais je ne retournerai pas à la pratique.
Une chose est sûre: je vais m'ennuyer de la satisfaction de réaliser des choses et de contribuer à faire avancer la société. Je l'ai fait avec intensité et on ne peut pas le faire de cette façon pendant 10 ans. Chacun fait son bout, je suis content du mien. Je pourrai certainement apporter au Québec d'une autre façon.