Le sort de Magnotta entre les mains du jury
Agence Qmi
2014-12-16 08:42:00
Douze des 14 jurés sélectionnés en septembre sont maintenant coupés du monde afin de décider du sort de l’accusé de 32 ans, qui avait tué Jun Lin le 25 mai 2012 pour ensuite mettre en ligne une vidéo où on le voit dépecer sa victime de 33 ans.
Magnotta est accusé du meurtre prémédité de Jun Lin, mais aussi d’outrages à un cadavre, de production et distribution de matériel obscène, d’utilisation illégale de la poste et de harcèlement envers le premier ministre du Canada Stephen Harper et des membres du Parlement.
Les jurés auront à rendre cinq verdicts, soit un pour chaque accusation.
Pour l’accusation de meurtre, les jurés auront le choix entre quatre verdicts. Outre ceux de meurtre prémédité et de non-responsabilité criminelle, le juge a ouvert ceux de meurtre au deuxième degré et homicide involontaire.
« Utilisez votre bon sens », a noté le magistrat.
Non-criminellement responsable
En 12 semaines, deux thèses se sont affrontées dans cette affaire.
D’un côté, l’avocat de Magnotta, Me Luc Leclair, a plaidé que son client devrait être reconnu non-criminellement responsable de ses crimes. Car tout indique que Magnotta souffre de schizophrénie depuis plus de 10 ans. Il a d’ailleurs déposé le volumineux dossier médical de l’accusé depuis 2003.
Deux experts en psychiatrie légale avaient témoigné lors du procès, soutenant cette thèse de la défense. Mais l’avocat avait surpris lors de ses plaidoiries en invitant le jury à écarter les 20 jours de témoignages d’experts.
Le juge de son côté a expliqué aux jurés de ne pas prendre pour acquis tout ce que les experts ont dit. Et si les experts se basent sur du ouï-dire – c’est à dire des informations qui n’ont pas été présentées en preuve –, la valeur du témoignage pourrait être moindre.
Notons que Magnotta n’a pas témoigné à son procès. Sa version des faits n’est donc pas dans la preuve.
« Si vous le déclarez non-criminellement, sachez qu’il ne sera pas libéré s’il pose un risque pour la société », a précisé le magistrat.
Coupable
Me Louis Bouthillier de la Couronne est pour sa part convaincu que Magnotta s’était donné comme mission de commettre le meurtre parfait et d’échapper à la justice. Lors de ses plaidoiries, il n’a pas manqué de relever que l’accusé était ultra-organisé après le meurtre.
Magnotta avait en effet vidé son appartement, dépecé Jun Lin, envoyé des parties du corps à Ottawa et à Vancouver, en plus de prendre la fuite en France. Et quand un mandat d’arrestation avait été émis contre lui, Magnotta avait pris la fuite en Allemagne sous un faux nom.
Un courriel, envoyé six mois plus tôt à un reporter anglais, appuie aussi la thèse de la préméditation. Magnotta avait alors annoncé qu’il allait filmer un meurtre.
La Couronne a également souligné plusieurs similitudes avec le film « Basic Instinct ».
Magnotta avait par exemple peint son tournevis de couleur argent, tout comme le pic à glace utilisé dans le film. Son nom d’emprunt, Trammell, est similaire au nom du personnage incarné par Sharon Stone dans cette production.
La mise en scène du macabre vidéo ressemble également à la scène d’introduction du film.
« C’est vous qui devrez décider de la valeur que vous accordez à chaque élément de preuve », a rappelé le juge au jury.
Deux jurés exclus
Notons que huit femmes et six hommes ont entendu l’ensemble de la preuve. À la fin de ses directives, le juge a libéré les jurés 7 et 8 pour qu’il n’en reste que 12, comme le prévoit la loi. Le jury est composé de quatre hommes et huit femmes.
Le juré numéro 7, un professeur d’université, a été exclu car il avait annoncé qu’il avait déjà des billets d’avion pour un voyage en septembre.
« Je voudrais rester, mais je ne veux pas mettre de pression aux autres jurés à cause du voyage », a-t-il dit au magistrat.
Le juré 8 a pour sa part quitté sans dire un mot.
Les délibérations du jury sont confidentielles, et le verdict pourrait tomber n’importe quand.