Mélanie Joly ou l’entrepreneuriat politique

Céline Gobert
2015-03-26 15:00:00

Il faut dire qu’elle n’a pas une minute à elle ! Rencontre avec le Président de la société de développement commercial de la promenade Fleury, avec des personnes impliquées dans la communauté libanaise, et avec son mentor Yves Devin, ex-directeur général de la STM: sa journée va être longue !
Sa seule soirée de libre de la semaine, elle la passera avec « son chum », au théâtre TNM pour assister à la pièce Richard III. Et c’est le 17 avril prochain qu’elle lancera son nouveau projet FailCamp, une conférence dédiée à la « célébration de l’échec » lors de laquelle différentes personnalités partageront les difficultés qu’elles ont rencontrées dans leur vie professionnelle.
Droit-inc: Il y a deux ans, vous nous disiez vous sentir davantage entrepreneure que politicienne. C’est toujours vrai à l’heure où vous êtes candidate à l’investiture du Parti Libéral dans Ahuntsic-Cartierville ?
Mélanie Joly : Oui ! Depuis qu’on s’est vues j’ai créé un parti politique aux municipales. Partie de rien, j’ai créé une équipe, un siège social, une permanence. Ça a été beaucoup de l’entrepreneuriat politique ! Avec le Parti Libéral du Canada (PLC), je vis tous les aspects de la création d’un projet… !
Pourquoi avoir choisi le PLC?

À quel moment ressortez-vous votre casquette d’avocate ?
Ce sont des réflexes de compréhension : comment les règles fonctionnent, quels principes les sous-tendent. Ma formation en droit me permet d’avoir une très bonne compréhension du fonctionnement de l’État et de notre système ainsi que de gérer les risques juridiques, et de m’assurer de ne pas commettre d’erreurs.
Au départ, pourquoi avoir choisi de renoncer à une carrière d’avocate ?
Je n’ai pas beaucoup aimé pratiquer le droit. Ça m’a pris cinq ans avant de le découvrir. J’aime beaucoup tout ce qui rejoint l’histoire, la sociologie, l’économie, la psychologie, l’éducation, la politique... C’est ce que je fais tous les jours ! Je veux pouvoir proposer de façon concrète des idées qui améliorent le sort des gens.
Lorsqu’on se lance dans une carrière en droit, on a pourtant cet idéal de justice là non ?
Je pratiquais en litige commercial en grand bureau, j’étais un outil pour mes clients, pour se battre pour de l’argent. Ce n’était pas ma mission de vie. J’avais un désir de service public dès ma maîtrise en droit européen comparé et aussi lors de mes études portant sur les droits humains à Oxford.
Pourquoi est-ce important pour vous de rester membre du Barreau ?

Qu’est-ce que vous trouvez maintenant dans votre carrière en politique que vous n’auriez pas trouvé dans une carrière d’avocate ?
J’ai beaucoup plus de contacts avec les gens, je travaille plus en équipe. J’arrive avec des idées concrètes qui répondent à des solutions, et je peux faire preuve de plus d’innovation et à terme, cela va peut-être vous faire rire, mais je vais créer les règles plutôt que les appliquer (rires). Je vais créer les lois et je veux peut-être pouvoir les modifier aussi ! (rires)
Aujourd’hui, une journée-type dans la vie de Mélanie Joly, ça ressemble à quoi ?
J’ai un réflexe de politique municipale : je vais dans les cafés, je vais parler aux marchands pour savoir ce qui se passe dans la circonscription, qui sont les personnes influentes, quelles sont les idées de solution, les problèmes. C’est beaucoup de terrain. J’approche la politique avec beaucoup de positivisme.
Est-ce que vous allez chercher le vote des électeurs avocats ?
J’ai beaucoup d’avocats impliqués dans ma campagne… J’ai de très bons conseillers, aussi bien issus de grands que de petits bureaux, des criminalistes, des avocats en aide sociale, en droit de la famille, en droit constitutionnel. J’ai été très impliquée dans le monde juridique et dans le jeune Barreau. Je m’y suis fait des amitiés et des réseaux. Je suis très contente d’avoir plein d’avocats autour de moi !
Avez-vous eu des modèles juridiques pour votre carrière politique ?

Quelles sont les difficultés que vous ne rencontriez pas quand vous étiez avocate ou associée directrice ?
Comme personnalité publique, on met une loupe sur un phénomène de notre vie personnelle : on ne crée jamais l’unanimité dès que l’on prend position. Il y a le risque psychologique: il faut arriver à s’aimer et préserver son intimité et la sérénité de nos proches. Il y le risque financier: sans sécurité financière, on peut devenir dépendants de personnes qui pourraient nous financer. On a alors les mains attachées une fois rendues au pouvoir.
Est-ce impossible pour vous d’envisager un retour à la pratique du droit après tout cela ?
Je pourrais me retrouver dans des organisations où il y aurait un département juridique. Si la vie fait en sorte que je ne devienne pas élue, je serai une entrepreneure et je créerai d’autres projets ! Si je gagne, j’aimerais ça qu’on soit au pouvoir, qu’on puisse former le gouvernement, et dans ce contexte là, j’aimerais pouvoir envoyer énormément d’investissements à Montréal. Ça fait neuf ans que le fédéral est absent de Montréal. La ville en a souffert et elle en souffre encore.