40 000$ par an... et heureux!
Céline Gobert
2015-05-20 15:00:00
Peut-être l’anecdote explique-t-elle la passion avec laquelle Me Marotte, maintenant âgé de 47 ans, traite chacun des 300 à 400 dossiers annuels du Mouvement Action-Chòmage de Montréal où il est responsable des services juridiques depuis 1996. Peut-être aussi parce qu’il a vécu sur le bien-être social pendant cinq mois après son diplôme en droit. Il mangeait alors trois oeufs par jour. Il n’était pourtant « ni paresseux ni fainéant. » « Plein de facteurs expliquent que l’on se retrouve en difficulté », dit-il.
Aujourd’hui, en plus d’un travail d’information et de prévention du public, il défend des personnes congédiées prétendument pour inconduite voulant toucher leurs prestations chômage. Ce qui l’inspire ? La résilience d’un Nelson Mandela, l’état d’esprit des bouddhistes et la détermination du boxeur Arturo Gatti.
Souvent, les gens négocient à rabais faute de moyens financiers, explique Me Marotte. Lui, il ne charge pas d’argent à ses clients, il a donc tout son temps.... ce qui ne plaît pas à la partie adverse !
« J’essaie de me rapprocher de la justice, de changer le paradigme et le rapport de force », explique l’avocat avant d’ajouter que le vrai problème est l’accessibilité à la justice. « On peut faire ça ici parce qu’on est fous, parce qu’on a une subvention de Centraide Montréal, parce qu’on a un idéal. »
Et ce n’est pas parce qu’il ne charge pas qu’il n’est pas bon ! « Nous sommes les meilleurs », assure-t-il.
Le même salaire pour tout le monde
Financée par Centraide Montréal, des communautés religieuses telles les Soeurs des St-Coeur de Joliette ou encore par les dons reçus par les clients satisfaits, la petite équipe de son organisme fait « de petits miracles » avec un budget qui n’excède pas les 250 000 dollars par an.
Me Marotte, lui, gagne le même salaire que sa stagiaire Kim Bouchard, tout comme le responsable administratif ou encore le coordinateur. Soit 40 000 dollars chacun.
« Tu prouves rien avec le salaire que tu gagnes : évidemment, briser un syndicat, se débarrasser des travailleurs ou faire en sorte qu’une grosse entreprise paie moins d’impôts, c’est rentable dans le marché. Mais l’humain n’est plus au centre des préoccupations. »
Depuis peu, Me Marotte est candidat du Nouveau Parti Démocratique (NPD) dans la circonscription de Saint-Jean. Pas pour devenir plus riche, mais pour avoir davantage d’impact social. « Ici on sauve des gens mais si je fais changer deux virgules et trois mots sur un règlement, mon travail aura un impact sur des milliers de personnes. »
Pas de BMW mais du bonheur
Aider les gens, c’est ce qui lui donne de la valeur, c’est ce qui le rend heureux. D’autant plus qu’il n’a pas la pression des heures facturables. À la place, il a une blonde, des enfants, des poules, des chiens, et la joie de se lever le matin. « Je n’ai pas de BMW mais j’ai réussi, je fais ce que je voulais faire. »
D’ailleurs, une autre anecdote hante ce Barreau 1998 : une histoire que lui a chuchoté son épouse Diane Labrecque, auteur de « Je ne mourrai pas zombie. » Celle d’un avocat de Davies, dont il préfère taire le nom, et qui facture aujourd’hui 500 dollars de l’heure. « Au moins une fois par semaine, il se réveille en pleurs après un cauchemar, explique-t-il à Droit-inc Me Marotte. Il est profondément tourmenté. »
Autant dire qu’il ne regrette rien. Surtout pas d’avoir refusé l’offre de stage de ce même cabinet qu’il a reçu à sa sortie de l’UQAM. Ni même d’avoir grimpé sur la croix du Mont-Royal pour se faire entendre à la fin des années 80.
Pendant ce temps, il manque un bouton de chemise à Me Hans Marotte. Pourtant il ne la changera pas. « Pourquoi faire ?! Ça n’a aucune importance ! Ce n’est pas l’avoir qui compte, c’est l’être, disait mon père. »
Il aime se voir comme un Robin des bois, qui prend aux riches pour donner aux pauvres ! En témoigne son tattoo qui orne son épaule et qu’il nous dévoile tout sourire : un Robin des bois entouré de ses deux fils, Félix et Fauve, et d’un sigle C.V.B.A.
Pour « ça va ben aller. », précise l’avocat.