L’avocat des cochers!
Céline Gobert
2016-05-26 15:00:00
C'est le juge Kirkland Casgrain qui a accordé cette ordonnance temporaire de neuf jours, soit jusqu’au 3 juin prochain.
Me Audi Gozlan représentait les cochers qui demandaient une injonction. Il faisait face à Me Marc Lalonde du cabinet Bélanger Sauvé. Droit-inc a discuté avec Me Gozlan...
Droit-inc: Vous êtes l’avocat des cochers dans le conflit qui les oppose à la Ville de Montréal. Comment avez-vous obtenu ce mandat?
Me Audi Gozlan: Je connaissais l’un des cochers qui m’a parlé de l’affaire. J’ai commencé le travail sur le dossier en rencontrant tous les cochers et j’ai immédiatement connecté, compris et senti ce qu’ils essayaient d’accomplir: défendre leur droit de vivre, de nourrir leur famille, et de payer leurs dépenses. La décision de la Ville de Montréal et du maire Coderre était bien trop rapide, sans réflexion, et elle attaquait la vie de ces personnes. La Ville a émis des permis il y a trois mois à peine! Pourquoi les retirer maintenant?
Quel a été votre rôle concrètement?
Au total, je représente environ 50 personnes: il y a 9 demandeurs, environ 25 cochers, et 24 propriétaires de calèches. Mon rôle était de m’asseoir avec eux, de comprendre la situation, de rédiger l’injonction et de faire la présentation à la cour.
Vous aviez une stratégie?
Bien sûr que j’avais une stratégie! D’abord, il s’agissait de rédiger la requête de façon détaillée. D’ailleurs le juge m’a de suite complimenté en me disant que la requête était extrêmement bien rédigée. J’ai cherché des situations similaires, et il y en avait une à Québec, André Beaurivage c. la Ville de Québec où la ville essayait de limiter le nombre de permis qui circulaient. Le cocher a contesté et il a gagné sur la base de la défense des droits des personnes.
Qu’est-ce qui vous a permis d’arriver à obtenir une décision qui permet aux cochers de retourner travailler?
La Ville de Montréal se basait sur l’article 22 du Règlement sur les véhicules hippomobiles
qui stipule que le comité exécutif peut contingenter le nombre de calèches circulant à Montréal. Je n’étais pas d’accord sur le mot « contingenter », il y a eu un débat sur ce terme-là. J’ai sorti plusieurs dictionnaires et nous n’avons trouvé nulle part que « contingenter » voulait dire fixer à zéro le nombre de véhicules. À Québec, il se base sur un règlement similaire mais le mot est « modifier ». C’était un très bon argument de ma part. Le juge Kirkland Casgrain l’a accepté.
Ensuite, lorsqu’une municipalité donne un avis ou passe une ordonnance, elle doit toujours prendre en compte la situation personnelle des gens. J’ai cité Pierre-André Côté qui écrit dans son Interprétation des lois: « Les tribunaux ont aussi montré le souci de préserver la liberté de chacun d’exercer une profession ou de se livrer à un commerce: les textes (il s’agit le plus souvent de règlements municipaux) qui prétendent restreindre les libertés professionnelles ou commerciales sont interprétés restrictivement. »
Que faut-il retenir du jugement selon vous?
Que personne n’est au-dessus des lois. Le juge, qui était nerveux de lire son jugement, a écrit: « Ce moratoire est ultra vires des pouvoirs de la Ville et n’a pas d’apparence de présomption de validité. » Il s’est adressé à tous les cochers qui étaient là et il leur a dit: « maintenant retournez au travail! ». Le juge était choqué lui-même que la Ville émette des permis il y a trois mois pour ensuite les retirer. Sur quelles bases? Personne n’avait de réponses claires et nettes, c’était flou.
En face, l’avocat de la Ville Me Marc Lalonde de Bélanger Sauvé évoquait les infrastructures, les restructurations ou encore le fait que les chevaux étaient maltraités mais ça n’a rien à voir avec le fait d’enlever un droit inhérent à une personne! La Ville peut mettre des amendes ou fait venir deux fois par mois des gens pour vérifier le traitement des chevaux, mais dire “on doit tout arrêter” parce qu’il y a un problème… Non, faut que ce soit proportionnel.
Pour lire la décision du juge dont Droit-inc a obtenu copie, cliquez ici.