Un faux répertoire d’avocats ?
Delphine Jung
2017-10-25 15:00:00
L’internaute peut aussi directement cliquer sur l’une des quatre villes proposées (Montréal, Laval, Longueuil et Québec) pour trouver son bonheur. Dans la métropole, par exemple, 24 professionnels sont répertoriés.
Puis, lorsqu’on clique sur le profil d’un avocat, son domaine d’expertise, un lien vers le site internet et son adresse apparaissent. Le problème, c’est qu’il semblerait qu’aucun d’entre eux n’ait donné son autorisation pour figurer sur ce site internet.
« Je suis tombé sur ce site par pur hasard, en tapant mon nom dans Google. La quatrième ou cinquième occurence renvoyait à legaly.ca », raconte Marc-André Groulx du cabinet Coursol Bergeron Groulx.
Droit-inc a contacté d’autres professionnels. « Je suis un peu surprise… », dit Caroline Boucher, avocate qui exerce à Longueuil. « Je n’étais pas au courant », ajoute Laurent Debrun du cabinet Kaufman. « Ça m’inquiète toujours lorsque quelqu’un utilise notre nom sans consentement », poursuit Daniel Romano du cabinet Kalman Samuel, à Montréal.
Ce ne sont pas moins de 55 avocats qui sont concernés.
Des médias tels que Droit-inc, MTLBlog ou Le Journal de Montréal étaient aussi présentés comme partenaires en page d’accueil du site. Droit-inc n’a jamais été contacté par legaly.ca pour un quelconque partenariat.
Mais il y a 6 jours, les logos du Journal de Montréal et de Droit-inc ont disparu. On peut désormais y voir ceux de MTLBlog, CNW, Business Wire et Cision.
De nombreuses erreurs
Le site est également truffé de fautes. Tant d’orthographes (à commencer par le mot «legaly») que de syntaxes et même de faits. Par exemple, Chistopher Maughan est rattaché au cabinet Borden Ladner Gervais alors qu’il l’a quitté pour se joindre à Audren Rolland il y a plusieurs mois.
Alexandre St-Onge, qui figure aussi parmi les avocats de l’annuaire, a été nommé juge en mars 2017.
« Tiens, je ne savais pas que je faisais du droit de l’immigration et que je parlais espagnol », plaisante Me Boucher, qui travaille plutôt en droit civil.
Chacun d’entre eux est également présenté en quelques lignes dans un français approximatif. « Diplômé(e) du barreau de University of Montreal », ou encore « est actuellement avocat(e) la loi à Montréal QC ».
Ensuite, si certains liens vers les sites internet de chacun d’eux sont fonctionnels, celui qui apparaît à côté du profil de Me Boucher conduit l’internaute vers une page web chinoise qui semble être un site de paris et de jeux en ligne !
Certains profils dévoilent même des « avis » et des notes. Par exemple, Me Romano se voit crédité de quatre étoiles sur cinq. Les commentaires sont plutôt élogieux – même si là encore, la syntaxe laisse à désirer.
Pour Me Romano, ces propos ne semblent pas inconnus. « J’ai l’impression qu’ils ont repris des commentaires publiés sur Yelp ou Google », dit-il.
Quelles sont les intentions de legaly.ca?
La plupart des avocats semblent déstabilisés par la démarche des auteurs du site internet. « Il est impossible de voir le genre de communications, s’il y en a eu, entre les gestionnaires et les clients potentiels, il y a un véritable flou quant aux intentions et motivations du site, sans compter qu’il y a des erreurs », explique Laurence Delage, avocate chez Ferdoussi Hasa qui, d’après legaly.ca, exercerait depuis deux ans alors qu’elle n’a été assermentée qu’en décembre 2016.
Le site internet permet aussi de mettre en relation les clients avec les avocats grâce à un onglet « prendre un rendez-vous ». Un courriel est alors envoyé à l’avocat de la part de legaly.ca dont l’objet est « Nouveau client potentiel ». Il invite ensuite le professionnel à confirmer le rendez-vous avec le client qui aura fourni son nom ainsi que son numéro de téléphone.
« Et si les clients posent une question et que c’est le site qui répond en mon nom? », s’inquiète Me Debrun.
Il est aussi possible de s’inscrire en tant qu’avocat sur legaly.ca moyennant « une somme minime », soit 49,99 $ par mois. Avoir un profil permettrait ainsi de « profiter de la base de données de nos clients et trouver plus de clients instantanément » comme l’indique le site.
Droit-inc a tenté de créer un profil sur legaly.ca. Nous avons reçu un courriel signé d’un certain Harvey Nadeau qui se présente comme le « président ».
Le propriétaire du nom de domaine de legaly.ca est pourtant introuvable et rien ne figure au registraire des entreprises du Québec.
Mise en demeure
Certains cabinets ont fait part de leur désir d’envoyer une mise en demeure au site en question. Me Groulx a pris les devants vendredi dernier.
« Il s’agit dans les faits, d’une utilisation illicite du nom et de l’image du soussigné, laquelle contrevient à ses droits civils et fondamentaux, tels édités à l’article 5 de la Charte québécoise des droits et liberté de la personne et aux articles 35 et 36(5) du Code civil du Québec », peut-on lire dans la mise en demeure que s’est procurée Droit-inc.
Le document évoque également que le site internet legaly.ca laisse croire à une publicité et qui est contraire au Code de déontologie des avocats.
Depuis, le profil de Me Groulx a disparu.
« Dans l’absolu, nous aimerions que ce site internet ferme. Il s’agit ici de préserver la confiance des justiciables envers notre profession », conclut l’avocat.
Le site se désignait d’abord implanté au 3050, rue des Francs-Bourgeois à Boisbriand. Désormais, il n’y a plus que la mention « Construit et opéré à Montréal ».
Malgré notre demande d'entrevue, le président de legaly.ca ne nous a pas répondu.
Le Barreau du Québec de son côté a estimé devoir d’abord prendre connaissance de ce que Droit-inc a porté à son attention avant d’envisager une sortie publique.
Isabelle Laporte
il y a 7 ansD'où l'importance de «s'auto-googler» régulièrement ...
Merci du rappel, Monsieur Groulx. :)
Falbala
il y a 7 ansAussi, lawyer.com semble également problématique.
Je m'y suis trouvé, ce site mentionne que je parle seulement français (faux), que je pratique en droit de la famille (j'ai quitté cette pratique depuis 2 ans) que je travaille encore à mon ancien cabinet (un lien vers le site est déposé), que je suis "in good-standing" (thank god this is true).
Don't really know what to do with this