Une avocate « défroquée » choisit la voie de la peinture
Delphine Jung
2018-05-22 15:00:00
Artiste dans l’âme, la femme de 47 ans a pourtant commencé sa carrière comme avocate, en travaillant dans différents cabinets après son bac en droit obtenu à l’Université de Montréal et son assermentation en 1994.
La peinture comme identité
Il y a un an, elle a définitivement raccroché sa toge et a arrêté de payer ses cotisations pour se mettre à 100% dans sa passion : la peinture. Cela fait néanmoins près de dix ans qu'elle ne pratique plus « Ça a toujours été la façon dont je me définis. Petite, j’étais l’élève qui savait dessiner, c’était déjà mon identité. Je réfléchis en dessin », explique-t-elle.
Mais sans pouvoir lâcher totalement le milieu juridique, l’artiste a décidé de créer un livre en l’honneur de ses anciens collègues.
Intitulé « Esprits juridiques », l’ouvrage remonte aux origines de la profession d’avocat et à ses symboles. Pour parvenir à ce résultat, Francesca Trop a fait de nombreuses recherches : depuis quand les avocats existent-ils? Pourquoi portent-ils une toge noire ? D’où viennent le rabat et l’épitoge? Comment rendait-on justice avant la mise en place des systèmes actuels?
Chaque page se compose d’un court texte sur un sujet précis et s’accompagne d’une peinture.
Les avocats y sont représentés de manière austère, toujours en toge noire, le visage flou, pour ne pas tomber dans la personnification. Ils déambulent dans des couloirs immenses et font face à des juges. « Au début, je place des rectangles noirs dans un environnement, puis j’essaye de raconter une histoire autour », explique la peintre.
Toutes ses œuvres sont sombres, à la limite angoissantes. « C’est voulu. Il y a un côté sombre dans la profession… Il n’y a rien de drôle dans le droit, certains y jouent leur vie », détaille-t-elle en précisant qu’elle peint aussi des choses plus joyeuses comme les animaux, la nature…
Un livre pour soutenir Éducaloi
Une partie des profits sera remise à l’organisme Éducaloi. « Je voulais que ce soit un livre que les avocats mettent dans leur cabinet, que leurs clients le feuillettent pour mieux comprendre leur métier. Je trouve qu’Éducaloi a une belle mission, c’est important de la soutenir. C’est ma façon de le faire », explique la Montréalaise, qui estime que son livre peut permettre aux avocats de se « rappeler ce qu’il y a de noble dans leur métier ».
L’ancienne avocate, qui a travaillé successivement pour l’Aide juridique et les cabinets Bélanger Sauvé, ainsi que Legault Longtin Laurin Halepin, a toujours aimé la relation d’aide qu’il y a entre les professionnels du droit et leur client. Elle concède que c’est ce qui lui manque parfois un peu, mais pas la pratique en elle-même. Et de toute façon, « voir le bonheur dans les yeux de quelqu’un qui repart avec l’un de mes tableaux, c’est aussi très nourrissant », dit-elle.
Francesca Trop a donc enfin réussi à allier l’art et le droit, ce qui n’était pas évident. L’artiste avait pourtant essayé à de nombreuses reprises. « Mais je n’ai rencontré personne de très inspirant. Tous me suggéraient fortement de rester en droit, qu’eux, en tant qu’artistes étaient pauvres… », dit-elle.
Avec le recul, elle ne regrette pas ce virage qu’elle a pris il y a presque dix ans. « À 39 ans, je me suis souvenu de la petite Francesca qui se promettait de devenir peintre. Je voyais aussi certains de mes amis passer l’arme à gauche, d’autres vieillir. J’ai vraiment compris que la vie aurait une fin alors j’ai décidé de me mettre à fond dans la peinture ».
Malheureusement, elle concède ne pas pouvoir vivre actuellement de sa passion. « La peinture, ça a toujours été ce que je suis, c’est tout », conclut-elle.