Un avocat blanc parmi les Cree de Mistissini
Delphine Jung
2018-06-04 15:00:00
Il gère des dossiers en droit du travail et en droit de la construction. Parfois, il explique le contenu d’une facture à un membre de la communauté ou à un autre, comment faire une copie conforme.
Après son assermentation en 2013, le jeune homme de 29 ans diplômé de l’Université Laval et originaire de Québec, a fait son stage au DPCP à Shawinigan, avant de monter plus au nord. En 2014, il a franchi le 55e parallèle pour débarquer à Kuujjuaq.
Il y a travaillé pour l’organisme Makivik, une OBNL qui veille au bien-être des Inuits, et pour l’Office d’habitation qui s’occupe de donner un toit à 90% des Inuits du Nunavik.
« Lorsque je suis arrivée là-bas, je ne connaissais personne. Les Blancs sont en général vus avec méfiance en raison des traumatismes du passé, et avec raison. Mais quand ils nous connaissent, ils vont nous faire une confiance aveugle », raconte-t-il en évoquant ses premiers rapports avec les Inuits.
Parti sans a priori, Me Vachon-Roseberry a été frappé par la générosité de ce peuple, mais aussi par la rudesse de leur hiver. « Les trois premières bouffées d’air lorsqu’il fait -45 degrés sont assez frappantes. On a les narines qui collent. C’est aussi un territoire plus venteux à l’air plus sec », raconte-t-il.
Pour communiquer, ils parlent anglais, même si beaucoup d’Inuits, surtout les plus vieilles générations ne parlent qu’Inuktituk.
En 2017, son poste à Makivik a été aboli par manque d’ouvrage. Retour au sud, où il pratique à son compte en droit civil, droit du logement et droit criminel, puis à la Fondation de la faune du Québec où il effectue un stage dans le cadre de sa maîtrise en droits collectifs et fondamentaux.
« J’ai ensuite été contacté par un chasseur de têtes pour un poste à Mistissini. Dans ma tête, je voulais rester à Québec, je n’étais donc pas vraiment intéressé », dit-il.
Me Vachon-Roseberry va pourtant jusqu’à l’entretien avec les membres de la Cree nation of Mistissini. « Le contact est bien passé, je sentais qu’ils avaient de bonnes valeurs, un bon sens de l’humour et on m’offrait la possibilité d’occuper des fonctions variées. Je n’allais pas m’ennuyer », poursuit-il.
Le jeune avocat n’oublie pas non plus que Mistissini est au bord du plus grand lac d’eau douce du Québec. Quoi de mieux pour un amateur de pêche comme lui !
« Parfois les gens me demandent si je ne me sens pas isolé… Mais non ! Je me sens bien plus isolé à Montréal, en ville. Ici, lorsque je vais faire mon épicerie, je rencontre des gens sur mon trajet, je leur parle », dit-il.
Contrairement à Kuujjuaq, Mistissini est aussi un peu plus proche de Québec et surtout joignable en auto.
Peuple revendicateur et pacifiste
Ses premières semaines passées aux côtés des Crees lui ont appris qu’ils sont un peuple « revendicateur, mais pacifiste. Ils ont compris que les tribunaux sont un bel outil pour faire entendre leur voix », explique-t-il.
Certains penseront peut-être que Me Vachon-Roseberry est encore un de ces Blancs venus « sauver » les Autochtones. Il s’en défend : « il ne faut pas venir en se disant cela, il faut rester humble et faire profil bas. Ceux qui veulent les sauver ne connaissent rien à leur culture. Il ne faut pas leur imposer nos idées, elles doivent venir d’eux », dit-il.
Quant à sa vie sociale, le jeune Québécois la sent bien plus riche ici que dans « le sud ». « En 5@7, on se rencontre tous au village, on participe à des festins communautaires, cela ne ressemble pas au 5@7 d’affaires dans lesquels les avocats vont pour réseauter pour faire de l’argent. Dans le sud, tout tourne toujours autour de l’argent, ici, ce qui compte c’est la cohésion, la communauté. Les rapports sont beaucoup moins superficiels, il n’y a pas cette forme d’hypocrisie », dit-il.
Une justice par les Blancs pour les Blancs
Après ses nombreuses expériences passées dans le Grand Nord, Me Vachon-Roseberry a également pu observer la déficience de la justice dont souffre le territoire et surtout du manque de ressources.
« Le système de justice des Blancs n’est pas celui des Autochtones. Actuellement, c’est un juge, qui ne connaît rien aux réalités autochtones qui va trancher en se basant sur des lois écrites par les Blancs, pour les Blancs. On devrait permettre aux Autochtones de retourner à des résolutions de conflit comme ils ont l’habitude de le faire : en groupe, afin de trouver une solution commune », dit-il.
Il explique aussi que parfois, les juges rendent des jugements que les Autochtones ne comprennent même pas. Le concept de bris de probation par exemple leur est totalement étranger.
Me Vachon-Roseberry n’a passé que quelques semaines à Mistissini, mais contrairement à Kuujjuaq, il s’y voit finir sa vie. « Ici, on fait des choses simples, peu coûteuses, et on a bien plus du fun. »
DSG
il y a 6 ansSo it's not like our 5 a 7s. Does that mean that it doesn't consist of hordes of men (who think that they're cool because they are wearing suits) hounding the two office skanks sitting a the bar?
Anonyme
il y a 6 ansSuper article, merci Droit inc. !
C'est motivant de voir de jeunes leaders comme Me Vachon-Roseberry.
anonyme
il y a 6 ans"Lorsque je suis arrivée (sic) là-bas, je ne connaissais personne. Les Blancs sont en général vus avec méfiance en raison des traumatismes du passé, et avec raison."
Il va avoir un grand succès dans la communauté, il a déjà accepté la réponse à tous les problèmes: "un père bat sa fille? C'est la faute des écoles résidentielles", "un jeune saoul tire sur un policier? C'est la faute des écoles résidentielles.", "Un groupe de jeunes vandalise une école? C'est la faute des écoles résidentielles". Tout ce qu'il manque, c'est "est-ce que l'homme est allé sur la Lune? Non, à cause des écoles résidentielles"
Anonyme
il y a 6 ansNier ou banaliser les traumatismes qu'on a fait subir à ces communautés n'amélioreront certainement pas les choses. Si vous manquez autant de jugement, est-ce que c'est aussi la faute des écoles résidentielles?
Anonyme
il y a 6 ansCertainement pas le quidam qui n'était même pas né à l'époque, de même que la vaste majorité des contemporains des victimes.
La rhétorique du "on" est le language des groupes de pressions qui vivent de la victimisation éternelle, avec le têtage de réparations et de subventions qui viennen avec, payés par une population qui aujourd'hui comme hier n'a pas d'influence dans la gestion des affaires publiques.
David V.R.
il y a 6 ansLes écoles résidentielles constituent une pièce du puzzle, tout comme les relocalisations dans le high arctic, la tuerie de tous les chiens de traîneaux, le sous-financement de tout, la non-consultation pour les projets de loi (et autres), le coût de la vie 2-3 fois plus élevé, le non-respect des traités, etc. Les gouvernements ont trop souvent traité les premières nations comme des outils ou des cobayes. Pas des citoyens. Si tu crois le contraire, explique-moi pourquoi tant de communautées autochtones canadiennes n'ont pas de système convenable d'eau potable. De l'eau potable... we're in 2018! Informe-toi sur les nombreuses relocalisations forcées, surtout celles dans le high Arctic. Quand je dis que les Blancs sont vus avec méfiance, c'est que les Autochtones ont trop souvent été exploités. Dans le Grand Nord, le fait que peu d'entre eux possèdent des diplômes post-secondaires et que le français ne soit pas du tout leur langue première, cela les rend plus vulnérables. Au Nunavik, le taux de suicide est 10 fois plus élevé qu'au sud de la province (qui a déjà un taux élevé de suicide comparé au monde entier). Un peu de compréhension svp.
Kimberley Marin
il y a 5 ansBravo David!
Tu es digne d'occuper un poste où tu pourras comprendre les intérêts et les difficultés de personnes vulnérables, le tout en faisant preuve de jugement.
Anonyme
il y a 5 ansWhy do you put that title to your comments? Especially in a post that's not related? Doesn't your name suffice? It's extremely tacky and weakens your message.