J’ai démissionné comme procureure de la Couronne!
Céline Gobert
2019-03-14 15:00:00
Chose étonnante : celle qui affirme ne pas correspondre aux standards de la «high fashion» planchait jusqu’ici sur des dossiers de violence conjugale au sein d’une équipe du DPCP. Avec plus ou moins 300 dossiers actifs, c’était beaucoup de volume, d’accusés, de victimes.
Une tâche faramineuse qu’elle a accomplie pendant « quatre belles années », dit-elle.
Pourtant, le 31 juillet dernier, au terme d’une intense remise en question, elle a démissionné, rejoint une agence de comédienne, envoyé des démos d’actrice, et commencé à passer des auditions en espérant percer dans le milieu artistique. Quelques mois plus tard, elle rédige déjà des textes sur un blogue de mode. Crise de la trentaine? Non, assure l’ancienne procureure, mais bien une véritable libération.
Droit-inc a voulu en savoir plus sur ce saut dans le vide.
Droit-inc : Qu’est-ce qui a motivé votre décision de quitter le DPCP?
Me Catherine Souffront : J’ai 28 ans et c’était le moment ou jamais pour moi d’explorer autre chose, de me donner une vraie chance de me tourner vers les arts. Jusqu’ici, une partie de moi avait honte socialement de me lancer car cela ne cadrait pas avec l’image que je voulais mettre de l’avant. Mais j’ai la fibre artistique depuis que je suis toute petite.
J’imagine que ça n’a quand même pas été une décision facile à prendre…
Oh mon Dieu non! (Rires) J’ai toujours rêvé d’être procureure de la Couronne. En plus, il y a un statut social qui vient avec le fait d’être avocate, ça provoque instantanément une réaction chez les gens. Dans ma tête c’était inimaginable de démissionner! Mes parents sont originaires d'Haïti, et quand tes parents ont tout sacrifié, il y a une partie de toi qui sait que tu dois devenir quelqu’un.
Mais même si le travail était assez proche de la job de mes rêves, il demeurait quand même stressant et exigeant. Qui plus est, quand on est procureure de la Couronne, on a une charge exclusive. Ça veut dire qu’on ne peut pas être associée à un parti politique ou à une compagnie.
Vous me disiez que l’écriture vous intéressait également…
Oui, l’écriture m’intéresse beaucoup, j’écris depuis l’adolescence. C’est important pour moi qui n’a jamais eu de crise d’ado. J’ai l’impression d’avoir tout fait correct, en ligne droite, et l’écriture a toujours été une manière pour moi de faire ressortir mon émotion, dans les moments où je me sentais incomprise.
D’ailleurs, je relis souvent les textes que j’ai écrits à l’adolescence pour mieux me rendre compte d’où je suis rendue dans la vie. À 16 ans, j’avais les mêmes tourments que maintenant, la même peur de ne pas me réaliser entièrement et artistiquement. Quand j’ai eu 26 ans, à la Cour, j’ai commencé à réfléchir. Alors j’ai consulté un coach professionnel et il m’a fait comprendre qu’il n’y avait rien d’horrible à mon désir, que ce n’était pas fou. En fait, je me jugeais moi-même.
Vous n’avez pas l’impression d’en faire une maintenant, de crise d’ado?
C’est intéressant. J’ai déjà eu cette conversation avec ma mère! (Rires) Mais la réponse est non. Une crise d’ado prend deux choses : le passage à l’âge adulte, et une crise qui surgit comme un volcan. Dans mon cas, il s’agit d’un processus réfléchi, ça ne peut pas être plus réfléchi. Depuis que j’ai pris la décision, je ressens une plénitude, je suis zen, en paix avec moi-même.
J’essaie d’être plus vraie que possible. Je sais que je veux inspirer, faire une différence dans la vie des gens. En étant vraie, on donne de la lumière à l’autre. Quand il y a un partage d’authenticité, il y a une connexion, un amour que j’essaie de cultiver dans la vie. Car c’est là que je me sens le plus en vie.
Le DPCP ne vous permettait pas de faire une différence dans la vie des autres?
Oui, absolument, d’un point de vue concret, le DPCP me le permettait, et c’était mon carburant. À la fin d’un procès quand une victime vient te voir pour te faire un calin, il n’y a pas de meilleur souvenir pour moi dans ma carrière. Mais ta marge de manoeuvre quand tu as une âme bohème n’est pas aussi grande que je l’aurais voulu.
Et dans mon âme, il y a quelque chose de vagabond, je fonctionne beaucoup plus selon mes pulsions que l’avocat moyen. Par exemple, à un moment donné, je suis retournée à mes boucles naturelles, je laisse tout aller, c’est moi les cheveux frisés! Même si ça ne colle pas avec le décorum strict de la Cour.
Côtoyer toute cette souffrance, et en voir les limites, est difficile pour une personne sensible comme je le suis. Ce que ces gens ont vécu est énorme! Et j’ai de l’empathie pour eux. La petite fille en moi voudrait les aider, pleurer avec eux, mais je ne peux pas.
Vous voulez dire que vous trouviez ça dur de contenir votre émotion?
Oui, pour moi c’était dur car je suis très sensible, mais en tant que procureure, on se doit de se tenir droit, on n’a pas le droit de plier, on est là pour faire valoir la justice, faire le tampon entre le juge et la victime, et cela ne veut pas dire être l’amie de la victime.
Et les conséquences de votre choix, vous les vivez comment?
C’est sûr que j’ai changé mon mode de vie, mais je referai le même choix demain matin. Je venais d’acheter un très bel appartement, neuf, avec une déco impeccable. Maintenant, je le loue, je vis en coloc, j’ai délaissé l’auto, je fais moins de restaurants, moins de voyages.
Mais pour moi l’argent n’a pas la même valeur que pour certains, bien sûr j’en ai besoin pour manger et me payer des choses mais il n’est pas nécessaire à mon bien-être.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui n’oserait pas faire le saut?
Je lui dirais d’arrêter de douter et d’apprendre à se faire confiance. Il faut arrêter de penser qu’on est fou. Beaucoup de choses sont possibles. J’ai réussi à verbaliser mon envie de me diriger vers les arts et le monde ne s’est pas écroulé. Et aujourd’hui... je suis fière d’être moi!
Anonyme
il y a 5 ansC'est pas plutôt 80 000$/année ???
La rédaction
il y a 5 ansL'erreur a été corrigée, merci!
A
il y a 5 ansElle ne le dit pas, mais c'est lorsque tu te rends compte que 250 sur 300 sont des menteuses qui veulent juste obtenir la garde des enfants que tu déprimes et t'as envie de tout lâcher.
CFF
il y a 5 ansSpeaking from experience?
Alex Turcotte
il y a 5 ansVotre commentaire est plutôt misérable et gratuit !
Anonyme
il y a 5 ansElle est procureure de la Couronne, c'est à dire qu'elle traite d'affaires criminelles et non civiles comme les dossiers de garde d'enfants
Me(e)
il y a 5 ansJe n'irais pas jusqu'à avancer de tels chiffres, mais malheureusement le système de justice criminelle est parfois utilisé à mauvais escient pour fins de garde d'enfants.
A
il y a 5 ansT'as rien compris.
SBS
il y a 5 ansMon ex mari (un homme) a déposé tellement de plaintes contre moi pour que la garde me soit retirée et qu'ils soient placés en famille d'accueil afin qu'il n'est pas à payer de pension alimentaire pour enfant. Naturellement ça n'a pas fonctionné et dans mon jugement de garde exclusive il est mentionné que si jamais mes enfants étaient placés en centre de jeunesse monsieur devrait continuer à payer la pension alimentaire. Depuis ce temps j'ai la paix, je reçois automatiquement la pension alimentaire dans mon compte, mes enfants sont moins stressés et monsieur nous fichent maintenant la paix. l'arroseur s'est fait arrosé
A
il y a 5 ansJ'ajouterai que mon pourcentage très approximatif de 250/300 se confirme avec l'affaire Rozon. Ceci démontrant cela.
Anonyme
il y a 5 ansQuand tu tentes d'aider les victimes, mais elles ne s'aident pas, retournent vers l'accusé et le cycle continue et s'aggrave. Pendant ce temps, les vrais criminels, les pires, eux sont remis en liberté par des juges complaisants, ou bénéficient d'un arrêt des procédures parce que le dossier a trop traîné, pour toutes sortes de raison, à cause de l'inertie de la victime, surtout de l'accusé.
Nom
il y a 5 ansElle a pris la bonne décision avant d’être prise dans une belle cage dorée
Nom
il y a 5 ansPlusieurs veulent quitter, mais pour d’autres raisons. Elle a bien fait de prendre cette décision avant d’être prise dans une cage dorée