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Droit immobilier : quand la prudence est de mise

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Camille Dufétel

2023-04-19 13:15:00

Télétravail, taux d’intérêt en hausse, inflation… En droit immobilier, un associé remarque quelques changements dans ses dossiers. Lesquels ?
Me Vincent Tremblay. Source: Langlois
Me Vincent Tremblay. Source: Langlois
Pénurie de main d’œuvre, conjoncture économique difficile, nouvelles tendances au travail, actualités, évolutions législatives… Difficile d’imaginer que cela n’a aucun impact sur le type de dossiers auxquels font face les avocats, dans certains domaines en tout cas.

C’est ce que confirmait récemment Me Éric Bédard de Fasken à Droit-Inc, bien que selon lui, cela ne remette pas en cause leur charge de travail.

En droit du travail, la pénurie de main d’œuvre peut par exemple conduire des employeurs à renégocier des conventions collectives, remarque une avocate forte de 20 ans d’expérience dans le domaine, Me Rachelle Gauthier.

Dans le même temps, les avocats surveillent les tendances… Par exemple, Me Danny Galarneau, de Cain Lamarre, observe ce qui est actuellement sous la loupe des autorités fiscales…

Si dans de nombreux groupes, des observations sont relevées par les professionnels du droit, le secteur immobilier n’y échappe pas. À Québec, l’associé Me Vincent Tremblay le remarque effectivement.

Il observe de la prudence de la part de certains joueurs, pour voir « comment le marché va se comporter ».

Droit-Inc s’est entretenu avec ce Barreau 2008, qui travaille avec près d’une dizaine de professionnels œuvrant en droit immobilier, financement et droit corporatif au sein du groupe de droit des affaires de Langlois.

Qu’observez-vous dans votre domaine au regard de la conjoncture actuelle ?

En ce moment, les terrains industriels représentent le marché le plus effervescent. Il y a une rareté de terrains, et quand certains sont disponibles, ils disparaissent très vite.

On sent aussi que les municipalités tentent de plus en plus de développer des parcs industriels. Elles ont bien senti le message au niveau du besoin des industriels pour avoir du terrain, des locaux, des lieux pour pouvoir exploiter leur entreprise.

C’est sûr qu’on se situe après deux années « folles », très dynamiques, avec un nombre de transactions record, tant en volumes qu’en chiffres… On peut penser à celle de Cominar l’an dernier, qui a été une transaction immobilière record dans la province.

Là, il y a eu la montée des taux… On a senti un ralentissement dans les six derniers mois au niveau du financement immobilier. Le démarrage de nouveaux projets multi-résidentiels a beaucoup ralenti.

Ceci dit, ce n’est qu’une pause en attendant que le marché se replace. Les promoteurs qui avaient déjà tout préparé et étaient prêts à démarrer leurs projets les ont démarrés quand même, tant pour la région de Québec que celle de Montréal.

Mais oui, il y a une certaine pause au niveau de ce marché, sur le plan transactionnel. Il y a moins de nouvelles mises en chantier, moins de financement, moins d’achats de terrains, parce que les gens sont plus en mode consolidation des projets déjà en cours.

Comment se portent les autres marchés ?

Pour le marché des bureaux, c’est la même chose. Il y a eu d’importantes transactions suivant la pandémie, mais depuis quelques mois, on sent un ralentissement.

Le télétravail fait en sorte que les entreprises vont moins fréquemment au bureau, regardent pour réduire ou remodeler leurs espaces plutôt que d’en prendre de nouveaux.

C’est un marché intéressant à suivre dans le courant des prochaines années à savoir comment on va redéployer ces tours à bureaux, voir si on est capable un jour de reconvertir ça en habitations, faire différemment…

Pour le commerce de détail, c’est certain qu’avec les ventes en ligne, la pandémie n’a pas aidé sa cause. On voit aussi de plus en plus comment on va redéployer ces actifs.

À Québec, on a un projet où, Place Fleur de Lys, on vise à ajouter des hôtels d’habitations autour du centre commercial, pour créer des milieux de vie un peu plus dynamiques. C’est ce genre de choses qui évolue beaucoup aussi en immobilier.

Quand vous parlez de réfléchir à reconvertir les espaces délaissés en habitations, c’est une éventuelle bonne nouvelle pour le secteur résidentiel ?

Oui, c’est certain que le marché résidentiel pourra en bénéficier, car un redéploiement qui peut se faire est de reconvertir certains espaces ou de rajouter des étages pour offrir du logement.

Mais à tout cela, il faut arrimer la réglementation municipale, il faut que les municipalités s’adaptent à ces changements, donc ça peut prendre un peu plus de temps.

En immobilier présentement aussi, il y a la question du développement durable. À la Ville de Québec, c’est un thème très prisé, même pour les terrains industriels. Ce sont des questions centrales de savoir comment on va déployer un projet de manière durable.

Est-ce que c’est encore de prendre la vieille recette de couper des forêts en périphérie de la ville, ou plutôt d’adapter la réglementation pour faire en sorte qu’on puisse maximiser les parcs déjà existants ?

Ou oui, on va créer plus de terrains industriels, mais de manière à ce que ce soit durable dans le temps, tant pour l’environnement que pour les générations futures. Il y a beaucoup de considérations à ce niveau.

Il y a ainsi pas mal de facteurs à prendre en compte en ce moment sur le marché immobilier…

Oui, c’est la conjoncture de plusieurs choses, la réglementation municipale, les apports des capitaux des joueurs pour certains marchés, la disponibilité des terrains…

Dans les années précédentes, quand les taux d’intérêts étaient historiquement bas et que tout pouvait bouger, il y avait beaucoup de transactions et maintenant, on sent que les gens vont faire des choix un peu plus ciblés, structurés, organisés.

Peut-être qu’il va y avoir moins de volume, mais il y aura toujours du mouvement, car chaque situation crée des opportunités.

Il y a d’importants joueurs présents au Québec qui ont les reins solides et qui sont capables de passer au travers de différentes tempêtes et de créer le Québec de demain.

C’est la beauté de l’immobilier, sur le long terme, c’est stable. Je ne suis pas trop craintif.

Toutes ces tendances actuelles, qu’ont-elles changé dans votre pratique en tant qu’avocat ?

On est plus en mode accompagnement pour la réglementation, les processus qui doivent être suivis en fonction des modifications réglementaires…

Mais sinon, concrètement, il n’y a pas de grand changement dans la pratique du droit. Il n’y a pas eu de grande révolution législative donc les lois sont sensiblement les mêmes.

C’est dans les prochaines années qu’on va voir comment les municipalités vont s’adapter et on va avoir de la nouveauté dans notre secteur.

Par exemple, si la Ville de Québec revoit sa réglementation par rapport aux parcs industriels pour faire de la densité dans les parcs existants, c’est certain que là, on va avoir un nouveau type de travail à faire.

Mais la pratique demeure au niveau transactionnel la même.

L’avenir de la conjoncture économique ne vous inquiète donc pas trop ?

J’ai confiance que le Québec va pouvoir passer au travers, peu importe ce que l’avenir lui réserve. Nos entrepreneurs sont solides, résilients et créatifs.

La Banque du Canada est la seule à savoir ce qu’elle va faire avec les taux d’inflation. Mais il n’y a pas de signal pour dire qu’il y a une catastrophe à l’horizon.
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