L’Archidiocèse de Montréal versera 14,8 millions $ aux victimes d’agressions sexuelles
Didier Bert
2023-07-27 11:15:00
La poursuite avait été déposée en 2019 au nom d'un demandeur principal qui avait été l'une des victimes de Brian Boucher, un prêtre défroqué qui a été condamné à huit ans de prison en 2019 après avoir été reconnu coupable d'avoir agressé sexuellement deux garçons sous sa supervision.
L'entente est intervenue en avril dernier.
Le règlement couvre les abus commis par des membres diocésains, mais pas ceux commis par des prêtres membres d'une congrégation religieuse, dont plusieurs font toujours l'objet de poursuites. L'action collective compte 80 membres, mais ce nombre devrait augmenter d'ici au 22 octobre prochain, date limite pour les victimes désirant se manifester.
Lettre d'excuses
Outre l'argent, l'entente prévoit la remise à chaque membre du groupe d'une lettre d'excuses de l'archevêque Christian Lépine, dans laquelle il est écrit : « Nous sommes conscients que cette somme d'argent ne pourra jamais faire disparaître toute la souffrance que vous avez subie. Nous vous demandons de nous pardonner pour les gestes commis. »
Dans un communiqué diffusé mercredi, l'un des avocats pilotant l'action collective, Me Alain Arsenault, a fait valoir que l'action collective « a permis de mettre en lumière des histoires d'horreur sans nom. Nous saluons le courage des victimes d'avoir osé dénoncer [les faits] et nous les remercions de leur confiance. »
« Nous avons été heureux de constater tout au long du processus l'ouverture de M. Christian Lépine, archevêque de Montréal. Nous espérons que les autres organisations religieuses s'inspireront de l'attitude de ce dernier », souligne Me Alain Arseneault, avocat des plaignants.
Une entente « juste et raisonnable »
Dans sa décision, le juge Bisson souligne que l'entente « évite aux membres d'avoir à témoigner » et « d'avoir à faire la preuve de leurs agressions et des dommages qui en découlent », entre autres.
Selon le document, les parties estiment que chaque membre recevra un montant se situant entre 96 000 $ et 160 000 $.
« Ces sommes se situent dans la fourchette de ce que le tribunal pourrait même attribuer dans le cas d'un recours individuel après un procès », écrit le magistrat.
« Le tribunal conclut que l'entente de règlement est juste et raisonnable », ajoute-t-il.
Le travail du cabinet est salué
Le juge Bisson s'attarde également sur les honoraires qui seront perçus par la firme Arsenault Dufresne Wee Avocats et qui s'élèveront à un peu plus de 2,7 millions de dollars, soit environ 18 % du total du règlement.
Le magistrat souligne que la convention d'honoraires prévoyait un pourcentage de 25 % des sommes totales reçues par règlement. « Donc, pour l'ensemble des honoraires, le tribunal constate que le montant final sera inférieur à 20 % et même inférieur au pourcentage de 25 % prévu à la convention d’honoraires. »
Dans sa décision, le juge Bisson relève le travail effectué par le cabinet Arsenault Dufresne Wee Avocats, qui a rencontré individuellement les 63 membres inscrits à l’action collective, ainsi que les 15 victimes qui se sont déclarées par la suite. « À ce jour, les avocats du Demandeur ont traité chacune des personnes inscrites à l’action collective comme s’il s’agissait d’un client individuel, et lui ont consacré autant d’heures que nécessaire pour lui permettre de raconter les événements pénibles qu’elle a vécus, obtenir des réponses à ses questions et être rassurée, notamment quant à ses droits. »
Le magistrat souligne que « les avocats du Demandeur n’ont pas hésité à consacrer des centaines d’heures au présent dossier. Ils ont déployé tous les efforts et posé chaque geste nécessaire à la protection des droits et du meilleur intérêt de tous les Membres. »
Et le travail du cabinet est loin d’être achevé: « En plus des 1 630 heures de travail déjà comptabilisées dans ce dossier par les avocats du Demandeur et leur équipe, ceux-ci devront y consacrer des centaines d’heures supplémentaires après l’approbation de l’Entente de règlement, le cas échéant. »
Les avocats de la firme Arsenault Dufresne Wee Avocats « ont mené l’action collective avec célérité et dévouement en y investissant tout le temps, les efforts et les ressources financières et professionnelles nécessaires », poursuit le juge Bisson, qui souligne que « très peu de cabinets acceptent de prendre des mandats de ce genre, compte tenu des risques ».
En effet, le cabinet devait assumer par avance un risque financier en avançant les honoraires professionnels, les salaires des avocats et des employés, et les frais relatifs au dossier, énumère le juge. Et « en cas d’échec, les avocats du demandeur et du groupe ne perçoivent strictement rien. »
Le juge Bisson en conclut que les honoraires du cabinet sont « justes et raisonnables ».
Il s'agit de la première fois au Québec qu'un diocèse règle une action collective.
''avec Radio-Canada''