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Marois c. Harper : les poids lourds sont sur le ring

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Agence Qmi

2012-09-17 07:00:00

L’élection des péquistes annonce le retour de pommes de discorde entre Québec et Ottawa, comme la loi C-10 ou encore le registre des armes d'épaule. Explications.
« Je pense que ce sera à couteaux tirés », a prédit d’emblée l’analyste politique de TVA, Jean Lapierre.

Rapatriement des pouvoirs en matière de culture, de communications, de langue et d’assurance-emploi figurent notamment sur la liste bien connue des revendications de Pauline Marois auprès du fédéral.

Le professeur en science politique à l’Université Laval, Réjean Pelletier, rappelle cependant que les relations entre les gouvernements Harper et Charest n’étaient pas pour autant au beau fixe.

Le gouvernement de Pauline Marois a plusieurs revendications à l'égard du fédéral
Le gouvernement de Pauline Marois a plusieurs revendications à l'égard du fédéral
« Il y avait quand même déjà plusieurs contentieux en cours entre le Québec et le fédéral », a-t-il indiqué.

On peut notamment penser à la loi C-10 qui comprend plusieurs mesures en matière criminelle, dont celle de serrer la vis aux jeunes contrevenants. C’est sans compter les litiges opposant déjà la province et le fédéral, tels que l’abolition du registre des armes d’épaule (voir autre texte) et le projet de loi sur la réforme du Sénat du gouvernement Harper.

Gouvernance souverainiste

Pour M. Lapierre, il s’agit là justement d’enjeux décriés par l’Assemblée nationale du Québec qui donneront des munitions à Mme Marois.

Cette dernière a d’ailleurs avisé au lendemain de l’élection du 4 septembre dernier, que son gouvernement minoritaire allait fonder ses actions auprès d’Ottawa sur la base des « consensus existants » à l’Assemblée nationale.
« Les péquistes ont annoncé leurs couleurs », a indiqué M. Lapierre. Ce dernier fait référence au fait que Mme Marois a dévoilé sa ferme intention de former un gouvernement souverainiste.

Cette gouvernance souverainiste qui vise à rapatrier progressivement des pouvoirs d’Ottawa à Québec, cherche, selon M. Lapierre, à entrer en conflit avec Ottawa à la moindre occasion.

« C’est de demander des choses à Ottawa pour être sûr de se faire dire non et ainsi faire la démonstration que le système ne fonctionne pas », a poursuivi M. Lapierre.

Selon ce dernier, cette stratégie crée un climat propice à la multiplication de « points de friction » entre Mme Marois et Stephen Harper.

« C’est de la stratégie ouverte comme on n’en a pas vue depuis longtemps », est-il d’avis.

« Business as usual »

Pour sa part, l’ex-conseiller politique de Stephen Harper, Tom Flanagan, ne croit pas que l’élection d’un gouvernement souverainiste minoritaire provoquera de grandes perturbations au fédéral.

« Je crois que ce sera pour l’essentiel "business as usual" . Je n’anticipe pas de grands changements », a-t-il avancé.

Selon M. Flanagan, le premier ministre ».

Rien à perdre

Ce dernier rappelle que la majorité obtenue par le gouvernement Harper ne dépend pas du Québec, où seulement cinq conservateurs ont réussi à se faire élire à l’élection de 2011.

Stephen Harper devrait se montrer respectueux dans ses relations avec le gouvernement Marois, sans pour autant accepter toutes ses demandes
Stephen Harper devrait se montrer respectueux dans ses relations avec le gouvernement Marois, sans pour autant accepter toutes ses demandes
« Je pense que le gouvernement est aidé par le fait qu’il compte très peu de sièges au Québec et n’a ainsi donc pas grand-chose à protéger, ni à perdre, a-t-il souligné. Je pense que le gouvernement fédéral devrait donc rester détendu et détaché. »

M. Lapierre est pour sa part d’avis que le premier ministre Harper pourra difficilement se défiler entièrement des « chicanes constitutionnelles ».
« Là, ce n’est plus seulement le PQ qui picosse, mais bien le gouvernement du Québec, élu légitimement et qui en plus fera des demandes "abriées" dans des motions unanimes de l’Assemblée nationale », a-t-il fait valoir.

M. Lapierre estime que le gouvernement minoritaire de Mme Marois mettra tout en œuvre pour tenter de gagner sa majorité lors des prochaines élections.
« Pour les péquistes, M. Harper est vu comme un instrument pour élargir la base souverainiste », a-t-il indiqué.

« Tu peux compter sur les Jean-François Lisée de ce monde pour utiliser chaque truc dans "le livre", car c’est au centre de leur programme », a-t-il poursuivi.

Cette « stratégie ouverte » des péquistes compte cependant une « faiblesse », selon cet analyste, soit celle de pouvoir « difficilement plaider de la bonne foi » auprès d’Ottawa.

Dans ce contexte, M. Lapierre est d’avis que M. Harper aura pour « grand défi » d’apprendre à « décoder le terrain québécois » et ainsi distinguer « provocation » de « bonne administration ».

Unité nationale

« Le gouvernement Harper ne peut pas, par intransigeance ou par ignorance, contribuer à une crise d’unité nationale. Au fond, ça va être cela le test pour M. Harper », a fait remarquer M. Lapierre.

« Pour le moment, il peut dire, "ne vous inquiétez pas c’est un gouvernement édenté et actuellement menotté". (…) Mais l’objectif des péquistes sera de transformer cette courte minorité en majorité et c’est clair que l’objectif visé passe par une insensibilité fédérale », a-t-il dit.

Le professeur Pelletier abonde sensiblement dans le même sens et croit que les consensus de l’Assemblée nationale serviront d’enjeux au PQ sur le plan fédéral pour ainsi « mobiliser ses troupes ».

Points de friction

Registre des armes d’épaule :
- Le gouvernement Harper pourrait porter la cause en appel
Culture, communications et assurance-emploi :
- Le PQ veut rapatrier ces pouvoirs
- Sur l’assurance-emploi, la ministre Diane Finley semble avoir fermé la porte
Langue :
- Application de la loi 101 aux organismes fédéraux situés au Québec
- Projet de loi du NPD visant à rendre obligatoire le bilinguisme comme critère d’embauche chez les officiers du Parlement
Réforme du Sénat :
- Projet de loi C-7 sur la réforme du Sénat
Santé :
- Modification de la formule de calcul à compter de 2017-2018 pour les transferts fédéraux pour les soins de santé aux provinces.



Premier round : le registre des armes d’épaule

La question du registre des armes d’épaule risque d’être le premier contentieux Québec-Ottawa à se retrouver dans la mire du gouvernement péquiste.

De l’avis des analystes interrogés, le gouvernement Harper risque fort d’en appeler de la décision rendue, cette semaine, par la Cour supérieure du Québec.

Dans ce dossier, le juge a donné raison à la province qui somme le fédéral de lui transférer les données du registre sur le Québec.

« Pour les conservateurs, réussir après toutes ces années à éliminer le registre des armes d’épaule, c’est vraiment perçu comme une de nos grandes victoires », a souligné Olivier Ballou, directeur des communications au Centre Manning, dirigé par l’ex-chef du Parti réformiste, Preston Manning.

« Que le registre soit renversé de quelconque façon serait mal perçu par les gens de droite », poursuit M. Ballou.

Éclaircissement

L’ex-conseiller politique de Stephen Harper, Tom Flanagan, tend aussi à pencher en ce sens, faisant valoir que le registre des armes d’épaule est un dossier « délicat » pour les conservateurs. Il estime que le gouvernement Harper devra faire preuve de « prudence ».

« Les conservateurs sont si engagés dans cet enjeu que cela pourrait créer des problèmes pour les partisans du parti si le gouvernement fédéral semble aider activement le Québec à créer son propre registre », a-t-il expliqué.

M. Flanagan croit cependant que le gouvernement Harper pourrait décider de porter la cause en appel, notamment pour éclaircir la notion de « fédéralisme de coopération », sur laquelle repose en partie la décision de la Cour supérieure.

Test

L’analyste politique de TVA, Jean Lapierre, est d’avis que les conservateurs porteront la cause en appel tout simplement parce que le registre des armes d’épaule est pour eux un enjeu « idéologique ».

M. Lapierre rappelle cependant que le registre des armes d’épaule est un litige entre Ottawa et Québec laissé en « héritage » par le gouvernement Charest. Autrement dit, il ne s’agit pas nécessairement d’une « demande de gouvernance souverainiste ». En ce sens, il croit que ce dossier constituera un « premier test » pour M. Harper.

M. Flanagan rappelle pour sa part que le Québec est libre de créer son propre registre et que l’enjeu porte strictement sur le transfert des données. Selon lui, les demandes du Québec seraient plus « solides » si la province entamait véritablement des démarches en ce sens.

« Donc avant qu’ils ne fassent preuve de bonne foi, il s’agit en quelque sorte d’une demande artificielle de leur part », croit-il.
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