Destinée à devenir avocate
Dominique Tardif
2013-04-24 14:15:00
Mon père vous dirait qu’il le savait à l’époque où j’avais à peine cinq ans!, dit-elle dans un rire. Je n’ai, en effet, jamais accepté, même très jeune, une réponse qui s’en tenait à un ‘oui’, un ‘non’ ou un ‘parce que ‘. Je demandais une explication, une justification et un argumentaire. Le droit s’est donc posé comme un choix évident pour moi très rapidement. J’ai fait le cégep avec l’intention de faire mes études de droit : je savais que c’était ce que je voulais. Il a par ailleurs toujours été clair que, en choisissant le droit, c’était en litige que je pratiquerais. J’ai adoré ça dès le début!
2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?
J’ai connu mon plus grand défi en carrière lorsque j’ai déménagé à Toronto en 2005, après environ quinze années de pratique au Québec. Je me suis alors requalifiée en common law, en faisant six examens universitaires à livres fermés, en plus de ceux ensuite requis par le Barreau. Le processus en entier a pris 18 mois, pendant lesquels je continuais ma pratique à temps plein et avais, avec mon conjoint, quatre enfants dont je devais m’occuper!
Le réflexe aurait probablement été pour plusieurs de se concentrer d’abord et avant tout sur le développement de la pratique à Toronto. Cela prenait évidemment beaucoup d’énergie, comme je ne connaissais encore que peu de gens et qu’il me fallait bâtir ma réputation dans ce nouveau milieu. J’ai cependant décidé de maintenir, en même temps que de développer du côté de Toronto, ma pratique à Montréal. Cela s’est d’ailleurs avéré très utile par la suite, plusieurs clients percevant comme un avantage le fait qu’une seule associée puisse les représenter dans les juridictions de droit civil et de common law où leurs dossiers – notamment en recours collectifs – étaient déposés. Ce grand défi de carrière s’est ainsi transformé en un avantage de taille pour moi – l’opportunité que j’ai eue avec Torys ne se serait peut-être d’ailleurs pas présentée, qui sait, si je n’avais pas ainsi ouvert mes horizons.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
J’ai connu, à mes débuts en pratique, l’époque où les courriels n’existaient pas, où les choses fonctionnaient par télécopieur et où nous avions plus de temps pour réfléchir et préparer nos opinions juridiques. Aujourd’hui, nous sommes dans l’obligation de fournir des réponses immédiates. La réflexion a évidemment toujours sa place, mais elle se doit d’être condensée sur des horaires que nous n’aurions pas eus à avoir auparavant, comme jusqu’à parfois bien tard le soir. Ça n’arrête tout simplement pas! Je suis moi-même de ceux qui ont très à cœur le service à la clientèle et qui gardent leur BlackBerry constamment ouvert: les clients l’apprécient bien sûr beaucoup, bien qu’évidemment des attentes s’ensuivent ensuite sur le plan de la disponibilité!
Si j’avais une baguette magique, je ferais aussi en sorte que les avocats de litige aient plus souvent l’opportunité d’aller en cour. J’ai eu le privilège de pouvoir travailler sur de plus petits dossiers qui me permettaient de me présenter régulièrement devant les tribunaux en début de pratique. Depuis, en raison des exigences du marché et des coûts notamment, les choses ont changé : la majorité des dossiers en sont venus à se régler hors cour. Il est donc très rare maintenant de se présenter devant le juge pour plaider, bien que quand c’est le cas, ça l’est en général pour des dossiers gigantesques. Même si l’intérêt du client doit évidemment toujours primer, je dois dire que cela me manque parfois!
4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Dans mon domaine de pratique, où les enjeux sont très élevés en termes de conséquences financières, j’aurais tendance à dire que la perception à l’égard de la profession est égale à avant, même si l’on doit admettre que les clients sont d’avis que les coûts sont énormes, voire démesurés.
Quant à ce que j’observe dans d’autres domaines, et même si je suis personnellement moins affectée par cela dans le quotidien, je crois que la perception du public à l’égard de la profession est à la baisse : de plus en plus de gens cherchent à se représenter eux-mêmes, sont d’avis que les services sont trop dispendieux, etc. Pourquoi est-ce plus négatif qu’avant? Probablement compte tenu des coûts et des délais. La perception du public est évidemment très souvent fonction de l’expérience personnelle que les gens ont du milieu, laquelle tient bien souvent au droit familial et au droit criminel.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant avoir une carrière à succès d’avocat de litige, comme vous?
Outre le talent, la clé est de vraiment aimer ce que l’on fait! Dans la négative, on manque de dévouement…et manquer de dévouement signifie ne pas survivre dans la profession. Quand j’ai un dossier, je parle souvent au ‘nous’ à la cour en référant au client : je m’approprie le dossier, je m’identifie à lui. Je crois en effet qu’il est nécessaire et essentiel, pour bien défendre une position, d’y croire juridiquement, même s’il appartient ultimement au juge de décider si on a tort ou raison.
Enfin, pour avoir du succès, il faut aussi être prêt à développer de la clientèle : les avocats doivent, aujourd’hui, se montrer entrepreneurs. Le modèle d’affaires est en ce sens bien différent de celui d’il y a vingt ans, où les clients historiques du cabinet revenaient toujours au même endroit, sans faillir. Il est aujourd’hui nécessaire de se comporter comme le propriétaire d’une entreprise, de se préoccuper du budget, de la réputation, de la qualité des services, etc. – toutes des choses que l’on n’apprend pas sur les bancs d’école!
En vrac…
• Les derniers bons livres qu’elle a lus – Les bouquins de la série Alex Cross de l’auteur James Patterson : elle les dévore en l’espace de deux jours!
• Le dernier bon film qu’elle a vu – Argo (réalisateur : Ben Affleck)
• Sa chanson fétiche: I don’t want to wait for your love (Bob Marley)
• Ses péchés mignons – Le chocolat et le vin rouge!
• Ses restaurants préférés – Sho Dan (rue Metcalfe, Montréal) et Nota Benne (180 Queen Street, Toronto)
• Un pays qu’elle a beaucoup aimé – L’Afrique du Sud – elle y retournerait n’importe quand!
• Le personnage historique qu’elle admire le plus – Lincoln
• Si elle n’était pas avocate, elle serait… propriétaire d’un ranch qui combinerait la possibilité pour les clients de profiter d’un spa et de faire de l’équitation! Tentant, n’est-ce pas?!?
Me Sylvie Rodrigue, associée de Torys et associée-directrice du bureau de Montréal. Si elle possède une grande pratique en matière de litiges doublée d'une vaste expérience de défense dans les recours collectifs partout au Canada, elle n'en est pas moins chevronnée en ce qui concerne les questions corporatives et commerciales. Elle continue, depuis son arrivée chez Torys, sa pratique en matière de litige autant dans les bureaux de Toronto que de Montréal.
Me Rodrigue a non seulement participé à de nombreux recours collectifs multi-juridictionnels hautement médiatisés impliquant divers produits tels que des appareils médicaux et des médicaments, mais également à des cas d'allégations de fixation des prix, de plaintes de consommateurs, de responsabilité civile, de problèmes d'emploi, de délit de masse et de négligence. Me Rodrigue a également représenté des clients de l'industrie du tabac, de la vente de détail, de la technologie, de la fabrication, de la communication, du transport ferroviaire, de l'aviation et de l'industrie pharmaceutique.
Me Rodrigue est fondatrice et ancienne présidente de la section des recours collectifs de l'Association du Barreau de l'Ontario, présidente du groupe de travail national sur les recours collectifs de l'Association du Barreau canadien, coprésidente du groupe de travail sur les recours collectifs multi-juridictionnels de l'Association internationale du barreau, coprésidente du sous-comité des recours collectifs internationaux créé par le comité des recours collectifs et actions dérivées de l'American Bar Association et une des coéditrices du périodique Class Action Journal.
Me Rodrigue a obtenu un baccalauréat en droit (LL.B.) de l’Université de Montréal en 199. Elle est membre du Barreau du Québec depuis 1993 et du Barreau de l’Ontario depuis 2008. Elle a plaidé à titre de conseillère devant les tribunaux de tous niveaux au Québec et en Ontario.