Les accusés de McGill

Marie Pâris
2013-11-27 15:00:00

En septembre 2011, la jeune femme aurait rencontré deux des trois accusés dans un bar, et les aurait ensuite suivis à leur appartement où le troisième les aurait rejoints. Elle se serait réveillée six heures plus tard, sans aucun souvenir de ce qui s'était produit.
Si les faits remontent à plus de deux ans, les étudiants de McGill en ont eu connaissance à la fin octobre 2013, via des articles de la Gazette de Montréal. Depuis, c’est le branle-bas de combat sur le campus, alors que les accusés poursuivent leurs cours en quatrième année et que le procès doit débuter ce mois-ci.
Les étudiants débattent sur la conduite à adopter et remettent en cause la gestion de l’administration, qui n’avait pas anticipé de telles réactions de la part des élèves.
«Bien que la direction de l’Université ait agi de façon responsable quant au traitement des allégations dans cette affaire criminelle, cette réaction n’a pas répondu aux attentes de notre communauté. Nous avons sous-estimé les effets que de tels événements, même s’ils sont survenus hors campus, pouvaient avoir sur notre population étudiante», indique l’administration de l’université dans un communiqué aux étudiants.
Renvoyer les étudiants?
En effet, pétition, tribunes dans les journaux universitaires et longs débats se sont succédés, et beaucoup d’étudiants ont reproché à la direction de ne pas les avoir tenus au courant plus tôt des faits - l’administration aurait été informée des accusations en avril dernier. Certains étudiants demandent même l’exclusion pure et simple des trois étudiants de l’université.
Mais qu’en est-il de la présomption d’innocence dans tout ça?

Et comment voit-on les évènements depuis la faculté de droit? «Un étudiant en droit est sans doute mieux équipé pour comprendre les enjeux, le contexte apparaît plus clairement, il a plus de recul.Notre domaine d’étude nous apporte une certaine perspective.»
Les débats intiés par l’accusation des trois étudiants se sont élargis à la question du viol en général. Les différentes associations de l’université ont mis en place des ateliers de discussion et autres lieux de rencontre.
«Il ne faut pas banaliser cette histoire, mais saisir cette opportunité pour mettre en place des mesures et éviter que l’on se retrouve de nouveau dans cette situation d’entre-deux», explique Éloïse.
Les étudiants demandent plus de débats, de sensibilisation et une meilleure éducation sur le viol: «Il faut permettre la discussion, faire en sorte que les étudiants se sentent équipés face à ce problème de viol et d’agressions, qu’ils sachent comment réagir». Et si cela relève du rôle des associations, c’est aussi celui de l’administration.
«Il y a déjà des mesures, comme des lignes d’écoute, etc, mais ce n’est toujours pas assez puisque de tels crimes arrivent encore», pense la jeune femme.
L’Université répond
Peu après que Droit-inc se soit entretenu avec la présidente de l’association des étudiants en droit, l’Université a annoncé la mise en place de «moyens concrets pour améliorer à la fois le soutien qu’elle offre aux victimes d’agressions sexuelles et sa réaction à la suite d’incidents de nature violente, tant physiques que psychologiques».
Par exemple l’embauche d’un coordonnateur à temps plein, pour favoriser une culture axée sur le respect mutuel et la compréhension, qui travaillera notamment avec le Centre d’intervention en matière d’agression sexuelle de McGill.
Un forum public sur la notion de consentement en matière sexuelle sera également organisé en janvier, ainsi qu’un forum sur l’importance de maintenir un environnement communautaire sûr et respectueux.
«D’autre part, nous croyons à la présomption d’innocence, et au droit des accusés à un procès juste et équitable, deux principes fondamentaux de notre société. Le fait de prendre des allégations d’agression sexuelle au sérieux et d’offrir un soutien aux victimes tout en respectant ces préceptes fondamentaux de notre système judiciaire ne sont pas mutuellement exclusifs. Nous devons tenir compte de ces deux réalités», conclut l’administration.
En attendant, les trois accusés ont quitté il y a peu l’équipe de football de l’Université et l’origine de ce départ n’est pas très claire: démission volontaire des étudiants, demande du coach ou de l’administration? Ou alors pression des étudiants?