L'Université de Sherbrooke annule les évaluations des enseignants

Jean-Francois Parent
2017-04-14 14:30:00

La grève s'est échelonnée entre la mi-février et le début mars.
Dans un courriel envoyé à tous les étudiants le 27 mars, la vice-doyenne à l'enseignement de la faculté de droit de Sherbrooke, Marie-Pierre Robert, expliquait que la traditionnelle évaluation des profs par les étudiants, un rituel de fin de session universitaire répandu à travers le pays, était annulée pour le trimestre en cours.
« Exceptionnellement, seuls les cours enseignés par les chargés de cours seront évalués au trimestre d’hiver 2017 », peut-on lire dans la missive.
« Le protocole de retour au travail convenu entre le Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke (SPPUS) et l’Université, dans la foulée de la fin de la grève des professeurs, prévoit que les enseignements des professeurs ne seront pas évalués par les étudiants ce trimestre-ci » précise Marie-Pierre Robert dans un courriel.
Contraire à la Charte des droits des étudiants

Or, l'annulation des évaluations pédagogiques est contraire à la Charte des droits des étudiants. L'article 5.3 de cette charte dispose ainsi que « les étudiantes et les étudiants ont notamment le droit […] de participer au processus institutionnel d'évaluation des enseignements reçus et ainsi de contribuer à l'évaluation des activités pédagogiques ».
Une disposition que le syndicat ne connaissait pas, concède Marc Frappier, professeur de mathématiques.
L'exécutif de l'Association des étudiants en droit de l'Université Sherbrooke nous écrit que « les étudiants de la faculté ont inévitablement été touchés par les effets de la grève du SPPUS, l’exclusion de l’évaluation des professeurs n’étant qu’un des impacts prévisibles. Toutefois, la faculté étant consciente de la pertinence de ces évaluations, tente de remédier à la situation en étant ouverte aux commentaires des étudiants (…) les méthodes d’enseignement des professeurs en tant que tel ne seront pas évaluées, puisque le contexte de la grève ne permet pas l’objectivité nécessaire à la critique », relate la porte-parole de l'Association, __Sandrine Bourgeois.
Selon elle, « le conseil exécutif demeure en communication constante avec le personnel de direction afin de minimiser les impacts de la grève sur la population étudiante ».
À la direction de l'université, on dit avoir été « bien informé » de la Charte et du droit des étudiants d'évaluer leurs professeurs.
Déjà un précédent
Dans un courriel, la porte-parole, Isabelle Huard, soutient par contre qu'il « s’agissait de circonstances exceptionnelles qui appelaient des mesures exceptionnelles ».
Elle signale qu'en 2012, un boycott étudiant des évaluations avait eu lieu, et qu'on avait alors décidé d'annuler la procédure. Il y avait donc un précédent sur lequel s'appuyer.
L'université a donc décidé « de ne pas faire l’exercice, puisque les résultats auraient pu être moins probants qu’à l’habitude, de par la nature exceptionnelle des circonstances ».
Catherine Boisvenue, directrice de L'obiter, le journal des étudiants en droit, observe que la faculté a pris d'autres mesures pour pallier l'annulation des évaluations. « Les représentants de chaque cohorte sont allés donner leurs commentaires à la direction. Moi-même, en temps que responsable de ma cohorte, j'ai réussi à faire bouger le cursus », explique l'étudiante en droit des sciences de la vie.
La journaliste étudiante et future juriste n'est pas surprise des motifs invoqués pour annuler les évaluations.
Elle concède que l'exercice aurait pu servir à certains étudiants pour exercer des représailles envers les profs. « Beaucoup d'étudiants ont été touchés par la grève, ceux qui ont des enfants et des horaires rigides », par exemple, disposant de peu de souplesse pour faire face aux nombreux imprévus causés par le débrayage des profs, qui étaient sans contrat de travail depuis 2015.
Elle constate cependant que la mesure, en elle-même, ne semble pas avoir déclenchée les passions.
Il a été impossible de savoir si la Fac de droit et ses profs, qui forment les futurs juristes, s'étaient opposés à cette clause de retour au travail.