Former des juristes de l’État!
Camille Dufétel
2023-10-26 14:15:00
Les avocats et autres professionnels du droit au sein du ministère de la Justice ont besoin, comme tous les autres, de suivre des formations pour être à jour dans leur travail et viser l’excellence. Et pour choisir et coordonner les formations qui leur seront données au fil de l’année, Me Mathieu Trépanier est là!
Barreau 2002, il est le coordonnateur des activités de recrutement et de formation – affaires juridiques pour le ministère de la Justice du Québec. Il coordonne plus précisément la Course aux stages au ministère de la Justice, et l’autre volet de son travail concerne les activités de formation au sein du sous-ministériat des affaires juridiques.
« Nous sommes un peu comme le cabinet d'avocats du gouvernement du Québec, soit 500 avocates, avocats et notaires qui rédigeons les projets de lois et règlement, conseillons l'ensemble des ministères du gouvernement du Québec et plaidons les dossiers litigieux qui impliquent l'État québécois », précise Me Trépanier à propos des employés de ce sous-ministériat, à qui les formations sont offertes.
Les formations sont d’ailleurs aussi accessibles aux autres avocats et notaires du reste du ministère de la Justice, de même qu'à des juristes de l'État qui pratiquent dans de petits organismes comme la Financière agricole ou l'Office de la protection du consommateur, par exemple.
« Graduellement, nous jouons un rôle de chef de file en matière de formation au sein de l'État », note Me Trépanier, qui a été avocat plaideur d’abord au privé, puis au contentieux du Procureur général du Québec. Droit-inc a souhaité en savoir plus sur ce volet de son travail, auquel il se consacre entouré de techniciennes, d’un professionnel et d’une étudiante en droit.
Vous vous dédiez notamment au programme de formations depuis 2018/2019, c’est cela?
Oui, quand je suis entré en poste avec ce rôle, on est parti de ce qu’on avait déjà mais on a vraiment démarré le programme qu’on connaît aujourd’hui grâce à la pandémie. C’est là qu’on a implanté un système de gestion des apprentissages au sein du ministère qui s’appelle Brio, qu’on utilise et qui est en train de devenir le système gouvernemental.
La pandémie nous a donné la chance de pouvoir miser beaucoup plus sur les formations à distance parce que nos équipes sont décentralisées et que ça fait partie du défi. On a des équipes à Québec, à Montréal, et dans des bureaux qui ne sont pas les mêmes.
Pourquoi ce programme est-il important?
Pour comprendre l’importance du projet, il faut d’abord comprendre l’importance du rôle des juristes de l’État, et en particulier dans mon cas, ceux qui sont au ministère de la Justice. Les fonctions qu’on occupe sont prévues à la Loi sur le ministère de la Justice. Le ministre de la Justice gère le système judiciaire et tout ce qui va avec.
Nous, on est sous le deuxième chapeau du ministre de la Justice qui se trouve être Procureur général et jurisconsulte du gouvernement. Concrètement, ça signifie que le ministre de la Justice veille à ce que l’ensemble des affaires publiques du gouvernement du Québec soient administrées conformément à la loi et ce sont les juristes de l’État qui sont dans son équipe qui jouent ce rôle.
La particularité du rôle du ministre est qu’il s’agit d’un rôle horizontal à jouer au gouvernement du Québec. Il est présent dans tous les ministères du gouvernement du Québec. On a des équipes, des directions des affaires juridiques, dans chacun des ministères, et toutes ces personnes relèvent du ministre de la Justice. Il n’y a pas un projet dans lequel un élément juridique ne passe pas par le filtre du ministre de la Justice.
Dès qu’on comprend l’importance de ce rôle dans un État de droit comme le Québec, évidemment le défi qui s’est posé dans les dernières années a été celui de départs à la retraite et de l’arrivée de beaucoup de jeunes juristes. C’est impressionnant de voir comment nos équipes sont jeunes. Le défi était vraiment le maintien, le développement de notre expertise et le transfert de connaissances.
Et il y a aussi un certain enjeu de rétention de personnel. Une fois qu’on a recruté les meilleurs talents, il faut trouver une façon de les garder. La formation en est une. Car non seulement, ça intéresse les gens, mais ça a aussi un effet mobilisateur. Les gens se réunissent, car on fait des formations en ligne mais on en fait aussi en salle. Quand ils se voient, ça leur donne l’occasion d’échanger et d’avoir du plaisir à travailler ensemble.
Ils voient selon vous ce programme comme un plus?
Exactement, on mise beaucoup sur le développement de projets à travers deux choses, d’abord le partage d’une expertise à l’interne. On a des gens hyper spécialisés, que ce soit en matière contractuelle, en droit constitutionnel, en droit administratif, sur des techniques de plaidoirie, la rédaction législative… On a vraiment des gens très brillants et on mise beaucoup sur leur participation. Ils développent et donnent des formations.
Évidemment, dans le quotidien il y a aussi beaucoup de mentorat qui se fait naturellement au sein des équipes. Aussi, de plus en plus, j’essaie de faire appel à des personnes externes, et je suis impressionné de voir à quel point les gens sont heureux de venir s’adresser aux juristes de l’État. C’était le cas de Me Nathalie Roy l’autre jour (note: qui a donné la formation « Prendre la parole en public: les erreurs à éviter et quelques astuces pour relever le défi avec brio! »).
Dans la programmation, par exemple, Me Geneviève Dufour de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa va donner une formation sur les nouvelles exigences d'achat local et responsable contenues dans la Loi sur les contrats des organismes publics.
Me Patrice Deslauriers de la Faculté de droit de l’Université de Montréal va en donner une sur les développements récents en responsabilité civile.
C’est très intéressant à la fois pour les formateurs de s’adresser aux juristes de l’État et de répondre à leurs questions, et pour les juristes de pouvoir avoir accès à ces gens qui sont des spécialistes dans leur milieu.
Avez-vous une idée du nombre de formations données aux juristes chaque année ou depuis que le programme existe?
Depuis 2020/2021, on est facilement rendu à une centaine de projets. Juste l’année dernière, on a offert une trentaine de formations différentes et on a eu un taux de satisfaction qui est au-delà de 90 %.
Comment identifiez-vous les thématiques à aborder lors de ces formations?
Quand j’ai commencé à travailler sur le projet vers 2018, j’avais fait un sondage et des focus groups pour percevoir les intérêts des gens. Récemment, au printemps 2023, j’ai fait le point avec mes équipes et on a fait un sondage sur l’ensemble du personnel pour identifier les besoins.
Je travaille aussi avec deux comités de formation. C'est des personnes que je rencontre une à deux fois par année pour obtenir des suggestions de leur part.
Je suis aussi toujours à l’affût de ce qu’il se passe. Par exemple, Me Antoine Tremblay, un avocat de l’externe, a donné il y a deux semaines une formation sur le Cadre juridique international et canadien de lutte aux changements climatiques. J’avais vu un article de Droit-inc sur le sujet! D’ailleurs, il était de vous! J’ai communiqué tout de suite avec lui quand j’ai vu l’article au printemps, on est resté en contact et je l’ai inscrit à la programmation. Il avait déjà donné cette formation au Barreau.
Certaines formations vont attirer une trentaine de personnes et d’autres, 200. Ça dépend des circonstances et de l’intérêt.
C’est sur la base du volontariat?
Oui, mais il va arriver, rarement, que ce soit obligatoire. Par exemple, l’an dernier, on a lancé un nouveau projet sur la prévention et le règlement des différends (PRD). C’est un enjeu très important et on considère que l’État a un rôle à jouer pour amener davantage dans le système de justice l’utilisation de méthodes de PRD et éviter d’aller toujours à la Cour.
On a imposé à ce moment-là à nos équipes de prendre part au projet. Près de 400 juristes ont réussi à se rendre disponibles pour y participer et on a axé la formation sur une mise à jour des connaissances sur les méthodes de PRD et surtout sur les habiletés de communication.
Sinon, nos formations sont vraiment sur la base du volontariat. Je fais de la publicité via un bulletin que j’envoie à l’interne, et on a un catalogue en ligne à l’interne aussi.
J’ai vraiment un intérêt pour rendre nos équipes meilleures, plus efficaces, plus performantes. Je considère qu’en ayant des équipes juridiques fortes et bien outillées, on rend de meilleurs services juridiques, l’État est plus compétent et c’est l’ensemble de la population qui en sort gagnant.
Ce que j’aime dans ces formations, c’est que ça nous place dans une culture d’amélioration continue. Le monde évolue tellement vite qu’on doit rester à l’affût des innovations et des derniers développements. C’est presque un devoir pour une organisation qui offre des services juridiques dans des enjeux qui sont de la plus haute importance. Le programme de formation y contribue assurément.
Vous êtes coordonnateur au niveau de la formation, mais aussi du recrutement, et c’est lié finalement?
Oui, c'est lié parce que par ailleurs, on a lancé en 2021 un programme de formation de base qui s’appelle « Compétences essentielles du juriste de l’État ». Il a une douzaine de modules toujours donnés d’année en année. On aborde des grands thèmes comme le droit administratif, le droit constitutionnel, le droit autochtone, le droit des technologies de l’information…
C’est un programme conçu pour les jeunes juristes qui arrivent chez nous et ça leur permet d’avoir accès à des enseignements, à une pratique adaptée à la réalité de l’État.
DSG
il y a un anAt some point they teach them to work at snail's pace and to avoid complex issues. Working for the government is not results-based, so no pressure there. They just need to look busy, but not after 4:30 pm. The union will freak out.
Anonyme
il y a un anPas partout.
Certains secteurs ont adoptés une séparation (articifielle) clients - prestataires de services juridiques: des ministères "clients", d'un côté, qui octroient des mandats à des avocats oeuvrant dans une branche distincte de l'administration publique, et qui sont chapeautés par un structure immitant le privé.
Résultat: les ministères clients disent que ça coûte trop cher, et ça anime toute une faune de ti-boss de gestionnaires pour tenter de réduire les coûts (i.e. pression sur les avocats), et téter plus d'argent au Conseil du trésor.