Un comptable dans une famille... d’avocats!
Céline Gobert
2012-06-21 15:00:00
Depuis 2001, ce comptable gère une variété de mandats : privatisations, dommages matériels par suite de violation de contrat, fraudes, divorces et séparations, recours en cas d’abus déposés par des actionnaires ou des associés, ou bien droits à la juste valeur des actionnaires minoritaires.
« Faire une évaluation d’entreprise, c’est comprendre comment une compagnie fait de l’argent, génère des ventes et est capable d’être rentable. Le comptable doit avoir une bonne tête pour les chiffres, mais il faut aussi qu’il sache aller au-delà pour comprendre ce qui crée les chiffres », dit-il alors qu’il reçoit Droit-inc dans son bureau de la Place Alexis-Nihon.
Au départ, le cabinet n’a pas de section qui fait de l’évaluation d’entreprises. Personne n’est spécialisé dans ce domaine.
Ce comptable, agrée depuis 1989, se charge alors de lancer le groupe.
Aujourd’hui ils sont quatre associés, entourés d’une dizaine de professionnels, à travailler à temps plein en évaluation d’entreprises, fusions et acquisitions, et juri-comptabilité.
Lui, dont la sœur, le père (à la retraite) et deux frères jumeaux (aujourd’hui décédés), embrassent des carrières juridiques, a préféré se lancer dans la comptabilité.
À 22 ans, pressé d’entrer dans le monde professionnel, il entame les études adéquates.
Aujourd’hui, à 46 ans, alors qu’il a toujours exercé dans un bureau comptable, sa vie correspond à ce qu’il imaginait à l’époque : il est son propre boss, voit les bénéfices de son travail, contrôle ses heures.
« La joke dans la famille, c’était de dire que j’étais le seul à savoir compter. J’étais la bête noire ou la bête blanche de la famille, je ne sais pas », plaisante-t-il.
Litiges
Côté litiges, si une dispute survient entre des actionnaires dans une compagnie, c’est lui qui se charge de trouver une solution.
« On doit rentrer dans la compagnie, faire l’analyse des états financiers, essayer de comprendre ce qui est en jeu dans l’entreprise afin de préparer un rapport d’évaluation qui sera utilisé devant le tribunal pour justifier de ce que vaut la compagnie », explique-t-il.
Des mandats comme cela peuvent s’étaler sur deux à cinq ans.
« On prépare le rapport, on a des discussions avec les avocats ou les entrepreneurs, on essaie de trouver une solution, d’aider les sociétés, on s’implique, on regarde les faits, on présente les choses comme il faut. »
Habituellement, chaque partie a son propre expert.
« Si les avocats avancent la position de leur client, en tant qu’expert mon rôle n’est pas nécessairement de supporter la position du mien. Je suis là en tant que témoin expert, pour présenter les faits et expliquer le pourquoi au tribunal », dit-il.
En clair, si un vendeur dit : mon entreprise vaut 10 millions. Et qu’un acheteur dit : ton entreprise vaut 1 million. Andrew Michelin est celui qui est payé pour trancher et apporter une réponse claire au juge.
Depuis le début de sa carrière, il a ainsi témoigné à titre d’expert plus de 20 fois devant la Cour supérieure du Québec dans des causes de litiges financiers très médiatisés, et devant la Cour canadienne de l’impôt dans des causes d’évaluation.
« Pour avoir du succès dans ce domaine là, il faut aussi savoir communiquer. Prendre quelque chose de compliqué et le rendre simple. Savoir communiquer des idées financières à des personnes qui ne sont pas nécessairement des financiers. »
Il se souvient d’ailleurs d’un dossier, il y a 6 ou 7 ans, qui impliquait François Beaudoin, ex-président de la Banque de développement du Canada, accusé de malversations.
L’expert venu d’un autre bureau comptable, avait rendu son analyse allant dans le sens des allégations. Lui, a fourni une contre-expertise.
Au final, Mr Beaudoin a été exonéré complètement, le juge a conclu que le témoignage de Mr Michelin était plus convaincant.
Une peur qui motive
« Ce qui me motive dans ma vie professionnelle, c’est de m’assurer de bien faire mon travail, de ne pas me retrouver dans une situation où un juge écrit que mon travail n’a pas été d’une haute qualité. Cette peur me motive à réviser les dossiers, faire le suivi, donner le meilleur de moi-même. »
Parmi ses mandats récents, on retrouve l’évaluation d’une usine de pâtes et papier, ainsi que d’une société de logiciels.
En outre, il a participé à l’évaluation et à l’attestation d’équité d’une société de recherche pharmaceutique dans le cadre d’une fusion entre une société fermée et une société ouverte, à l’évaluation d’une chaîne de magasins de vêtements dans le cadre d’une vente, et à l’évaluation de la filiale d’une importante société ouverte dans le but d’établir un point de référence à des fins de dessaisissement.
Au Québec, dit-il, on voit de plus en plus d’entrepreneurs, et de familles privées, ayant créé une entreprise, qui vaut - des années plus tard- entre 50 et 100 millions de dollars.
Son rôle à lui est de les aider à les vendre.
Il faut alors se poser trois questions :
#Est-ce que je fais de l’argent ?
#Est-ce que cela va continuer ?
#Est-ce que je peux encore faire croître l’entreprise ?
Côté litiges, et même s’il essaie de travailler avec tout le monde, il a collaboré entre autres avec:
- IMK, où travaille sa sœur Janet Michelin;
- Stikeman;
- McCarthy;
- Heenan Blaikie où il a collaboré avec Me David Joanisse;
- Gowlings;
- Fasken Martineau avec Me Pierre Lefebvre;
- Davies, avec Me William Brock.
La plupart de ses dossiers vient d’ailleurs des avocats, confie-t-il. Bien sûr, il essaie de travailler avec tout le monde.
« On a besoin d’un expert, en litige, pour nous aider aux dossiers. Pour une transaction, ce sont des avocats corporatifs ou fiscalistes, pour déterminer la juste valeur marchande de quelque chose. Pour la vente d’entreprises, c’est l’inverse. »
18h30 : la journée se termine pour celui qui est aussi père de trois adolescentes et d’un garçon de dix ans. Il rejoint alors sa famille et son épouse, également comptable.
« Je rentre tous les soirs, j’ai du temps pour une vie de famille. Je joue au hockey aussi avec le même groupe de gars, depuis des années. »