Il est avocat et... infirmier en première ligne!

Florence Tison
2020-05-12 15:00:00

À 36 ans, il a changé de branche pour faire son droit à l’UQAM. « Après 20 ans, je voyais que c’était plus exigeant comme domaine, se souvient Me Issa. C’est une vocation, et même si j’ai encore cette vocation, j’ai voulu faire autre chose pour mes vieux jours. Pour moi, le droit est une autre façon d'aider les gens. »
Maintenant spécialisé en droit civil et en litige au sein de son propre cabinet Wilegal, le Barreau 2018 donne toujours des cours en sciences infirmières à temps partiel au collège Dawson.
C’est là qu’à la fin mars, son patron a demandé lors d’une réunion extraordinaire si les professeurs accepteraient de retourner en milieu hospitalier pour épauler le personnel médical.
Pour Me Issa, la décision n’a pas été longue à prendre. Il a terminé ses dossiers juridiques et s’est inscrit.
« J’étais content de donner un coup de main, explique l’avocat de 44 ans. J’ai des amis qui travaillent aux soins intensifs et qui me disaient que c'est l'enfer. »
Après une rapide formation sur la manipulation des équipements de protection, Me Issa est retourné au front. Il travaille maintenant en hôpital comme infirmier soignant à temps plein, de soir et de nuit, pour soigner des patients atteints de la COVID-19.
Son horaire de quarts de 12 heures le soir et la nuit, il l’a lui-même choisi : c’est là où les besoins étaient les plus criants. « Quand on veut aider, je pense qu'il ne faut pas mettre de conditions », estime Me Issa.
« C’est pas facile pour personne. »

L’avocat et infirmier donne de la tête partout, tout comme les superviseurs et gestionnaires qui travaillent aussi d’arrache pied « sur le plancher », contrairement à leur tâches habituelles.
Tous sont confrontés à des personnes profondément malades, souvent âgées, et pour qui la COVID-19 s’ajoute aux problèmes de santé déjà existants. Des pères, des mères, des soeurs, des frères, des gens qui ont une histoire et un emploi, et qui luttent à armes inégales contre un virus puissant et méconnu qui retire toutes leurs forces.
« Quelqu’un pense avoir perdu 10 à 15 livres en un mois, illustre Me Issa. C’est beaucoup pour quelqu’un! »
« C’est pour ça qu’on a de la misère. En plus qu'ils ont besoin de médicaments, ils n’ont pas de souffle. Dès qu'ils essaient de se lever, ils sont essoufflés très rapidement, alors qu’habituellement on essaie de faire lever les patients le plus rapidement possible. »
Les patients ne reçoivent pas non plus de visites, contrairement à ce que Me Issa voyait alors qu’il était encore officiellement infirmier. Le téléphone ne comble malheureusement pas le vide. L’avocat tente de jaser un peu aux patients, de connaître qui ils sont au-delà d’une personne malade dans un lit d’hôpital.
« C’est pas facile pour personne », dit simplement l’avocat.
Se protéger pour aider

« Si je rentre dans une chambre 20 fois, il faut revêtir l’équipement 20 fois, et c'est quand même long, indique Me Issa. On essaie de le faire le moins possible, mais un patient qui va mal, il faut le garder en vie, il faut essayer de le sauver et rentrer aussi souvent que c’est nécessaire. »
Détail agaçant : il fait vraiment chaud, en-dessous de tout cet équipement de protection! Mais au moins, l’équipement est là.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser avec la course au matériel de protection médical dont on a tant entendu parler dans les médias, le personnel infirmier ne manque de rien à l’hôpital de Me Issa. S’il devait ne pas y avoir suffisamment de matériel, les infirmiers ne seraient en outre pas forcés de travailler.
« Les personnes qui doivent intervenir auprès des gens qui pourraient potentiellement être infectés devraient avoir l’équipement de protection. C’est sûr qu’on entend dans les médias des gens qui disent “on m’a obligé d’intervenir auprès des patients sans équipement”, mais j’ai de la misère à le croire. C'est un choix personnel qu’ils font, ces gens-là. Leur ordres respectifs sont très clairs : c'est même préjudiciable pour le soignant ou pour le client d’intervenir sans protection. »
A-t-il peur de contracter la COVID-19? Oui, bien sûr. « Mais l’article deux de la Charte, une personne a droit au secours, je considère que c’est de l’or. »
« Je sens que j’ai comme une obligation morale d'aider, considérant que je connais ça un peu, explique Me Issa. Je vais donc offrir mon aide jusqu’à ce que ça se résorbe. »
Anonyme
il y a 4 ansBravo confrère! Certaines personnes ont vraiment du coeur et Me Issa semble en faire partie. Vous êtes courageux, merci de la part de tous, je vous envoie mes meilleures pensées.