Loi sur les sociétés par actions: êtes-vous prêts?
Cynik
2011-01-18 10:15:00
Oui en théorie et non en pratique.
Oui en théorie, parce que les changements législatifs proposés sont plus que bienvenus: plus besoin par exemple de faire des pieds et des mains en passant par l'art. 33 C.p.c. pour demander à la cour d'exercer son pouvoir de surveillance et de contrôle et essayer de se cusiner une gibelotte provinciale équivalente au recours en oppression; plus besoin non plus d'avoir à se casser le crâne avec les « règlements de fonctionnement interne » et les « règlements de modification de capital »; enfin les devoirs des administrateurs sont clairement énoncés dans la loi sans qu'on ait à passer par le C.c.Q., etc... Tout ces changements, et d'innombrables autres, sont vraiment bienvenus.
Mais il y a un cheveu sur la soupe qui vient compromettre le plat tout entier, et il est conséquent: la Loi sur les sociétés par actions (Québec) ne prévoit aucune période transitoire. Nos bien-aimés fossiles, les Compagnies Partie I, auront cinq ans pour se continuer en sociétés par actions ( sous peine de dissolution ), mais pour les Compagnies Partie IA, la transition sera automatique et immédiate.
Pour les praticiens ( surtout en pratique privée ou en petite structure ), déjà, c'est rude: il va falloir revoir intégralement tous les modèles de statuts, de déclarations, résolutions, de règlements, de procédures et autres, sans période d'adaptation. Mais si on peut leur répondre que « en tant qu'avocats, c'était votre responsabilité de vous tenir informés des développements législatifs relevant de vos champs de compétences », on ne peut pas opposer cet argument aux milliers d'entrepreneurs qui se sont incorporés eux-mêmes, fonctionnant sans soutien juridique et pour qui le changement de régime va littéralement arriver sans prévenir.
Et aussi, autre élément de confusion: la loi telle que sanctionnée en 2009, et dont le texte est disponible en tant que loi annuelle (chapitre 52), a subi quantité de modifications par l'effet de d'autres lois modificatrices – et les amendements ne seront incorporées au texte législatif final que lors de son entrée en vigueur, pas avant. Et bonjour les heures de plaisir à jouer à « Où est Charlie » dans les documents officiels pour les trouver si on ignore où chercher.
Compte tenu du dentier digne de Jaws dont s'est pourvu l'AMF suite aux scandales financiers des dernières années ( avec l'agressivité de l'animal, complétée par une gentillesse digne de Freddy Krueger ) et de la modification concomitante de la Loi sur la publicité légale qui vient aussi changer la donne en matière de formalités de publicité, il n'est pas déraisonnable d'anticiper que beaucoup risquent de commettre des irrégularités de bonne foi – mais face auxquelles ils ne pourront plaider l'ignorance de la loi – et vont avoir a en payer le prix.
Le nouveau régime demeure une bonne chose, mais on va devoir marcher sur des oeufs remplis de nitroglycérine pour l'aborder. Peut-être l'imminente grève des juristes de l'administration pourra-t-elle se révéler un provisoire intermède salutaire pour certains ?
Enfin... prix de consolation, la loi prévoit que jusqu'à un an après son entrée en vigueur, le gouvernement pourra édicter par règlement une période transitoire... plutôt broche-à-foin, mais mieux que rien – et pour quelque chose qui, au final, en vaut la peine.
Confrères et consœurs, si vous n'avez pas encore commencé à faire vos lectures et à vous mettre à jour, mettez-y vous tout de suite!
-Cyniquement vôtre