Une photo vaut mille mots

Ryan Hillier
2015-09-08 14:00:00

Il n’a suffi que d’une photo, montrant le corps d’un jeune garçon syrien échoué sur une plage de Turquie, pour que les politiques et processus actuels du Canada concernant les demandes d’asile des réfugiés soient scrutés à la loupe tant par les analystes politiques que par les électeurs eux-mêmes.
En effet, l'image dévastatrice d’Aylan Kurdi, un petit réfugié de trois ans, qui faisait partie du double naufrage ayant coûté la vie à une douzaine de réfugiés syriens, a vite fait le tour des médias sociaux et a même été en tête des tendances sur Twitter mercredi.
Les médias ont d’abord rapporté que le Canada, alors sous la direction du gouvernement Harper, avait précédemment refusé l’asile à la famille immédiate du petit Aylan. Or, la tante du garçon, le coeur évidemment brisé, a raconté que c'était plutôt son frère aîné qui avait vu sa demande d’asile refusée par le Canada. Le père d'Aylan, découragé par les insuccès de son frère, aurait décidé de tenter de rejoindre la Grèce plutôt que de chercher l'asile au Canada.
Cette nouvelle d’actualité mondiale, ayant un lien certain avec le Canada, a forcé le premier ministre Stephen Harper à répondre à un barrage de questions sur le sujet pendant quelques jours. Plutôt que de modifier son propre agenda de campagne, le chef conservateur a dépêché son ministre de l’immigration à Ottawa pour qu'il s’occupe de la crise (alors même que plusieurs sondages évoquent que le propre siège de Chris Alexander dans la circonscription de Ajax-Pickering en Ontario serait fortement en danger).
D'un point de vue davantage politique, cet événement outre-mer d’une terrible tristesse aura permis aux électeurs canadiens d’en apprendre un peu plus sur les intentions des trois principaux partis en ce qui a trait au dossier de l’immigration et de l’accueil des réfugiés.
Sous le feu des projecteurs, le Parti conservateur de Stephen Harper a réitéré une de ses premières promesses de la présente campagne, soit de recevoir 10 000 réfugiés syriens et irakiens d'ici quatre ans et d'améliorer le processus de demande du statut de réfugié.
Pour sa part, le chef néo-démocrate, Tom Mulcair, qui a semblé le plus affecté par l’image du petit Aylan (nous l’avons vu retenir difficilement ses larmes lors d’un arrêt à Toronto en parlant de l'enfant et du désespoir des parents qui risquent la noyade pour fuir vers l’Europe), a lui aussi proposé d’accueillir 10 000 réfugiés de plus, mais d'ici la fin de l’année. M. Mulcair a également insisté sur le fait qu’il fallait déployer un plus grand nombre de fonctionnaires de l'immigration sur le terrain pour régler les questions documentaires des réfugiés désirantdemander l’asile au Canada.
Le chef libéral, Justin Trudeau, s’est engagé à recevoir 25 000 réfugiés de plus « dès que possible » et a estimé le coût du plan libéral en matière d’accueil des réfugiés à environ 100 millions de dollars.
En plus de soutenir que le Canada est le pays le plus généreux au monde per capita en matière d’admission de réfugiés et d’immigrants, Stephen Harper s’est surtout servi de la nouvelle qui a accaparé l’attention médiatique des derniers jours pour réitérer l’engagement conservateur à faire la guerre au groupe armé État islamique. Il faut rappeler que cette promesse distingue nettement le gouvernement actuel des deux principaux partis de l'opposition, qui se sont montrés en désaccord avec de telles interventions.
Plusieurs observateurs politiques ont critiqué la décision des Conservateurs de montrer M. Harper en chef partisan plutôt qu’en premier ministre en réponse à une crise qui a réellement secoué le pays. Or, cette stratégie conservatrice pourrait être payante électoralement, considérant les chiffres révélés dans un certain nombre de sondages des derniers jours au sujet de l’immigration et de l’accueil des réfugiés.
D’abord, les Canadiens semblent relativement partagés quant au bilan du PCC dans ce dossier. À titre d’exemple, plus d’un sondage a démontré que seulement environ la moitié des Canadiens croit que leur pays doit recevoir plus de réfugiés qu’il en accueille actuellement.
Par ailleurs, l’opinion des Canadiens envers la crise mondiale (ou européenne, selon certains) semble nettement tranchée en fonction des allégeances politiques de chacun. Près de 40 % des répondants s’identifiant comme Conservateurs dans un récent sondage Angus Reid croient que les migrants sont des « opportunistes criminels ou économiques cherchant à contourner les listes d’attente pour avoir une meilleure vie », soit plus du double des répondants libéraux ou néo-démocrates.
Toute chose considérée, il faut penser que la réaction du premier ministre à cette tragédie aura au moins eu l’effet de consolider sa propre base électorale. Reste maintenant à voir si la réponse du gouvernement conservateur à cette crise aura un impact significatif sur les électeurs le jour du scrutin.
Vous pouvez lui adresser vos questions et messages sur Twitter à @ryanhillier ou par courriel à campagnedemaitre@gmail.com