Entrevues

La tarification en pleine mutation

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Daphnée Hacker-b.

2015-02-19 15:00:00

Les exigences des clients évoluent très vite. De moins en moins intéressés par un tarif à l’heure, ils préfèrent d’autres formules, comme un forfait fixe ou une entente conditionnelle au succès... Le bâtonnier nous en dit plus...
Pour Me Bernard Synnott, bâtonnier du Québec, les avocats ne manquent pas de travail, le marché juridique va bien.
Pour Me Bernard Synnott, bâtonnier du Québec, les avocats ne manquent pas de travail, le marché juridique va bien.
Me Bernard Synnott le dit et le redit : selon lui, les avocats ne manquent pas de travail, le marché juridique va bien, mais il est en mutation. « La compétition s’accentue, et pour préserver leur clientèle, les avocats doivent se plier davantage aux demandes des clients. Il faut repenser son modèle d’affaire », déclare en entrevue avec Droit-inc le bâtonnier du Québec, aussi associé au cabinet Fasken Martineau.

Le mode de tarification est un exemple des divers changements en cours dans la profession, qui se sont accentués depuis la crise économique de 2008. Une baisse de la demande des services juridiques a fait basculer le pouvoir économique du côté de la clientèle. Plus exigeants et mieux informés, les clients veulent dorénavant dicter les termes de l’entente monétaire.

Résultat : la tarification à l’heure cède la place à d’autres modes de paiement, « et ce phénomène va s’accélérer », assure Me Synnott. Comment en être si sûr ? Depuis 2008, répond-il, les revenus générés par les modes alternatifs de tarification ont doublé. « Nous tenons ces données grâce à un système de veille sur les tendances du droit, qui nous permet de collecter plusieurs données. »

Le bâtonnier poursuit en expliquant que le Barreau a créé il y a plus d’un an un poste pour surveiller l’évolution de la profession. C’est Me Alexandre Désy, connu de la communauté pour son implication dans la fondation Cancer testiculaire Canada, qui occupe cette fonction. « Le travail de collecte d’information de Me Désy nous a permis de constater la multiplication des modes de tarification, et nous avons décidé faire le point sur cette question », dit Me Synnott.

Un laboratoire sur la tarification

C'est Me Alexandre Désy qui surveille l'évolution de la profession
C'est Me Alexandre Désy qui surveille l'évolution de la profession
Le Barreau s’est donc lancé en 2014 dans un laboratoire sur la tarification des avocats. Avec l’aide de divers acteurs, dont un économiste, l’ordre professionnel entend déposer sous peu un document qui proposera les « meilleures options » de tarification à utiliser, soit les plus susceptibles de répondre aux besoins de la « clientèle sophistiquée ».

À la lumière des données préliminaires du laboratoire, le bâtonnier Synnott donne en exemple trois modes de tarification alternatifs qui devraient, selon lui, être de plus en plus privilégiés.

1- Tarif unique ou forfaitaire

Ce mode de tarification est le deuxième plus utilisé après la tarification horaire. Privilégié dans le cadre de transactions, le concept est simple : évaluer en aval tout le travail à faire et fixer un montant global. « Avant, on faisait surtout un estimé du prix total mais on se gardait une marge de manœuvre. Aujourd’hui, des logiciels informatiques permettent de calculer tout le travail juridique requis pour un dossier, en tenant même compte des taux horaires de chaque avocat inclus dans le groupe », explique Me Synnott. Ce dernier affirme que de nombreux cabinets ont recours à ce logiciel. « Le client apprécie, car il contrôle mieux les coûts. L’avocat peut perdre au change, comme il peut gagner, tout dépend s’il respecte l’échéancier », ajoute-t-il.

2- Tarif pour mandat à portée limitée

Si le Barreau a longtemps voulu que les avocats traitent de « A à Z » le dossier de leur client, cette mentalité a évolué. Plusieurs entreprises, par exemple, détiennent un contentieux capable de gérer un dossier, à l’exception de certains points de droit pointus. « J’encourage les juristes à accepter ce type de mandats qui visent souvent à répondre à une seule question précise. Un montant fixe est souvent privilégié au taux horaire dans ce cas », fait valoir le bâtonnier.

3- Tarif conditionnel au succès

L’idée d’un paiement conditionnel au rendement n’est pas nouvelle, mais devient de plus en plus répandue. Un nombre grandissant d’avocats acceptent ainsi de charger un taux horaire réduit et négocient avec le client un pourcentage « bonus » s’il obtient gain de cause. « S’il gagne, il reçoit un bénéfice. C’est une sorte de rémunération incitative qui plaît aux deux parties.»

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Pour en savoir plus sur les tendances et changements qui influencent le monde du droit, consultez l’enquête socioéconomique Barreau-mètre 2015.

Quelques chiffres qui ressortent du document :

54 % : C’est le pourcentage d’avocats qui chargent 150 dollars de l’heure pour leurs services

98 % : Le nombre d’avocats sur le marché a augmenté de 98 % en 20 ans, alors que la hausse de la population n’a été que de 15 % durant la même période

2013 : C’est l’année où, pour la première fois, les femmes sont devenues plus nombreuses que les hommes dans la profession. Elles représentent 50,4 % des membres du Barreau.


Des logiciels menaçants pour les avocats ?

Aux États-Unis, des logiciels ont été créés afin de prédire de manière précise l’issue d’un procès. « C’est très impressionnant, le logiciel calcule les chances de succès d’un client en anticipant la décision du juge, explique Me Synnott. Les mégadonnées permettent de scruter tous ses jugements passés et d’estimer la position qu’il prendra… !»

Ce type de technologie sera bientôt ici, poursuit le bâtonnier. Il estime que les avocats ne doivent pas trop craindre de ce type de logiciels. « Ça ne remplacera jamais le travail d’un juriste, ça devient un outil complémentaire. Il faut juste s’attendre à avoir des clients mieux informés qui auront des questions plus pointues », conclut-il.
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4 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    BOF
    1. "Un nombre grandissant d’avocats acceptent ainsi de charger un taux horaire réduit et négocient avec le client un pourcentage « bonus » s’il obtient gain de cause. « S’il gagne, il reçoit un bénéfice. C’est une sorte de rémunération incitative qui plaît aux deux parties.»"

    Bonjour l'indépendance de l'avocat du coup. Et puis ce type de facturation est déjà à l'origine de frictions avec un trop grand nombre d'avocats ayant un peu trop l'appât du gain.

    2. Le tarif forfaitaire c'est bien pour certains actes spécifiques et le corpo mais faudra pas nous faire croire que cela s'applique bien au litige.

    3. Tarif pour mandat à portée limitée: c'est bien mais il faudra voir à limiter la responsabilité de l'avocat par la même occasion. Si je suis au dossier tout le long et que je manque quelque chose je peux le voir et corriger. En cas de portée limitée, je ne vois plus le dossier et je me retrouve avec les problèmes si le client perd sa cause en raison d'une omission.

  2. DSG
    Listen clients
    No lawyer in Quebec will take a performance based fee. This is not the U.S. The reason is simple: lawyers know that no matter how strong your case is, due to our tediously slow procedural and judicial system the chances of you getting anything for your claim is extremely slim. Even if you do get a judgement in your lifetime by then the person or entity you are suing will either be completely devoid of any assets or will have relocated to Argentina.

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 9 ans
      That's the hard part
      That's the hard part. You need to tell your clients that it's a tough process and yet, still get hired...

  3. Anonyme
    Anonyme
    il y a 9 ans
    Mandat à porté limité????
    Dans un litige qui s'étend au fur et à mesure qu'on avance dans la procédure, essayez de dire à un client que vous ne vous ne prendrez pas en charge les conséquences accessoires au litige principal.

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