L’aventure dans le Grand Nord!
Céline Gobert
2019-05-03 15:00:00
Imaginez un peu le paysage : en arrière-plan, on dirait les Rocheuses, il y a la baie, la toundra de part et d’autre, une route glacée, et surtout le soleil, « si fort qu’on pourrait presque le toucher, comme une boule de feu », dit-elle.
«Quand le vent de l’Arctique se lève, c’est là qu’on comprend toute l’importance de la fourrure! Le froid est différent qu’au Québec, très sec.»
En septembre 2010, l’avocate n’a pas hésité à « partir comme une grande fille », dit-elle, pour prendre la barre du Barreau du Nunavut.
Emportant une douzaine de valises avec elle, la DG a même laissé son conjoint derrière elle! Dix ans plus tard, ils sont encore ensemble et se voient tous les deux mois environ, lorsque Me Vaddapalli retourne au Québec.
« À 40 ans, j’avais besoin de plus de défis, le milieu est limité au Québec », explique celle dont le parcours a toujours été lié au droit international, à la justice sociale, aux droits humains, aux droits des enfants.
Depuis, 10 ans ont passé.
De l’écoute, des silences
Si Iqualuit est sur le même fuseau horaire que Montréal, il faut quatre heures pour s’y rendre.
Le paysage n’est pas le seul avantage d’une pratique au Nunavut, où la nature est accessible en cinq minutes.
Ainsi, l’avocate aime également participer à la chasse aux phoques, et chaque deux ans à la chasse à la baleine à bosses. En août elle va cueillir les bleuets. Certains soirs, elle peut s’asseoir sur une balançoire et regarder le spectacle des aurores boréales.
Et si Me Vaddapalli n’est pas prête de repartir, c’est aussi parce que cela lui a pris du temps pour bâtir son réseau et construire du lien avec les Inuits sur place.
Là-bas, 85 % de la population est inuite. La composante culturelle est énorme, mais elle est loin d’effrayer l’avocate originaire de Bathurst au Nouveau-Brunswick, une petite ville de la péninsule acadienne, née d’une mère québécoise et d’un père indien.
« Je sais ce que c’est que d’être dans un endroit isolé, mon père y était la première personne immigrée alors la diversité culturelle fait partie de mon quotidien. »
En premier lieu, explique l’avocate, il est important de comprendre qu’il y a une différence entre la culture inuite et non inuite, et ce, dans une approche de réconciliation.
« Il faut savoir prendre du recul et ça, ça prend de l’écoute, du respect et un espace qui permet de se sentir à l’aise. Comme avocat, et dans notre culture en général, tout va tout le temps très vite. Ici, il faut laisser la place au silence, c’est ainsi qu’on bâtit la relation de confiance, et quand les gens s’ouvrent c’est magique. »
Dans la culture inuite tout le monde est à pied d’égalité, ajoute-t-elle, peu importe ce que vous faites dans la vie.
« Aussi, les aînés sont très valorisés, quand il y a une réunion la dynamique en matière de temps et de prise de parole est très différente. »
Pas pour tout le monde
En tant que DG, Me Vaddapalli se charge de répondre aux diverses demandes et questions par courriel, téléphone, ou directement sur place. Il est important pour elle que les gens se sentent à l’aise de s’adresser au Barreau.
« Les gens sont isolés, ils ne comprennent pas nécessairement le système de justice en place », dit celle qui a toujours eu un intérêt pour la culture autochtone, ou la traite des personnes au Canada.
La juriste est aussi en charge des comités : disciplinaire, de formation, d’accès à la justice. Elle s’occupe également de la mise à jour du site web et, bien sûr, de faire rayonner la mission de protection du public.
« Je n’aurais jamais pensé qu’à 50 ans, j’aurais passé 10 ans au Nunavut, mais j’ai trouvé ma place, il y a beaucoup à faire ! », dit-elle, précisant que les deux-tiers du Barreau du Nunavut sont des avocats non résidents.
Ici, un avocat junior peut gagner entre 100 000 et 120 000 dollars par année. C’est aussi au Nunavut qu’on paye le moins de taxes.
Toutefois, l’endroit « n’est pas pour tout le monde », indique Me Vaddapalli qui a déménagé six fois en huit ans. « Il a beaucoup de va et vient, les gens restent environ deux ans et s’en vont. »
Les tragédies dont elle est témoin au quotidien sont aussi dures pour le moral. Le taux de suicides y est élevé. « Ça fait partie de la vie ici, des gens qu’on connaissait et qui se sont ôtés la vie »
Son secret pour ne pas perdre le Nord? S’entourer d’amis, et faire très attention. Si elle est trop fatiguée ou sent que le moral baisse, elle n’hésite pas à le mentionner à son CA, à prendre plus de vacances si nécessaire. « Je le dis. Je ne le cache pas. »
Aujourd’hui, une chose est certaine, l’avocate qui aime déguster du phoque ou du bison dans un mijoté et boire de la bière à la Nunavut brewery « file le parfait bonheur ».
« Et je ne suis pas prête de revenir dans le Sud! », assure-t-elle à Droit-inc.