Entrevues

Peut-on être avocat et technophobe?

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éric Martel

2019-02-07 11:15:00

On a tendance à croire que les avocats qui débutent sont plus ouverts à la technologie, mais est-ce vraiment le cas?
Mes Claire Mazzini, Vincent Gautrais et Guillaume Leahy.
Mes Claire Mazzini, Vincent Gautrais et Guillaume Leahy.
Non, s’il n’en tient qu’à la professeure Monica Goyal. Celle qui enseigne la technologie juridique à la faculté de droit Osgoode Hall de Toronto a brisé ce mythe dans un podcast de Legal Rebels.

« Nous pensons que les jeunes avocats qui utilisent Facebook et Twitter se servent des ordinateurs et donc seront plus disposés à expérimenter les nouvelles technologies. J'ai constaté que ce n'était pas le cas », a-t-elle déclaré.

La professeure n’est pas la seule à abonder dans ce sens.

La culture juridique à blâmer

« Contrairement à l’image populaire, les milléniaux sont dépendants à la technologie, mais la comprennent très mal! », lance à Droit-inc Me Claire Mazzini, conseillère juridique de Legal Suite.

Elle explique que cette génération se décortique en trois classes distinctes : une faible partie qui comprend bien la technologie, une autre qui y est dépendante, sans la comprendre, puis une dernière qui saisit bien son importance et souhaite l’utiliser, mais ne sait pas comment le faire.
La conseillère juridique pointe du doigt la culture qui règne dans la communauté juridique.

« On se conforte dans une attitude dans laquelle on croit qu’on a pas besoin de technologies. On se permet de ne pas les utiliser. »

Une technophobie multigénérationnelle

Pour Me Vincent Gautrais, professeur en droit des technologies à l’Université de Montréal, la technophobie n’est pas une question d’âge.

« Je pense que les jeunes choisissent leur technologie. Oui, il y en a parmi eux qui sont très récalcitrants à leur usage, mais on retrouve la même chose chez les juges : certains ne sont pas très enclins à les utiliser, tandis que d’autres en sont des champions. »

Aux yeux du juriste, il est important d’apprendre aux étudiants en droit que ce ne sont pas toutes les nouvelles technologies qui sont utiles.

« Par exemple, même si certaines applications de téléphone sont fantastiques, la surutilisation des mobiles est pourrie. En autres, en ce qui concerne Facebook, je crois que les risques sont beaucoup plus importants que les attraits, surtout en perte de temps. »

Me Gautrais estime que les futurs avocats ont besoin d’une bonne base technologique pour réussir dans le monde du droit.

« Il faut nécessairement un minimum de connaissances technos pour percer en droit des technologies, ne serait-ce que pour comprendre le langage des techniciens. Aussi, en droit du travail, il y a de plus en plus de preuve technologiques. Même en droit de la famille, on utilise de vieilles publications sur Facebook en guise de preuve! »

La nouvelle réalité du litige

L’affirmation s’applique également au litige, poursuit Me Guillaume Leahy de Langlois.

« Dans notre domaine, les avocats n’ont plus le choix : ils doivent utiliser la technologie le plus possible », souligne-t-il.

Celui-ci cite en exemple des logiciels de Ediscovery tels que Summation et Relativity, permettant d’effectuer des révisions documentaire électronique.
Ceux-ci sont désormais « essentiels » en litige, souligne l’avocat.

« On n’a plus le choix. Personne ne peut réviser des centaines, ou même des millions de documents. Les gens qui refusent d’évoluer et qui restent à leurs habitudes ne peuvent pas y arriver dans la pratique du litige actuelle », conclut-il.
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1 commentaire
  1. Claire Mazzini
    Claire Mazzini
    il y a 5 ans
    Petite correction pour les milléniaux et les cabinets d'avocats
    La constatation que la génération des milléniaux est davantage "techdependant" (dépendante à la technologie) que "tech savvy" (habile avec la technologie) a été faite par des études et notamment présentée par The Center for Generational Kinetics (https://genhq.com/). Elle remet en question l'idée que tous les jeunes sont ouverts et habiles avec la technologie parce qu’ils l’utilisent énormément.

    À mon sens, ce n'est pas tant la culture des cabinets qui est à blâmer; plutôt, il s'agit d'un défi générationnel qui est amplifié par une culture juridique qui a tendance à craindre ou à simplement éviter l'utilisation de la technologie. Cette culture juridique se retrouve dès les bancs d’école et se poursuit dans beaucoup de domaines, où il est encore possible de pratiquer avec une faible intégration avec la technologie. L’évolution actuelle du marché poussera les choses à changer, mais on ne peut prendre pour acquis que tous les jeunes seront les champions de ces changements dans la pratique du droit.

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