Toujours 17 000 $ de dettes!

Céline Gobert
2016-05-20 15:00:00

Dans son entourage, il connaît de jeunes avocats qui n’ont pas touché de salaire les deux premières années en solo et qui vivaient sur le salaire du conjoint. Ou encore des avocats qui après des décennies de pratique ne dépassaient pas les 30 000 ou 40 000 $ par an. Lui et sa conjointe, parents de deux petites filles, n’ont jamais dépassé les 26 000 $ de revenu par an.
Pour rembourser ses dettes, l’avocat de 29 ans a mis en place un programme de remboursement d’environ 350 $ par mois. Dès qu’il a de l’argent, il rembourse, par coup de 500 ou 1000 $. La première année, grâce à ses emplois au Comité logement Rosemont et Comité d’action de Parc-Extension, il parvient à mettre 11 000 $ de côté. En stage chez Narang & associés, de septembre 2014 à février 2015, il gagne 300 $ par semaine.
Mais cela reste difficile de faire des économies, malgré son choix de mener un rythme de vie « de simplicité volontaire », comme il l’appelle. « Je paye aussi au Barreau une cotisation de 1500 $ par an, c’est cher pour quelqu’un qui ne pratique pas », déclare, un peu amer, celui qui fut également adjoint légal en droit de l’immigration et des réfugiés chez Stewart Istvanffy.
Des mois sur le chômage

« Après mon stage au Barreau de Septembre 2014 à Février 2015, j’ai constaté que 90% des emplois disponibles, hormis des postes de techniciens ou adjoints juridiques, se concentraient dans les domaines du droit des affaires et droit commercial… et ces domaines ne m’intéressaient pas », confie-t-il à Droit-inc. Lui, il était davantage intéressé par un cabinet ou un organisme dans les droits humains, droits et libertés, droit du logement ou droit en santé.
« Mais c’est là que l’argent est, poursuit-il On vit dans une société qui valorise beaucoup les entreprises privées et la business, ce qui favorise beaucoup les cabinets privés, tout ce qui a trait au litige civil, commercial, F&A, droit des affaires. Les petits cabinets ont plus de difficulté. C’est très difficile quand on n’a pas le modèle capitaliste. » Selon lui, c’est la faute au gouvernement libéral qui tend vers la privatisation des services publics au détriment des fonctions de juristes, notamment ceux dans la fonction publique ou dans le communautaire où les fonds sont coupés ou les postes gelés, explique-t-il. « Quant au Barreau du Québec, il ne valorise pas assez les parcours atypiques de juristes multidisciplinaires. »
Diplômé de l’UQAM, il confie également avoir déjà perçu quelques préjugés de la part d’employeurs du domaine privé qui vont être enclins à valoriser des diplômés de McGill ou de l’UdeM, selon lui. « Ils se disent que si c’est plus cher, les étudiants sont meilleurs. Mais les gens idéalisent trop McGill ou l’UdeM. À l’UQAM, on a fait des études plus critiques, plus progressistes. On pose un regard différent sur la pratique du droit et les enjeux sociaux. La moitié de ma cohorte ne se destine pas aux emplois en grands cabinets!»
Réinvestir le salaire de la Bâtonnière!

C’est « avec grande attention » que Me Loiselle-Boudreau a lu le rapport sur la situation de l’emploi des jeunes du Jeune Barreau de Montréal. Toutefois, il émet des réserves sur les propositions de contingenter la profession. « Pas besoin de réduire, il faut au contraire ouvrir les possibilités! Pour cela, il propose de réduire les coûts du Barreau, ceux de la formation professionnelle, de la cotisation pour l’ordre, et… le salaire de la Bâtonnière!
« Son salaire? C’est un abus! Cela reflète la société capitaliste dans laquelle les dirigeants ont des salaires énormes. » Selon lui, il faudrait réduire ce montant et utiliser le surplus pour investir dans des activités d’éducation du public, par exemple, ou encore dans la formation continue, qui reste chère (de 100 à 200 dollars par formation) pour des avocats qui gagnent peu.
Selon lui, 40 000 à 50 000 $ par an pour vivre sont suffisants. « Comme société, on devrait réinvestir dans les juristes. Il n’y a pas d’emplois pour 25 000 plaideurs mais il faut valoriser le travail qui n’est pas du litige, dans les organismes communautaires, ou le travail juridique de recherche, l’analyse, la rédaction de lois ou de projets de lois. »
Il est diplômé de l’UQAM, d’un baccalauréat en relations internationales et droit international, et d’un autre en droit.
À l’heure d’écrire ses lignes, il a déjà envoyé une vingtaine de CV à travers le Québec afin de trouver un emploi à son retour.