Jurisprudence

Maudite française!

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Ludovic L. Therien

2013-08-05 12:30:00

Le Tribunal des droits de la personne vient de condamner une cliente de Jean-Coutu à payer 3500$ pour avoir traité une pharmacienne de "maudite française".
Une cliente de Jean-Coutu vient d'être condamnée à payer 3500$ pour avoir traité une pharmacienne de
Une cliente de Jean-Coutu vient d'être condamnée à payer 3500$ pour avoir traité une pharmacienne de "maudite française"
Mme Lucette Morin en avait vraiment de poireauter pour ses médicaments chez Jean-Coutu. Après 50 minutes d’attente, Mme Morin trouvait que la pharmacienne prenait trop de temps à servir ses clients et à leur faire la conversation.

Lorsque la pharmacienne, Mme Josette Curé, s'est enquis de sa situation, Mme Morin lui a alors lancé qu'elle aurait déjà été servie si ce n'était de sa "sale gueule de française". Certains témoins rapportent que Mme Morin a aussi traité Mme Curé de "maudite française".

Si la preuve diffère quant à la nature exacte des mots utilisés, pour le juge Jean-Paul Braun du Tribunal des droits de la personne, il y a bel et bien eu insulte à saveur ethnique.

Mme Curé est française mais vit au Québec depuis plus de 28 ans. Elle s'est dite profondément blessée par les mots de Mme Morin et a réclamé des dommages-intérêts pour atteinte à sa dignité.

En effet, tel que le rappelle le juge Braun dans sa décision, la Charte affirme que toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation et permet explicitement des dédommagements en cas d’atteinte illicite et intentionnelle à la dignité.

Liberté d’expression vs droit à la dignité

À l’encontre du droit à la dignité contenu dans la Charte, Mme Morin a opposé sa liberté d'expression. Or, dans le contexte d'une telle altercation, le juge Braun a affirmé que le droit avait "choisi de réprimer les insultes fondées sur certaines caractéristiques individuelles précises comme l'origine ethnique ou nationale."

À cet égard, dans l'affaire Filion, le Tribunal des droits de la personne avait d'ailleurs conclu qu’il était possible d’exprimer verbalement son insatisfaction par rapport au comportement d’un individu, mais qu’il était interdit de le faire en se basant sur des caractéristiques personnelles n’ayant aucun lien avec le comportement reproché. En d’autres mots, Mme Morin aurait dû utilisé un autre épithète que “française” pour qualifier la gueule de Mme Curé!

Ainsi, le juge Braun a choisi de condamner sévèrement les mots de Mme Morin en réaffirmant les principes prévalant dans la jurisprudence: les expressions “sale arabe”, “sale musulman” ou “sale nègre” sont des qualificatifs très dégradants qui ont toujours été condamnés dans notre société et l’expression “sale gueule de Française” serait de la même nature.

Sur ces mots, le juge Braun a conclu que Mme Morin devait payer 3000$ en dommages moraux pour compenser l’atteinte à la dignité de Mme Curé et 500$ supplémentaires à titre de punition.

Avons-nous donc le droit d’insulter autrui en public? La réponse semble être positive, à condition de ne pas référer aux origines ethniques ou à la nationalité de l’individu...
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