Petit mensonge en famille
Agnès Rossignol
2014-05-07 15:00:00
C'est la conclusion que pourrait tirer la juge Sylvie Devito après avoir entendu une demande d’annulation de pension alimentaire présentée par un père à l’égard de sa fille majeure. Avec la complicité de sa mère, elle a prétendu faussement être encore aux études pour continuer de percevoir une pension alimentaire.
Au vu des mensonges racontées et des manigances entreprises par la jeune femme, soutenue dans ce sens par sa mère, les deux comparses se sont fait remonter les bretelles par la cour: dans un jugement rendu le 12 février dernier, elles ont été condamnées solidairement à verser au père la somme de 5 000$ à titre de dommage et intérêt.
Les faits
Tout n’avait pourtant pas si mal commencé. Une séparation à l’amiable en 1991, un consentement sur la garde des deux enfants et le montant de la pension alimentaire - fixée à 350 $ - et un père qui paie régulièrement les sommes convenues, annexées pendant un temps.
Mais au fil du temps, les relations entre les parents se dégradent et la mère signifie en 2011 une requête en modification du consentement alléguant que le père n’a pas contribué suffisamment aux besoins de ses enfants notamment pour leurs études postsecondaires.
Les parties réussissent malgré tout à régler leur désaccord avec une entente entérinée en juin 2012, aux termes de laquelle le père accepte de payer une pension alimentaire de 1 200$ par mois pour ses enfants majeurs qui déclarent être aux études et s’engagent à fournir leurs relevés de notes à leur père.
Mais rien ne se passe comme prévu… Si le fils produit les documents requis sans difficulté à l’automne 2012, sa fille, elle, ne l’entend pas de cette façon.
Alors que son père insiste pour recevoir la preuve de son inscription universitaire, elle prétexte la grève étudiante pour finalement lui adresser en janvier 2013 un document non daté intitulé « Autorisation d’inscription » qui semble émaner d’une université, et qui s’avérera falsifié.
La procédure devant la Cour supérieure
Après mise en demeure du père envoyée à sa fille pour obtenir des preuves additionnelles de sa situation, l’avocat de la mère lui répondra finalement par lettre que les deux enfants sont encore aux études.
Non convaincu, le père signifie quelques jours après une requête en annulation de la pension alimentaire alléguant notamment que sa fille ne serait plus à charge car vivant avec son conjoint depuis l’automne 2011. Il invoque un abus de droit de la part des deux femmes pour avoir faussement déclaré que sa fille était toujours aux études et leur réclame à ce titre 15 000$ en dommages et intérêts.
Ce n’est que trois jours avant l’audition au fond que la mère et la jeune femme finissent par avouer que cette dernière n’avait pas été une enfant à charge pour les années 2012 et 2013.
Sans contact avec sa fille, le père apprendra d’ailleurs lors de l’audience que sa fille venait d’accoucher le mois précédent l’audience.
Indignée par le comportement de la jeune femme, la juge Devito annule la pension alimentaire versée pour son compte par le père, mais elle ne compte pas en rester là: elle accède à la demande de condamnation en dommages et intérêts présentée par le père.
Si la jeune femme a témoigné avec un aplomb déconcertant, « la cascade des malheurs et l’accumulation des malentendus » ont largement affecté son récit, truffé d'invraisemblances toutes plus colorées les une que les autres: une admission à l’université sans diplôme d’études collégiales, paiement des frais d’université en argent comptant, et falsification de document d’admission, le tout avec un travail presque à temps plein: c’est un carton plein!
Sanctionnées pour avoir menti
C’est une situation « déplorable » et un comportement « abusif » qui mérite d’être sanctionnée, considère la cour.
Le père doit être indemnisé non seulement par sa fille, mais aussi par la mère car, selon la juge, elle connaissait la situation financière de sa fille et son emploi du temps, bien qu’elle ait déclaré n’avoir « jamais questionné le comportement, ni cherché à vérifier les affirmations de sa fille », s’en remettant « entièrement à sa version ».
Le comportement des deux femmes représente pour le tribunal un abus de procédure ayant causé un préjudice au père qui a dû déployer efforts et argent pour percer la vérité. Il lui accorde ainsi la somme de 5000$ à titre de dommages payable solidairement.
La juge conclut : « Il est temps que cette triste saga se termine. Les parties en auront hélas payé un fort prix, non seulement au sens monétaire. Tout cela est bien désolant. »
L’argent et la famille ne font pas bon ménage…
Pour lire le jugement, cliquez ici.
Me François Bourdon
BOURDON AVOCATS
Procureurs de la demanderesse
Me Pierre A. Béliveau
BÉLIVEAU BRASSARD
Procureurs du défendeur