Géographiquement vôtre…
Karim Renno
2015-05-13 14:15:00
En mai 2014, j'attirais votre attention sur les enseignements de la Cour d'appel et le fait que les parties peuvent contractuellement prévoir un lieu de conclusion du contrat qui diffère de celui où le contrat a effectivement été conclu.
Cependant, cela ne règle pas la question de savoir si une telle clause impose un district spécifique pour le litige. Dans Texan Grill & Bar inc. c. Immeubles Yale ltée (2015 QCCS 1412), l'Honorable juge Martin Bureau s'est penché sur la question et en est venu à la conclusion que la réponse à cette question est négative.
Dans cette affaire, la Demanderesse intente des procédures civiles en dommages contre la Défenderesse au motif que cette dernière aurait fait défaut de remplir ses obligations en vertu d’un bail intervenu entre les parties. La Demanderesse recherche également la résiliation du bail.
La Défenderesse présente une exception déclinatoire et demande que l'affaire soit renvoyée dans le district de Montréal. À l'appui de cette demande, la Défenderesse invoque une clause du bail qui indique que les litiges entre les parties doivent être entendus dans le district judiciaire de Montréal.
Après une analyse de la jurisprudence pertinente - dont la décision de la Cour d'appel dont nous traitions en introduction - le juge Bureau en vient à la conclusion que cette clause ne peut priver la Demanderesse de choisir d'introduire son recours dans un des districts qui rencontre les exigences des articles 68 et suivants C.p.c.
Il souligne en effet que le législateur a expressément prévu que le choix de la partie demanderesse pouvait être fait "nonobstant convention contraire" à l'article 68 C.p.c.:
(13) Le Tribunal est d’avis qu’en fonction des dispositions claires de l’article 68 C.p.c. et des termes « nonobstant convention contraire » qui apparaissent dans cet article, il n’est pas permis aux parties à un contrat d’empêcher conventionnellement l’une d’elles d’intenter un recours fondé sur ce contrat dans l’un ou l’autre des endroits prévus à cette disposition c’est-à-dire soit dans le district du domicile de la défenderesse ou de son domicile élu d’une part ou dans le district où le contrat a été véritablement conclu.
(…)
(15) L’insertion dans le contrat d’une élection de domicile et même d’une clause spécifique précisant que pour les besoins de toute procédure judiciaire découlant du bail, les parties élisent domicile auprès du Tribunal compétent dans le district judiciaire de Montréal, ne permet pas d’aller à l’encontre des dispositions impératives de l’article 68 C.p.c. Cet article prévoit spécifiquement que « nonobstant convention contraire », l’action purement personnelle peut être portée soit devant le Tribunal du domicile réel du défendeur ou de son domicile élu ou encore devant le Tribunal du lieu où a été conclu le contrat.