Totalement excusable
Karim Renno
2014-05-14 14:15:00
En effet, le devoir d'information d'une partie a comme corollaire le devoir de s'informer de l'autre. Cependant, comme le souligne la Cour d'appel dans sa décision récente de Bélisle c. Gestion Paradigme inc. (2014 QCCA 857), ce devoir de s'informer ne va pas jusqu'à tester la véracité des affirmations faites par l'autre partie.
Ainsi, lorsque l'erreur est causée par les fausses représentations de sa partie co-contractante, cette erreur ne pourra pas être qualifiée d'inexcusable.
Dans cette affaire, l'Appelant vend un immeuble à l'Intimée en 2004. Or, ce n'est qu'après la vente que l'Intimée apprend que le bâtiment n’était pas conforme : l’Appelant y avait aménagé, sans permis, 11 logements résidentiels alors que la réglementation municipale en autorisait un maximum de 3 dans le secteur.
En 2007, la Ville de Québec a exigé de l’Intimée qu’elle mette un terme à l’usage à des fins multifamiliales et qu’elle exécute les travaux nécessaires pour rendre l’immeuble conforme à la réglementation. Cela a amené l’Intimée à déposer des procédures pour faire annuler ou résoudre la vente.
Le juge de première instance accorde la résolution de la vente, mais pas son annulation. En effet, il est d'avis qu'en ne vérifiant pas la conformité réglementaire de l'immeuble, l'Intimée a commis une erreur inexcusable, et ce même si l'Appelant lui avait faussement affirmé que l'immeuble était conforme.
La Cour d'appel, dans un jugement unanime rendu par les Honorables juges Thibault, Kasirer et Gagnon, casse cet aspect de la décision. En effet, elle souligne que lorsque l'erreur d'une partie est causée par les fausses représentations de sa partie co-contractante, on ne pourra jamais qualifier cette erreur inexcusable:
(21) Avec égards, il commet une erreur de droit puisque le dol de l’appelant est la cause de l’erreur de l’intimée qui ne peut alors être considéré juridiquement comme étant inexcusable.
(22) Notre Cour rappelle à cet égard :
(15) Lorsque le dol prend la forme de représentations mensongères, comme c’est ici le cas, on ne peut tenir rigueur à la victime de s’être fiée aux renseignements qui lui étaient fournis au moment de signer le contrat. Comme l’écrivent les auteurs Jean-Louis Baudouin, Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, « (…) celui qui a commis un dol ne peut certes pas reprocher au cocontractant une erreur inexcusable et éviter ainsi la nullité du contrat et les dommages-intérêts : permettre une telle défense heurterait de plein fouet le principe de bonne foi ».
Voilà une décision importante en matière contractuelle.
''Karim Renno est associé dans le cabinet Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l. Il est le fondateur et rédacteur en chef du blogue juridique À bon droit où il publie quotidiennement des billets de jurisprudence.''