Norbourg: une entente historique
Rene Lewandowski
2011-01-21 11:15:00
En matière de fraude en valeurs mobilières, il s'agit d'un règlement historique, le plus gros jamais versé au Québec et certainement l'un des plus importants à survenir au Canada. D'autant plus qu'à ce montant s'ajoutent les sommes déjà versées par le Fonds d'indemnisation des services financiers de l'AMF, de même que les montants récupérés par les syndics de faillite, par le liquidateur et par Revenu Québec, ce qui portera à environ 115 millions la somme retournée aux investisseurs, soit presque 100% de leur capital.
Un règlement qui a fait jaser hier dans le milieu juridique, pour qui cette entente est presque une anomalie.
« C'est très rare que les demandeurs obtiennent presque 100% des sommes réclamées », dit Nick Rodrigo, associé à Montréal au cabinet Davies Ward Phillips&Vineberg. Me Rodrigo, spécialiste en matière de recours collectifs, s'est dit surpris par le montant obtenu. D'habitude, explique-t-il, le pourcentage est moins grand, pour refléter le risque de perdre au procès. En plus, dit-il, il y avait beaucoup de demandeurs, ce qui a dû compliquer le niveau de difficulté d'obtenir un consensus.
Dans ce règlement, les parties visées n'ont admis aucune responsabilité dans la fraude de 130 millions orchestrée par Vincent Lacroix. Rien d'anormal, il s'agit d'une clause standard, que l'on retrouve dans à peu près toute les ententes du même type, explique Donald Bisson, qui dirige de Montréal le groupe national des recours collectifs chez McCarthy Tétrault.
Mais alors, pourquoi payer lorsqu'on n'admet aucune faute ? C'est la question que l'on peut se poser, d'autant plus qu'un des défendeurs, l'AMF, avait déjà déboursé en frais juridiques près de 10 millions de dollars depuis le début des procédures, selon le site ruefrontenac.com.
Plusieurs hypothèses
En droit, explique Me Bisson, négocier implique nécessairement de faire des compromis, même si l'on sait qu'on a raison. Ici, on a peut-être voulu éviter un long procès - qui aurait duré très longtemps. Ou l'on a jugé qu'il était préférable «d'acheter la paix». Rendu à ce stade, il est aussi probable que les gens, ayant tous les éléments de preuve en main, ont décidé de laisser tomber, s'étant rendu compte que la partie serait plus difficile à gagner que prévu.
Bien que le règlement soit unique, il n'est toutefois pas si extraordinaire, juridiquement parlant. Et il aura vraisemblablement peu d'impact sur la suite des choses en matière de recours collectifs. « C'est un cas classique, intéressant mais pas davantage que les autres », dit l'associé Yves Martineau, de Stikeman Elliott. Son collègue Donald Bisson est du même avis : ce règlement ne créera pas de précédent, tout simplement parce chaque règlement est un cas d'espèce duquel on ne peut tirer de généralités juridiques.
En fait, l'aspect le plus intéressant de ce dossier est sans doute le volet médiatique, selon les avocats. Pour Donald Bisson, aucun doute que la pression médiatique a joué et qu'elle a augmenté le pouvoir de négociation des demandeurs. Un argument que rejette d'emblée Jacques Larochelle, l'avocat principal des victimes. Selon lui, le fait que le règlement est intervenu à quelques jours du procès indique que c'est plutôt la pression des procédures juridiques qui a fait pencher la balance. « Ça me semble évident », dit-il.
Reste la question des honoraires des avocats des victimes. En recours collectifs, c'est le juge qui les accorde. En général, cela varie de 10 à 30% des indemnités obtenues. Plus les montants sont élevés, moins le pourcentage sera grand. Ici, les avocats interrogés estiment qu'ils oscilleront entre 10 et 20%. Le juge peut aussi décider d'un forfait. Dans un cas comme dans l'autre, ils toucheront plusieurs millions de dollars...