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« Je vis mon plus grand défi professionnel! »

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Dominique Tardif

2017-05-03 14:15:00

Cette semaine, Me Dominique Tardif de ZSA s’entretient avec Me Karl Tabbakh, associé directeur régional de McCarthy Tétrault pour le Québec.
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier ou une autre profession? Était-ce de tradition familiale ou peut-être un hasard?

Me Karl Tabbakh, associé directeur régional de McCarthy Tétrault pour le Québec
Me Karl Tabbakh, associé directeur régional de McCarthy Tétrault pour le Québec
C’était, dans mon cas, loin d’être une tradition familiale : il n’y avait pas d’avocat dans la famille. Né à Alep en Syrie, je me faisais dire, dès un très jeune âge, que j’avais la parole facile et que j’aimais vraisemblablement discuter et argumenter. « Tu deviendras sans doute avocat un jour », me disait-on, présumant que je deviendrais un plaideur.

Ayant pour objectif de devenir homme d’affaires, je suis d’abord allé en administration. Je n’étais pas particulièrement doué pour les mathématiques, mais j’aimais la dynamique des transactions et m’intéressais beaucoup à ce qui se passait dans le milieu financier. Après ma première ou deuxième année d’études, j’ai décidé que je voulais devenir un avocat de droit des affaires, et j’ai ensuite changé de parcours.

Même si je n’avais jamais mis les pieds dans un bureau d’avocats, j’étais attiré, de ce que j’en savais et de ce que j’en voyais, par la profession. Mes parents étaient des entrepreneurs, et nous étions immigrants. Le fait d’être membre d’une profession représentait aussi pour moi la possibilité de faire ce que je voulais par après, sachant que j’aurais toujours ce diplôme en poche vers lequel me tourner au besoin.

J’ai eu, durant mon parcours professionnel, la chance d’avoir une carrière très internationale, de transiger avec plusieurs juridictions et de goûter à la culture de divers marchés, en m’adaptant chaque fois à ceux-ci. Une constante demeure : nous sommes vraiment bien, ici au Canada, et la profession juridique tant au Canada qu’à Montréal est de très haute qualité.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

En fait, je vis probablement les débuts de mon plus grand défi professionnel, de par mes fonctions actuelles d’associé directeur.

J’ai, dans le passé, eu à déménager mes pénates, à bâtir des marchés dans des pays que je ne connaissais pas et à faire face, à Dubaï chez DLA Piper, à la crise de 2008-2009, au printemps arabe et à la gestion de la décroissance qui a suivi. À l’époque, les plans d’expansion au Moyen-Orient ont rapidement changé : il fallait rationaliser les effectifs et s’adapter à un environnement qui était différent.

De retour au Canada chez McCarthy, j’ai obtenu la confiance de mes associés pour gérer le cabinet pour la région du Québec. Pourquoi? Probablement parce qu’on est dans un marché qui est en constante évolution et en constant changement, et un marché pour lequel la croissance n’est par ailleurs pas aussi automatique qu’avant. Il s’agit d’un marché où la concurrence est très féroce et où l’on assiste à l’arrivée de cabinets internationaux et aux percées des bureaux comptables dans la profession, en plus de voir les clients demander – et avec raison - des services à valeur ajoutée et de pointe.

Mon défi est, et sera, de continuer à motiver, recruter et promouvoir le meilleur talent dans ce marché, avec pour objectif de maintenir le cabinet dans la position enviable dans laquelle il se trouve. En parallèle, il s’agira aussi d’apporter des idées nouvelles, qui seront sûrement influencées par ce que j’ai connu à travers le monde.

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

Si j’avais une baguette magique, je changerais le concept de la facturation à l’heure. Je ne ferais pas, à ce titre, que l’éliminer. Je ferais aussi en sorte que les avocats ne soient pas gênés de la valeur qu’ils apportent comme conseiller d’affaires.

À mon avis, facturer à l’heure est un problème fondamental qui asphyxie notre croissance. Nous avons atteint les limites de ce que nous pouvons faire avec ce concept. Heureusement, toutes sortes de formules alternatives existent, du « value billing » au partage de risques avec le client. Ces méthodes permettent de se concentrer sur la valeur que l’on apporte au client plutôt que de ne compter que des heures. Selon moi, le pourcentage de nos revenus lié à ces autres méthodes de paiement des honoraires ne fera qu’augmenter.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je ne crois pas qu’elle ait beaucoup changée…et je ne suis pas certain qu’elle soit justifiée!

On associe beaucoup, dans notre société, l’injustice aux avocats. Il faut pourtant se compter chanceux de pouvoir compter sur une profession « solide » et sur des avocats qui ont une voix au chapitre. En effet, dans les pays où les avocats ne sont que peu ou pas respectés, des problèmes hautement plus élevés que les nôtres existent.

Les avocats sont critiqués pour toutes sortes de choses, mais je doute que cela soit toujours justifié. C’est d’ailleurs un peu à nous qu’il revient de changer les choses et la perception, qu’il s’agisse de faire du pro bono, de prendre des initiatives sociales, etc. Si ce genre de choses se faisait de façon plus publique, je crois que la profession et les avocats s’en porteraient mieux. N’oublions pas que l’implication est importante et constitue un pilier fondamental de notre société de droit. Comme professionnel, nous sommes un agent essentiel de ce pourquoi le Canada est perçu dans le monde comme l’une des meilleures places qui soit pour vivre.

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et voulant connaître du succès, notamment à l’international?

La recette est la même que l’on veuille réussir à l’international ou dans le marché local, mais probablement avec une dose d’entreprenariat plus aiguisée dans le premier cas. De façon générale, je dirais qu’il ne faut pas avoir peur du défi et de se réinventer.

Quand j’ai quitté en 2008, ma carrière chez McCarthy allait bien. Certains de ceux qui me voyaient partir pour l’étranger m’ont dit que je prenais un très grand risque et que j’allais y perdre ma pratique. Des gens qui voient le verre à moitié vide, il y en a toujours beaucoup.

Quant à moi, l’insécurité ne m’a jamais arrêtée. J’étais évidemment conscient du risque, mais j’étais beaucoup plus grisé par la possibilité de travailler dans un environnement en croissance et dans un marché où tout semblait possible et où l’économie était en ébullition.

Par ailleurs, il ne faut pas avoir peur de se faire confiance. Notre profession en est une très entrepreneuriale et, si l’on a du succès à se bâtir une réputation quelque part, il ne faut pas avoir peur de le faire ailleurs. Il faut évidemment, pour cela, avoir confiance, être curieux et rejeter le confort du statu quo. À l’inverse, si ce qui nous réconforte est l’impression d’avoir atteint quelque chose, il est probable qu’une carrière à l’international n’est pas ce qu’il nous faut!

Enfin, parler plusieurs langues et avoir une capacité d’adaptation nous permettant de s’imprégner du marché sont essentiels.

· Il lit actuellement… « Breakdown : The Inside Story of the Rise and Fall of Heenan Blaikie » (auteur : Norman Bacal)

· Le dernier bon film qu’il a vu : « Inside Out », un film animé qu’il a vu en compagnie de ses trois enfants (producteur : Jonas Rivera)

· Sa chanson fétiche : The Future (Leonard Cohen)

· Son péché mignon : Il est accro au popcorn!

· Il aime beaucoup manger au …Beroya, un restaurant de Laval ouvert par des réfugiés syriens

· Il aime toujours… retourner à Londres et Dubaï, et aimerait connaître l’Amérique du Sud davantage, dont l’Argentine.

· S’il n’était pas avocat, il serait…probablement entrepreneur ou journaliste!

Me Karl Tabbakh est associé directeur régional de McCarthy Tétrault pour le Québec. Il possède une expérience unique sur le plan des investissements et des affaires, s’appuyant sur plus de 20 années d’expérience dans la structuration, la négociation, l’exécution et la conclusion de transactions commerciales d’envergure au Québec et ailleurs dans le monde. En 2012, il a cofondé une société à capital de risque et de capital d’investissement privé à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Il avait auparavant été associé du plus grand cabinet d’avocats du monde, auquel il s’était joint en 2008 pour démarrer le bureau d’Abu Dhabi et y diriger le groupe de droit des affaires. Me Tabbakh a passé en tout sept années au Moyen-Orient. Auparavant, il était associé chez McCarthy Tétrault, où il a fait ses débuts en 1995 et a réintégré le cabinet à son retour au Canada en 2016.

Me Tabbakh a obtenu un baccalauréat en droit de la Osgoode Hall Law School de Toronto en 1997 après avoir obtenu un baccalauréat en droit civil de l’Université de Montréal en 1996. Il est également titulaire d’un baccalauréat en commerce de l’Université Laval à Québec. Il a été admis au Barreau du Québec en 1998 et au Barreau d’Angleterre et du Pays de Galles en 2002.
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