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«Mêler sa vie professionnelle à sa vie personnelle»

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Dominique Tardif

2014-01-29 14:15:00

Cette semaine, Dominique Tardif, de ZSA, s’entretient avec André Roy, l’associé directeur du bureau montréalais de Stikeman Elliott...
1. Pourquoi avez-vous, à l’origine, décidé d’être avocat plutôt que de choisir un autre métier? Un hasard, une coïncidence ou le fruit d’une longue réflexion?

J’ai, pour ma part, commencé par un baccalauréat en administration à l’Université McGill. Le cours assez inspirant du Professeur Audet m’a fait réfléchir à la possibilité de devenir avocat. En effet, la perspective d’être mon propre patron et de mettre mon esprit d’entrepreneuship en pratique m’attirait davantage que celle de rester en affaires et d’éventuellement démarrer ma propre entreprise. Les options qui semblaient par ailleurs s’offrir à l’époque à ceux qui graduaient en administration étaient surtout des postes en marketing ou dans les banques, alors que la profession d’investment banker n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.

Voyant dans le droit une façon d’exercer une profession tout en y conjuguant des éléments d’affaires comme le fait de bâtir sa clientèle, j’ai donc fait mon droit à l’Université de Montréal, pensant ensuite m’orienter vers la fiscalité. Le fait que j’ai aimé mon stage en litige et les gens avec qui je travaillais m’a presque fait hésiter à l’époque; j’ai cependant finalement décidé d’opter pour le droit des affaires, question de mieux combiner les connaissances que j’avais déjà acquises.

2. Quel est le plus grand défi professionnel auquel vous avez fait face au cours de votre carrière?

Me André Roy, associé directeur du bureau montréalais de Stikeman Elliott
Me André Roy, associé directeur du bureau montréalais de Stikeman Elliott
Sur le plan professionnel, je dirais que mon plus grand défi, à titre d’associé-directeur, réside dans ce que j’appelle ‘le passage de la nouvelle génération’. Je travaille en effet en étroite collaboration avec les futurs leaders du bureau, dans le but d’amener ces associés à prendre progressivement les rênes du cabinet. Le défi est d’assurer la pérennité de l’entreprise en identifiant ses successeurs. Comment? En les faisant siéger sur des comités du cabinet, en les désignant chefs de comité puis ensuite chefs de secteur, et en s’assurant de les faire évoluer.

J’ai dans ce même sens implanté cette année une formation de leadership pour tous les jeunes associés: le but est de leur faire prendre conscience de leurs forces, qualités et faiblesses et de la façon dont ils peuvent exercer un leadership qui soit sain autour d’eux. D’autres associés sont quant à eux envoyés à Harvard pour un programme de leadership, alors que certains travaillent conjointement avec des coachs pour maximiser leur développement professionnel.

Je suis extrêmement confiant: le talent des gens que nous avons au cabinet est immense et nous positionnera extrêmement bien pour les années futures.

Sur le plan personnel, mon plus grand défi a probablement été celui relatif aux dossiers des fiducies de revenu. Avoir un dossier comme celui des Pages Jaunes à l’époque, c’était une véritable opportunité, sans compter que le fait d’en avoir un en attirait un autre, de telle sorte que le cabinet a fait une trentaine de ces dossiers sur dix ans. Cela engendrait chaque fois quatre dossiers en un: la conversion de la compagnie en fiducie avec la structure fiscale qui s’en suivait, le financement bancaire, l’émission publique et la gouvernance qui y était attachée. Un seul dossier pouvait occuper une vingtaine d’avocats pendant quatre à six mois; le niveau d’intensité était très élevé. C’était du droit nouveau, qui permettait en quelque sorte de ‘pousser l’élastique du droit’: très stimulant!

3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?

L’avancement des femmes dans la profession est une priorité. Il est nécessaire de faire en sorte que les femmes, qui composent aujourd’hui 60% et plus des cohortes d’étudiants en droit, se retrouvent en plus grand nombre que maintenant comme associées en grand cabinet ou dans des postes décisionnels.

Prenons à titre d’exemple le cas des congés de maternité: l’enjeu ne consiste pas seulement à trouver une façon de faire transitionner les dossiers à d’autres au moment de leur départ, mais à s’assurer que ces avocates ne se retrouvent pas devant rien, ou peu, à leur retour. Il est important de développer des façons de faire qui permettent de ne pas perdre le contact entre elles et les clients.

Notre cabinet est tout à fait conscient de l’enjeu et tient à faire sa part en ce sens. Nous sommes d’ailleurs très actif au sein de Justicia et voulons nous assurer que nos professionnels soient traités au mieux.

4. La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?

Je ne crois pas que la perception ait tellement changé et que nous fassions meilleure figure au palmarès des professionnels qui sont aimés et appréciés dans la société. Les avocats, en effet, sont un peu – et inévitablement je crois, compte tenu de leur rôle - des souffre-douleur. Ceci dit, même si le public n’a, selon moi, pas nécessairement une meilleure impression de la profession qu’avant, il en a peut-être une moins bonne de certains autres types de professionnels, ce qui peut possiblement nous aider par comparaison!

5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant devenir un praticien de droit des affaires reconnu ainsi qu’un associé-directeur de grand cabinet?

D’abord, il faut être passionné, de même que dévoué pour son travail.

Je crois aussi qu’il est important de se découvrir soi-même, plutôt que de vouloir à tout prix ressembler à quelqu’un d’autre. Il faut «faire son chemin», en sachant mettre l’accent sur ses qualités et en diminuant ses défauts.

Je constate aussi que, plus souvent qu’autrement, les avocats qui ont du succès sont ceux qui acceptent de mêler, du moins en partie, leur vie professionnelle à leur vie personnelle, qui deviennent amis avec leurs clients et qui établissent de bonnes relations interpersonnelles avec les autres. Il y a toujours, en effet, un moment où les choses deviennent tendues ou difficiles dans un dossier. Le développement de bonnes relations permet de trouver plus facilement une façon de faire avancer les choses dans de telles circonstances, d’au besoin «raisonner» son client et d’ainsi faire en sorte qu’il apprécie travailler avec nous. Les gens veulent travailler avec des individus avec qui ils entretiennent des relations, qu’ils aiment et qu’ils respectent.

Enfin, pour être associé-directeur, il faut avoir la confiance de ses pairs et rester soi-même. Pour cela, il faut notamment montrer un niveau suffisant d’autonomie et d’indépendance, avoir un franc-parler et être perçu comme quelqu’un qui écoute et sait faire la part des choses.

En vrac…

Son livre préféré: Un livre non publié intitulé Le Manteau de Marech (auteur: Joseph Skarzensky). C’est l’histoire d’un juif polonais qui, à 8 ans, a vu son père tué par les nazis. Sa mère, envoyée dans un camp de concentration avec la sœur de Marech, lui donne alors un manteau contenant tous les objets de valeur qu’elle a. C’est ce qui lui permettra de survivre. Arrivé au Canada, il démarre sa propre entreprise. Lorsque ce même individu est devenu mon client, il m’a fait livre ce livre, histoire de sa vie écrite pour ses petits-enfants.

Le dernier bon film qu’il a vu – Le dernier James Bond!

Son péché mignon – Les desserts, avec en tête de liste le gâteau au chocolat de sa mère, avec son «crémage 7 minutes»!

Son restaurant préféré – Le midi, c’est le Ferreira (Rue Peel). Le poisson de chez Milos (Avenue du Parc) le faire aussi saliver…!

Les pays qu’il aimerait visiter – Un saut en Inde ou un voyage en Asie? Son cœur balance…

Le personnage historique qu’il admire le plus – Celui qui a marqué sa jeunesse est John F. Kennedy. Il apportait un réel vent de renouveau et d’espoir, et une véritable excitation après la fin de la guerre, non seulement pour les Américains mais pour tout le monde.

S’il n’était pas avocat, il serait… investment banker, répond-il sans hésitation!

Bio


Me André Roy est associé directeur du bureau de Montréal de Stikeman Elliott, membre du conseil de la société et du comité exécutif depuis le 1er octobre 2009. La pratique de Me Roy porte plus particulièrement sur le financement public et privé des entreprises, les opérations transfrontalières, les fusions et acquisitions publiques et privées et la régie d'entreprise.

Me Roy agit comme avocat-conseil auprès de la Fondation CHU Sainte-Justine, en plus de siéger à titre d'administrateur et secrétaire. Il est membre du conseil consultatif de la faculté de gestion Desautels à l'université McGill et il a siégé au conseil d'une société cotée à la TSX pendant plus de quatre ans. Me Roy est membre de l'International Bar Association, de l'American Bar Association et de l'Association du Barreau canadien.

Me Roy figure notamment dans les répertoires suivants: The Best Lawyers in Canada, édition 2014; The Best Lawyers in Canada, nommé « Lawyer of the Year » (Avocat de l'année) en droit des sociétés, à Montréal, dans l'édition 2012; A Guide to the Leading 500 Lawyers in Canada, Lexpert/American Lawyer Media, édition 2013; Lexpert Leading Corporate Lawyers, édition spéciale, juin 2013; Lexpert Guide to the Leading US/Canada Cross-Border Corporate Lawyers in Canada, financement des enterprises et valeurs mobilières, 2012; LawDay - Leading Lawyers: Securities-Corporate Law, édition 2009.

Me Roy possède une licence en droit de l’Université de Montréal obtenu en 1980 et un baccalauréat en administration de l’Université McGill obtenu en 1977. Il est membre du Barreau du Québec depuis 1981.
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