Demandeurs d'asiles, créatrice d'espoir

Emeline Magnier
2013-08-20 15:00:00

"Je ne savais même pas si je voulais continuer à exercer mais j'ai eu un coup de cœur pour le droit de l'immigration", explique l'avocate.
Elle y restera un an, avant d'être transférée au bureau criminel, et de travailler notamment pour la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pendant deux ans.
Elle aura fait, dit-on, le tour de la boucle en réintégrant son premier poste en 2006. "Je voulais continuer le droit de l'immigration, j'aime le mandat d'aider les plus démunis, ça correspond à mes valeurs", explique celle qui est membre du Barreau depuis 2000.
Si la profession d'avocat ne figurait par sur sa liste des métiers préférés étant enfant, Me Fogg comprend aujourd'hui pourquoi elle a choisi de rejoindre le Barreau.
"Quand j'étais au primaire j'aidais et je protégeais déjà les plus faibles", se souvient-elle.
Sa pratique se concentre sur le droit des réfugiés et les demandes d'asile. Aucune journée au bureau ne se ressemble, et pas le temps de s'ennuyer: elle gère entre 150 et 200 dossiers par année.
Apprentissage et ouverture
Ce qu'elle apprécie particulièrement en droit de l'immigration, c'est l'opportunité de travailler avec des personnes venues de partout, et d'apprendre constamment de nouvelles choses, tant sur le plan politique, culturel que personnel. "Ça me sort de mon cocon de canadienne privilégiée", dit-elle sur un ton empreint d'auto-dérision.
Loin des tables en marbre et des fusions acquisitions logées place Ville-Marie, elle côtoie la détresse humaine au quotidien, à égale distance de celle qui sépare l'auditeur de son poste de télévision. Mais dans son bureau, les images sont des personnes et leurs souffrances son mandat.
"On ne peut pas rester insensible devant ces gens là, ce n'est pas comme écouter les nouvelles et voir que les bombes sautent", explique l'avocate.
Entre accompagnement et détachement

Elle se souvient notamment d'une cliente rwandaise, enlevée pour servir de ce qu'elle appelle "matière première" à des soldats en République démocratique du Congo. Violentée physiquement et psychologiquement, violée, elle avait réussi à s'échapper de l'emprise de ses bourreaux.
"Bien souvent, ces femmes n'ont jamais raconté leur histoire dans leur pays de peur d'être étiquetées. Une fois arrivées au Canada, je suis souvent la première personne à qui elles se confient".
Face à tant de détresse, son plus grand défi est de garder le détachement nécessaire dans la gestion de ses dossiers. "Je suis très sensible, c'est très difficile de ne pas rentrer dans leur histoire personnelle et de vivre sa vie une fois à la maison".
Pourtant, paradoxalement peut-être, c'est aussi ce qui l'allume. Il ne s'agit pas de gagner un dossier mais d'aider une personne à trouver un endroit pour vivre en paix.
"J'ai l'impression de faire une différence. Quand la demande d'asile est acceptée, c'est une satisfaction indescriptible", confesse l'avocate de 38 ans.
Pratique multiculturelle
Ces clients sont majoritairement originaires du Nigéria, de la République démocratique du Congo, du Ghana, de l'Algérie ou de la Tunisie.
Elle doit donc travailler en collaboration avec des interprètes ce qui n'est pas pour faciliter sa tâche. "C'est une réelle difficulté de ne pas pouvoir parler directement avec le client", explique Me Fogg.
La préparation des audiences devant la Commission lui demande aussi beaucoup de travail et de rencontres préalables avec les clients qui doivent être capables d'expliquer les motifs de leur demande d'asile. Expliquer le fonctionnement d'une juridiction, comment répondre aux questions, autant de préalables nécessaires pour assurer la bonne conduite d'un dossier.
"Les différences culturelles jouent beaucoup: pour nous, les dates sont très importantes alors que certains réfugiés ignorent leur date de naissance. D'autres sont incapables de regarder dans les yeux quelqu'un de plus âgé", souligne-t-elle.
Mais il y a aussi les rencontres, les fins heureuses et les anecdotes qui égaillent la pratique de l'avocate.
De l'enfant appelé Espoir suite à la suggestion légère d'une de ses collègues, à la fillette afghane enlevée par sa mère pour lui permettre d'aller à l'école et de s'instruire dans un pays libre, les exemples ne manquent pas.
Pas de doute, l'espoir est là!