Cannabis comestible: quels enjeux à surveiller?
Mathieu Galarneau
2019-09-06 13:15:00
« L'amendement ajoute presque 25% au document. Je pense qu'ils ont réalisé que ce n'était pas si simple que ça! », lance d’entrée de jeu Me Dominique Babin, associée chez BCF, contactée par Droit-inc pour comprendre les aboutissants de cette nouveauté dans la loi.
Après la publication du règlement canadien, le Québec a émis lui-même un projet de règlement qui décrit les produits de la SQDC pourra vendre. Mais des portions de ce règlement demeurent vagues et seront certainement sujettes à interprétations, selon Me Babin.
« Il y a une restriction dans le règlement québécois qui dit qu'un produit de cannabis comestible ne peut être une friandise, une confiserie, un dessert, du chocolat, ou tout autre produit attrayant pour les mineurs. Je me demande ce qu'il reste! Du pâté chinois au cannabis? Même là, le pâté chinois, ça peut être attrayant pour les mineurs! »
Tout cela manque de précision, croit la juriste, qui compare avec la législation adoptée ailleurs aux États-Unis. « À Washington, les restrictions sur le cannabis comestible sont très précises. Les produits ne peuvent pas être en forme d'animaux, d'humains, ou de personnages de bandes dessinées, mais ils ne parlent pas de confiseries ou de desserts… Le Québec a adopté une approche très large, mais qui, à mon avis, laisse beaucoup de flou artistique. »
D’ailleurs, Québec a interdit la vente de cannabis topique, soit les crèmes pour la peau. Alors que le fédéral limite à un maximum de 10 mg de THC par paquet vendu les comestibles, la belle province est plus restrictive à cet égard. La limite sera de 5 mg par unité et à 10 mg par emballage pour les solides, et de 5 mg par emballage pour les liquides.
Le Québec est le seul à vouloir légiférer sur la vente des produits comestibles du cannabis. Les autres provinces ont toutes choisi de suivre le règlement édicté par le gouvernement fédéral, le printemps dernier.
Beaucoup de potentiel
Deloitte estime à au moins 1,6 milliard $ par an la valeur du marché des produits comestibles au Canada. Me Babin croit que de gros joueurs de l’industrie agroalimentaire seront tentés de développer des produits pour ce nouveau marché.
Faisant une analogie avec la ruée vers l’or, Me Babin compare la première année de légalisation du cannabis de « far west » avec des joueurs « un peu cowboy ». Cela est appelé à changer.
« J'ai été impliquée avec des clients qui se préparaient à l'arrivée du cannabis comestible et je constate qu'il y a vraiment un gros intérêt dans le marché. C'est un marché complètement vierge, on part de zéro, alors la croissance va être impressionnante. Le Canada va servir de test pour ce qui se fera ailleurs dans le monde. »
Même si le cannabis comestible sera légal le 17 octobre prochain, les consommateurs n’en retrouveront pas sur les tablettes de la SQDC avant la mi-décembre. Les entreprises doivent remettre un préavis de 60 jours à Santé Canada pour pouvoir transformer, faire du développement et de la recherche, produire et mettre en vente.
Et oubliez les brownies au pot… ou faites-les vous-mêmes!