En Cour supérieure pour avoir voulu acheter une tourtière de gibier
Radio Canada
2024-11-26 10:15:57
Un Saguenéen se bat en Cour supérieure après avoir reçu une amende pour avoir voulu acheter une tourtière de gibier…
Le dossier était de retour au palais de justice de Chicoutimi, vendredi, alors qu’il se retrouve maintenant en Cour supérieure.
C’est l’avocate Sabrina Tremblay qui représente le poursuivant.
La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune est claire. En vertu de l’article 69 : « Nul ne peut vendre ou acheter un animal, un invertébré ou un sous-produit de la faune dont la vente est interdite par règlement ».
Bien que l’ignorance de la loi ne constitue pas une défense, les intentions de Jocelyn Chapdelaine étaient loin d’être malhonnêtes, explique-t-il.
« Je sortais d'une COVID, je n'avais pas été dans ma famille à Drummondville. J'ai organisé un Noël du campeur le 25 juillet pour rassembler tout le monde pour fêter Noël. L'idée me prend de dire : "Câline, je vais leur faire goûter un mets qu'ils ne goûtent jamais" ».
« La gaffe que j'ai faite, en fait, ce n'est pas d'avoir demandé, c'est d'avoir mis trois signes de piastre au bout pour dire que je vais récompenser », se remémore le Saguenéen.
Dix semaines après sa publication qui remonte au début de l’année 2022, trois agents de la faune se sont rendus chez l’accusé, mandat de perquisition à la main, pour analyser presque l’entièreté du contenu de son cellulaire. Après qu’on lui ait lu ses droits, Jocelyn Chapdelaine a rapidement admis l’infraction.
Pendant près de deux heures, les agents ont épluché le contenu de son appareil de communication, dont ses conversations.
Même s’il n’a obtenu aucune tourtière à la suite de sa publication, Jocelyn Chapdelaine a tout de même écopé d’une amende de 3800 $. Il avait alors plaidé non coupable à l’accusation en raison de la somme de l’amende.
Jocelyn Chapdelaine a même tenté de négocier avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) afin de réduire la somme de sa pénalité. Il a essuyé un refus de la part de la procureure au dossier.
« Trois agents sont venus chez moi. Ils se sont rendus en cour pendant une heure, une autre fois pendant plus de deux heures, en plus du prix des procureurs et du juge. Je pense que je l’ai brûlé, le 4000 $ », ajoute Jocelyn Chapdelaine.
Décision en appel
Vendredi, Jocelyn Chapdelaine était de retour pour une troisième fois au palais de justice de Chicoutimi.
L’avocat qui le défend, Me Sylvain Morissette, est d’avis que l’infraction commise ne vaut pas une amende de 2500 $ qui s’élève, avec les frais, à 3800 $. Il invoque particulièrement le caractère déraisonnable de la perquisition.
L'avocat de la défense avait d’ailleurs demandé un arrêt des procédures en première instance.
« Le problème, c’est qu’ils sont arrivés chez M. Chapdelaine avec cette autorisation. Je pense qu’elle était abusive », indique-t-il.
« C’est une intrusion d’un domicile privé. Elle est autorisée par un mandat. Donc, elle n’est pas présumée comme étant abusive, mais ça ne veut pas dire qu’elle ne l’est pas », ajoute Me Morissette.
Il ajoute: « Il n’y a personne des trois agents qui s’est dit : "On aurait peut-être d’autres chats à fouetter" ».
Ce dernier a rappelé un des passages de l’arrêt Hunter, soit « l’importance de l’atteinte à la vie privée versus l’intérêt de l’état ».
Me Morissette est d’avis que, puisqu’il s’est écoulé plus de deux mois entre la publication du message sur Facebook et la perquisition, cela démontre la banalité de l’infraction. « C’est carrément ce qu’ils nous disent ».
« Ils n’ont jamais rien fait pour faire cesser la publication, ils n’ont jamais avisé personne. Ils ne l’ont pas appelé pour l’avertir ou faire une publication sur le "Spotted". On s’est mis en mode enquête, en mode mandat et en mode exécution de mandat et on est débarqués bing bang avec nos bottes », expose-t-il.
Protéger la faune et les chasseurs
Me Sébastien Émond, qui représente le procureur du DPCP dans ce dossier, est d'avis que « l'infraction perpétrée est loin d'être anodine ».
« C'est une disposition capitale. Elle empêche de faire de la chasse une activité économique ».
Il souligne que la loi, un frein au braconnage, permet de protéger les animaux, mais aussi tous les Québécois qui veulent s’adonner à la chasse.
« L’état veut protéger la grande faune », souligne Sébastien Émond.
Pour le représentant du DPCP, il n’y a pas eu d’erreur dans la décision rendue par la juge Rouleau.