Immigration: la ministre Christine Fréchette mise en demeure
Radio -Canada
2023-12-14 14:15:00
Ottawa est aussi mis en cause, bien que dans une moindre mesure. La missive a donc aussi été envoyée à son homologue fédéral, le ministre Marc Miller.
L’ultimatum vient de Me Maxime Lapointe, un avocat en droit de l’immigration. Selon lui, le délai moyen de 41 mois pour les Québécois qui attendent d’être réunis avec un conjoint d’origine étrangère n’est pas usuel.
« À titre de professionnel, je représente des dizaines de dossiers par année et je constate un écart dans la norme de service des dossiers destinés à la province du Québec par rapport à ceux destinés au reste du Canada », indique Me Lapointe en entrevue.
Ailleurs au pays, le délai moyen pour les Canadiens en attente de regroupement familial est de seulement 12 mois. Cette disparité est en grande partie attribuable au fait que presque 40 000 dossiers de regroupement familial sont en attente au Québec.
Malgré cet inventaire, le gouvernement Legault limite à environ 10 400 le nombre d’admissions par année, ce qui crée un goulot d’étranglement, une explosion des délais et beaucoup de détresse chez les couples concernés.
Or, en vertu de l’Accord Canada-Québec qui précise le rôle de chaque palier en matière d’immigration, le gouvernement provincial n’a pas le pouvoir d’imposer un quota dans la catégorie du regroupement familial, analyse Me Maxime Lapointe.
Son interprétation est d’ailleurs partagée par l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration (AQAADI).
Conséquemment, en ne traitant que le nombre de dossiers souhaité par le gouvernement Legault, Ottawa se trouve aussi à ne pas respecter les termes de l’Accord Canada-Québec, estime Me Lapointe.
« On le voit dans les médias, les deux ordres de gouvernement se font une guerre ouverte en voulant dire c'est la faute de qui si on a des délais de traitement. Tout le monde se renvoie la balle », constate-t-il.
Réviser le seuil
Me Lapointe demande donc à Ottawa de finaliser d’ici 60 jours tous les dossiers de regroupement familial à destination du Québec qui excèdent le délai de 12 mois actuellement en vigueur dans le reste du pays.
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Quant au gouvernement du Québec, Me Lapointe l’invite à « décongestionner complètement les inventaires » en regroupement familial et à abolir sa cible de 10 400 admissions par année dans cette catégorie.
Si la ministre Christine Fréchette n’obtempère pas, Me Lapointe lui suggère une autre voie : créer une cible d’admission « dynamique » qui s’ajusterait en fonction de l’offre et de la demande, afin que soit toujours respecté le délai moyen de traitement de 12 mois.
Me Lapointe ordonne aussi aux deux ordres de gouvernement de rouvrir l’Accord Canada-Québec afin de renégocier les rôles et les responsabilités de chacun.
« C'est la bonne manière de faire si on veut revoir les pouvoirs en immigration. Ce n'est pas la manière de François Legault, qui dit : Je veux récupérer tous les pouvoirs en immigration sans savoir ce que ça implique », croit l’avocat.
Si les deux gouvernements n’agissent pas à l’intérieur des 60 jours impartis, Me Lapointe entend déposer une requête en jugement déclaratoire devant la Cour supérieure.
Pas de commentaire
Mercredi matin, avant son arrivée au conseil des ministres, Christine Fréchette a préféré ne pas répondre aux questions des journalistes. « Je ne serai pas en mesure de commenter », a tout simplement indiqué la ministre en ne s'arrêtant pas devant les caméras.
Le porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d'immigration, Monsef Derraji, trouve « malheureux » qu'une mise en demeure soit nécessaire pour forcer Québec à agir.
Il demande aussi au gouvernement fédéral d'expliquer pourquoi il accepte de se plier à la limite d'admissions fixée par Québec.
Même son de cloche auprès de Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole de Québec solidaire en matière d'immigration, qui trouve dommage que Québec et Ottawa se rejettent la faute mutuellement.
« Il faut qu'on arrête de jouer au ping -pong », croit le député. « Qui doit faire quoi? La question, je leur pose à eux, mais il faut régler le dossier. »