Jean-François Malo accuse l’État d’être responsable de tous les retards liés à son procès
Radio-canada Et Cbc
2024-07-22 12:00:52
Accusé de tentative de meurtre, le promoteur multiplie les requêtes en justice pour reporter la tenue de son procès.
Même s'il a présenté une vingtaine de requêtes préliminaires, le promoteur immobilier Jean-François Malo, accusé de tentative de meurtre sur un avocat civiliste, soutient qu'aucun retard ne lui est attribuable.
Toutes les requêtes qu'il a présentées au tribunal étaient nécessaires en raison du comportement de l'État, plaide-t-il. La cour entendait la troisième et dernière requête jeudi. L'accusé soutient que la cour doit lui accorder un arrêt des procédures puisque les délais fixés par l'arrêt Jordan ont été largement dépassés.
Avortement du procès
Le 4 avril dernier, le procès de Jean-François Malo, qui tirait à sa fin, a pris une tournure inattendue lorsque le juge Christian Jarry a annoncé qu'il devait se récuser puisqu'il venait de réaliser qu'il existait un lien de proximité assez étroit entre lui ainsi que des membres de sa famille et un ou une témoin au dossier.
Puis, il a ajouté qu'il n'avait plus la sérénité nécessaire pour entendre l'affaire. Par la suite, il a prononcé l'avortement du procès. Le juge n'en a pas dit plus et il a mis sous scellés les motifs détaillés de sa décision.
Un avortement de procès est, par définition, un événement imprévisible. Conclusion : les reports occasionnés par cet événement ne peuvent pas être imputés à l'une ou à l'autre partie, ni même à l'État.
Mais l'accusé n'est pas de cet avis. Son avocat, Me Thomas Villeneuve, a demandé à la cour de lever les scellés pour lire ces motifs détaillés.
« Nous avons reçu la liste des témoins le 2 mars, soit neuf jours avant le début du procès. Il nous faut avoir accès aux motifs du juge pour déterminer s'il aurait pu ou dû savoir que cette situation surviendrait, s'il a été diligent dans l'examen de la liste des témoins », plaide Me Villeneuve.
De son côté, l'avocate du DPCP, Me Tian Meng, rétorque qu'il est inutile de lever les scellés puisque le juge Jarry s'est récusé, notamment parce qu'il n'avait plus la sérénité nécessaire pour présider le procès.
Il faut donc calculer les délais à partir du jour de l'avortement du procès jusqu'à la reprise du procès en septembre (autour de 150 jours) pour constater que le dossier est encore en deçà des délais fixés par l'arrêt Jordan. Pourquoi ce débat autour de l'accès aux motifs détaillés du juge Jarry, qui semble être une question secondaire?
Parce que si l'avocat de Jean-François Malo démontrait que le juge aurait dû savoir qu'il connaissait un témoin, l'avortement du procès deviendrait de facto un événement prévisible. Ce ne serait plus du tout un événement exceptionnel soustrait au décompte commandé par l'arrêt Jordan. Les délais engendrés par tout cet épisode pourraient être imputés à l'État. La défense soutient que tous les retards ont été occasionnés par le DPCP ou qu'ils sont attribuables au système judiciaire lui-même.
Preuve d'écoute électronique
Parmi les éléments de preuve dont dispose la poursuite : une grande quantité de conversations captées grâce à l'écoute électronique, des vidéos de surveillance ainsi que des documents. La défense plaide que la poursuite refuse de lui transmettre des milliers de conversations supplémentaires.
Les avocats de Malo ont présenté plus d'une requête pour y avoir accès, mais également d'autres requêtes pour exclure une partie de la preuve puisque certaines conversations seraient protégées par le « privilège avocat-client ».
C'est bien connu, en raison du secret professionnel, les communications entre un avocat et son client ne peuvent être écoutées que dans des circonstances exceptionnelles.
Un juge est chargé de les écouter avant de les transmettre aux parties s'il estime qu'elles ne sont pas couvertes par un privilège. Une des particularités de cette affaire, c'est qu'au mois de mars 2020, Jean-François Malo faisait déjà l'objet d'une enquête pour fraude, vol, fabrication et usage de faux, ainsi que pour gangstérisme. Cette enquête, baptisée Pacte a été instituée, à la suite de plaintes d'institutions bancaires qui poursuivent Jean-François Malo au civil dans le but de récupérer des sommes d'argent.
La victime de la tentative de meurtre, l'avocat Nicholas Daudelin (nommé juge depuis), représentait la Fédération des Caisses Desjardins dans ses litiges contre Jean-François Malo. C'est dans le cadre de l'enquête Pacte que l'écoute électronique visait Malo et deux avocats. Plusieurs juges se sont penchés sur la question de la légalité de l'écoute, puis de l'accès aux conversations. Certaines requêtes sont toujours pendantes devant la cour.
Deuxième procès dès septembre
L'agenda fixé par la Cour du Québec quelques heures après l'avortement du procès en avril dernier tient le coup. Les requêtes préliminaires ont été entendues aux dates prévues et les débats ont pris fin le jeudi 18 juillet autour de 17 h. La juge Dannie Leblanc prévoit rendre ses décisions à la fin du mois, de sorte que le procès pourra s'ouvrir comme prévu pendant la semaine du 2 septembre pour une durée de cinq semaines, à moins de nouveaux rebondissements.
L'avocat de Jean-François Malo a laissé entrevoir que s'il échouait à obtenir un arrêt des procédures pour délais déraisonnables, il envisagerait de présenter une nouvelle requête au juge du procès. Ce serait la troisième requête en vertu de l'arrêt Jordan.