La bataille pour les tarifs d’aide juridique gagne en appui
Mathieu Galarneau
2019-12-20 10:15:00
« C'est une association qui représente les droits de la défense au Québec et elle reconnaît elle aussi la problématique. Ce n'est plus seulement moi qui le mentionne. C'est une association qui oui, représente ses membres, mais qui a aussi comme mission la protection du public », se réjouit le criminaliste, qui voit cet appui comme un encouragement.
L’été dernier, Me Doyon a déposé en Cour supérieure une requête en inconstitutionnalité afin d’obtenir du tribunal une déclaration rendant l’entente tarifaire de 2013 inconstitutionnelle ainsi qu’une ordonnance pour une réforme complète des tarifs de l’aide juridique.
Il refusait de représenter un client, Michée Roy, pour son second procès, disant ne pas disposer des ressources nécessaires pour défendre ce client. Or, la Commission des services juridiques a accepté jeudi la requête de Me Doyon de considérer le cas Michée Roy comme un mégaprocès et d’y accorder les ressources en conséquence.
« Le procureur général plaidera le rejet de la requête en inconstitutionnalité, arguant que le problème a été réglé, mais je continue d’aller de l’avant avec cette démarche parce que ça concerne tous les justiciables. »
Le Barreau 2012 se bat contre le tarif unique de l’aide juridique qui est remis à l’avocat peu importe si le client a plaidé coupable ou non, qu’il aura travaillé sur la cause une demi-journée ou l’équivalent de 40 heures, par exemple.
« Si les tarifs deviennent adéquats, ça changerait le rapport de force du justiciable admissible à l'aide juridique vs. l'État. Ça changerait la façon de se comporter des policiers, j'en suis persuadé. Il y aurait beaucoup moins d'injustices si les policiers savent que si on abuse de quelqu'un, son avocat va être minimalement rémunéré pour le représenter. Ça donne moins envie d'abuser de son pouvoir. Pour moi, ce recours est fondamental dans notre société », indique Me Doyon.
Il n’est plus seul
Cette frustration, Me Doyon n’est pas le seul avocat de la Défense à l’avoir vécue, indique le président de l’AQAAD, Me Michel Lebrun.
« La frustration, on l'a constaté dans tous les domaines de pratique chez tous les avocats qui ont affaire à l'aide juridique, particulièrement chez les jeunes avocats qui ont manifesté leur insatisfaction sur la situation actuelle au mois de novembre. »
La résolution de l’AQAAD, adoptée à l’unanimité, encourage les membres à participer à tout moyen de pression « que ce soit le port d’un signe distinctif, la tenue de journées de débrayage ou un désengagement à l’aide juridique » et à offrir toute aide nécessaire à Me Doyon dans ses démarches juridiques.
« Ce qu'on demande, c'est un minimum de respect. Au point de vue du budget de l'État, je ne pense même pas que c'est quelque chose de si important que ça », estime Me Lebrun.
Il en vient même à penser que les avocats de la Défense sont vus comme un problème par le gouvernement. « La machine gouvernementale nous dit qu'on fait partie du problème, et non de la solution. C'est quand même assez sérieux! Après toutes les déclarations faites sur l'efficacité judiciaire dans la foulée de l'arrêt Jordan, la perception de l'État est que les avocats sont un problème. C'est très méprisant envers le travail qu'on fait. »
Devant la médiatisation du dossier, Me Doyon et l’AQAAD ont aussi reçu le coup de fil de Me Doug Mitchell, associé du cabinet IMK, qui viendra en aide pro bono pour les recours juridiques en cours ou à venir.
« On envisage des actions judiciaires, comme celle de Me Doyon, à laquelle on adhère sans réserve. Nous, comme association, on constate qu'il y a un volet déclaratoire à son action, qui est plus du volet du droit civil. Nos membres sont moins familiers avec ces procédures, d’où l’importance qu’aurait l’appui de Me Mitchell. Au moment où je vous parle, aucune porte n'est fermée », conclut Me Lebrun.