Lac-Mégantic : les avocats sinistrés, un an après

Agnès Rossignol
2014-07-07 15:00:00
Elle a trouvé une solution temporaire grâce au propriétaire de son ancien bureau détruit à qui elle loue d'autres locaux. Il lui a aussi donné du matériel et du mobilier. Mais l’avocate cherche toujours une nouvelle place d’affaires.

Une longue reconstitution des dossiers

Membre du cabinet Monty Coulombe, duquel fait également partie Me Marie-Éve Maillé, il avait pu rebondir rapidement en occupant temporairement des bureaux appartenant à son épouse notaire, avant de déménager dans de nouveaux locaux en février dernier. « L'activité est revenue presque à la normale lorsque nous nous sommes installés dans des locaux plus spacieux », indique-t-il.
Le Barreau du Québec et le Ministère de la justice ont ainsi travaillé de concert|http://droit-inc.com/article10522-Lac-Megantic-Le-Barreau-en-action pour que les avocats sinistrés obtiennent de l’aide des greffes des tribunaux dans la reproduction de leurs dossiers physiques et des juges coordonnateurs de l’Estrie afin qu'aucun jugement ne soit rendu par défaut dans les affaires où ils sont impliqués.
Collaboration en demi-teinte

Cependant, si tout le monde s'accorde sur la bonne collaboration des juges, ce n'est pas le cas de celle de tous les confrères des avocats sinistrés. « Certains n'ont pas bougé. L'un m'a dit que ce n'était pas à lui de me transmettre les documents : "mon client ne paye plus donc je ne travaille plus dans le dossier "! », raconte Me Larochelle.
« Il y a des exceptions. Un de mes confrères ne répondait pas à une mise en demeure. Avec l'aide du Barreau du Québec, cela a très vite été réglé », révèle de son côté Me Giguère.
Presque tous les avocats ont pu reconstituer la plupart de leurs dossiers bien que certains demeurent incomplets : il manque certaines pièces, comme les notes personnelles, des correspondances, ou des originaux impossibles à retrouver.
« J'ai réglé à l'amiable tous mes dossiers qui avaient été détruits. D’autres confrères ont eu plus de difficultés », précise Me Larochelle qui tient à souligner l'énorme travail des deux greffières du palais de justice de Lac-Mégantic dans la transmission des documents.
Ce travail de reconstitution qui a pris plusieurs mois, c’est autant d’heures non facturables que les avocats entendent bien se faire indemniser par leurs assureurs. Et la partie n’est pas gagnée : s’ils ont été payés pour leur bureau et matériel disparus, Me Larochelle et Me Giguère n’ont encore rien reçu à ce titre.
Des nouvelles bonnes habitudes
Depuis cette catastrophe, les trois avocats ont apporté des changements à leur façon de pratiquer. « J'effectue systématiquement des copies des documents sur un nuage virtuel, et je fais des back-up que j'apporte tous les soirs à la maison », souligne Me Larochelle qui traite de dossiers en matière de protection de la jeunesse pour des enfants où l'un des parents est décédé dans la tragédie.
« J'étais un ordinosaure et maintenant je me suis mis à l'ordinateur, obligé de me moderniser », indique Me Giguère.
« Je numérise tous mes dossiers et j’ai installé un système de back-up à distance grâce au logiciel juriconcept que je pensais déjà utiliser avant le 6 juillet », explique Me Blais qui intervient sur des recours individuels en responsabilité contre la compagnie américaine aux États-Unis alors que son confrère, Me Daniel Larochelle qui n’a pas souhaité s’exprimer, est en charge du recours collectif|http://www.droit-inc.ca/article10555-Lac-Megantic-une-requete-pour-un-recours-collectif-de-10-M-est-deposee au Québec .
Des obligations professionnelles aménagées
Les avocats ont bénéficié de formations gratuites offertes à Lac-Mégantic. Ils ont également apprécié de pouvoir participer gratuitement au congrès annuel du Barreau du Québec leur permettant de valider 15 heures de formation professionnelle. Ils disposeront aussi de 30 heures de formations gratuites pour les deux prochaines années.
Via la Corporation de services du Barreau du Québec, les avocats de Lac-Mégantic qui l’ont demandé, comme Me Larochelle, ont obtenu un prêt d’honneur sans intérêt pour les aider à payer leurs cotisations et assurance responsabilité professionnelles.
Dès le 9 juillet, un soutien psychologique aux membres et à leur famille avait été mis en place par le Barreau du Québec, via le programme d’aide PAMBA auquel plusieurs avocats ont fait appel. « Les barreaux du Québec et de Saint-François nous ont aidé moralement mais on s'est globalement débrouillés seuls », confie Me Giguère.
Un palais de justice non fonctionnel
Le Palais de justice qui se trouvait dans la zone rouge sinistrée était inaccessible au public. Le centre sportif a donc été aménagé afin d’y installer des salles d’audience temporaires.
« Pendant un mois, tous les dossiers judiciaires étaient transférés à Sherbrooke. J'ai des clients qui ont dû se déplacer là-bas et payer l'hôtel pour 6 jours d'audience », déplore Me Giguère. Selon lui, le palais sera peut-être opérationnel en 2015.
Geste symbolique, l'ouverture des tribunaux|http://www.droit-inc.ca/article10895-Le-Barreau-fait-sa-rentree-judiciaire-a-Lac-Megantic en septembre dernier s'est faite à Lac-Mégantic en guise de support aux avocats qui restent malgré tout positifs. « Les inconvénients sont derrière nous un petit peu », exprime Me Larochelle, tandis que son confrère Me Giguère lance : « on va s'en remettre ! »