Le financement de litiges en Cour suprême
Jean-Francois Parent
2019-08-19 15:00:00
L’histoire commence en 2015, quand le concepteur de jeux vidéo Bluberi Gaming, de Drummondville, dépose son bilan.
Il attaque cependant son principal créancier, la Torontoise Callidus Capital, alléguant que la banque d’affaires est responsable de ses déboires. On réclame donc 200 millions de dollars à Callidus.
Bluberi, qui s'est placée en 2015 sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, bataille fermement avec Callidus. Les requêtes et ordonnances abondent: on en dénombre une trentaine sur le site du contrôleur EY Canada.
Ce sont les avocats de Dentons Montréal Roger Simard, Ari Sorek et Myriam Simard qui représentent Bluberi et qui seront ainsi financés en partie par le fonds Bentham.
En échange d’un financement dont le montant n’est pas dévoilé, Bentham pourrait récolter 20 millions de dollars en rendement de son investissement si Bluberi a gain de cause. La somme servira notamment à payer les honoraires de Dentons.
Quant à la réclamation de 200 millions de dollars, elle servira aussi à rembourser les autres créanciers de Bluberi.
Mais voilà, Callidus, représenté par Mes Geneviève Cloutier et Clifton Prophet de Gowling WLG, s’oppose à l’accord de financement.
La Cour supérieure du Québec sous la plume de Jean-François Michaud, tranchait en faveur de Bentham et de Bluberi en mars 2018.
D’abord, le litige et son financement peuvent être analysés en dehors du contexte de la LACC ; Cal. De plus, comme Bluberi réclame 200 millions de dollars en dommages à Callidus, le rendement espéré de 20 millions en cas de victoire totale—des millions qui serviront à Dentons et Bentham—est jugé raisonnable par le juge Michaud.
C’est Davies qui représente le concepteur de jeux vidéo, avec Mes Jean-Philippe Groleau, Christian Lachance, Gabriel Lavery Lepage et Hannah Toledano.
Pour l’essentiel, puisque le litige se tient dans le contexte de la LACC, et que les sommes réclamées serviront à liquider la faillite, l’accord de financement du litige fait partie des arrangements avec les créanciers, permettant à Callidus de voter sur le financement du litige.
On interjette appel. Et on gagne...
La Cour d’appel renverse le juge de première instance, estimant que l’accord de financement intervenu entre Bentham et Bluberri, fait bel et bien partie des arrangements avec les créanciers et doit donc être soumis au vote des créanciers, ouvrant la porte à Callidus pour qu’il vote contre la proposition et s’évite ainsi un litige.
« Dans les faits, la Cour d’appel estimait que Callidus peut entraver la capacité de Bluberi à mener un litige à terme contre lui-même », explique Paul Rand, chef des investissements de Bentham Canada.
C’est notamment sur ce principe que Bentham fait appel de la décision de la Cour d’appel.
Une demande d’appel, piloté par Neil Peden de Woods à Montréal, qui a été accepté le 15 août dernier par la Cour suprême.
Se réjouissant de la permission d’appel, Paul Rand ajoute que « la Cour suprême aura ainsi l’occasion de se pencher pour la première fois sur la question du financement de litige par des tiers. Une autre question abordée est de savoir si une cour peut approuver un accord de financement de litige pour une société insolvable, une question essentielle à nos yeux en matière d'accès à la justice ».
Droit-Inc révélait l’an dernier les premiers pas de Bentham au Québec, alors que le fonds d’investissement finançait les procureurs de Dentons dans ce litige opposant Bluberi à Callidus.
Chez Bentham, un comité aviseur, formé de juristes et d'analystes financiers, évalue les dossiers au mérite. On finance la poursuite, les appels, l'analyse juridique, bref tout ce qui donne une chance à la poursuite d'étayer son argument.
Bentham IMF finance une proportion des frais et propose, au besoin, ses services juridiques. Dans certains cas, la mise peut dépasser le million de dollars.
En échange, Bentham prendra jusqu'à un tiers des sommes octroyées par jugement. Et ce, seulement si la cause est gagnée. Bentham prend sa perte si le jugement est défavorable.