Le premier avocat cri veut briser les préjugés
Delphine Jung
2018-03-12 15:00:00
Outre le droit autochtone, il pratique dans les domaines du droit des affaires et du droit administratif dans son bureau de Wemindji et de Montréal, près de Square Victoria au sein du cabinet Murdoch Archambault.
Aujourd’hui, il a décidé d’en ouvrir un troisième à Val-d'Or pour, entre autres, réconcilier les Blancs et les Autochtones.
« Il y avait un local disponible et avec mon associé, Me Yves Archambault, on s’est dit que c’était un bon endroit, situé à mi-chemin pour nos clients qui sont soit à Montréal, soit dans le Grand Nord », dit-il.
Possible de dépasser les préjugés
À 46 ans, Me Murdoch croit fort qu’il soit possible de dépasser les préjugés, car ce sont eux, la principale cause de tous les maux. « Et les préjugés des deux bords ! », s’exclame l’avocat.
« J’ai de la misère à croire qu’il y ait des gens vraiment racistes. Souvent, c’est de l’ignorance, ou parce que la personne a eu une fois une mauvaise expérience avec un Blanc ou un Autochtone et qu’il généralise », dit-il.
Pour lui, il y a d’un côté les Blancs qui pensent que les Autochtones veulent juste de l’argent et de l’autre, les Autochtones qui imaginent que les Blancs ne vont pas les écouter. « Le poids de ces préjugés est incroyable », poursuit l’avocat.
Son combat pour amener les deux peuples à se parler ne date pas d’hier. Secrétaire du gouvernement de la nation crie depuis 2003 et représentant de la nation crie auprès du gouvernement du Québec depuis septembre 2017, Me Murdoch a négocié la Paix des braves en 2002. Il y gérait le volet hydroélectrique des pourparlers.
Après son bac en droit obtenu à l’Université McGill, il a travaillé pour le cabinet Mainville et associés à Montréal. C’est ce cabinet spécialisé en droit autochtone, en collaboration avec Gowling WLG, qui a participé aux négociations.
« Ne donnez pas rendez-vous aux Autochtones dans un hôtel »
Mais la pratique en gros cabinet ne lui correspond pas et il décide de se lancer à son compte. Négocier des contrats entre des Blancs et des Autochtones dans un cabinet de l’envergure de Gowling n’est pas une mince affaire. « Quand on veut négocier avec les Autochtones, il faut aller les voir, passer du temps sur leur territoire. Pas leur donner rendez-vous dans un hôtel du centre-ville à Montréal ! », dit-il.
Autre préjugé, déplore l’avocat: les Autochtones n’honorent pas les contrats.
Me Murdoch se souvient des réponses qu’attendent avec impatience les Blancs, face au temps de réflexion que les Autochtones prennent. Des incompréhensions telles, que l’avocat a été témoin de plusieurs quiproquos.
Alors pour relancer le dialogue, ce bureau à Val-d’Or semble une solution. Les deux associés comptent inscrire le cabinet comme membre de la Chambre de Commerce de la ville minière. Val-d’Or entretient des liens économiques très forts avec les communautés du nord de la province.
En avion chez ses clients
La population autochtone a des problèmes d’accès à la justice, estime Me Murdoch. « Quand on voit le peu de ressources dont disposent les procureurs de la Couronne, je ne suis pas étonné du résultat des plaintes déposées par toutes ces femmes de Val-d'Or contre certains policiers », raconte-t-il.
Il pense aussi au « peu de temps » dont ils disposent pour monter un dossier complet et détaillé. Me Murdoch ne lance donc pas la pierre aux avocats de la Couronne et évoque aussi les barrières culturelles et toute la dimension géographique qui est un véritable handicap.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il a décidé de passer son permis de pilote et de s’acheter un petit avion. « Ça m’a coûté cher, mais maintenant, je peux me déplacer beaucoup plus rapidement d’une communauté à une autre et rejoindre Montréal en quelques heures. Cela me permet d’entretenir une connexion avec tout le monde », détaille-t-il.
Dans son quotidien, il représente beaucoup d’entreprises cries, le gouvernement cri, mais aussi des non-autochtones qui veulent travailler avec ceux qu’il appelle affectueusement « mon peuple ». Il est aussi responsable de la mise sur pied de la Société Niskamoon. Celle-ci organise des actions concrètes de développement dans le Nord du Québec et joue un rôle important dans les programmes de suivis environnementaux des projets hydroélectriques.
Car Me Murdoch ne renie pas ses racines. Au contraire. « Pour avoir plus de chances, mes parents m’ont envoyé hors de la réserve lorsque j’avais 13 ans. Je suis allé au Manitoba, j’y avais une tante. En revenant à Wemindji, je ne parlais presque plus français, presque plus cri, raconte-t-il. Mais peu importe où je suis dans le monde, je resterai toujours attaché à ma communauté et au territoire. »
Anonyme
il y a 6 ans"« Et les préjugés des deux bords ! », s’exclame l’avocat."
Voilà quelqu'un qui comprend très bien le sens du mot "rapprochement".
Certains autres groupes devraient prendre des notes, mais passons ...
Meilleure des chances pour votre nouveau bureau !