Les sources journalistiques resteront confidentielles: qui sont les avocats?
Radio -Canada
2019-09-27 10:49:00
La Cour suprême du Canada autorise Marie-Maude Denis à ne pas divulguer ses sources, contrairement à ce que lui ordonnait la Cour supérieure du Québec ce printemps.
Marie-Maude Denis était défendue par Christian Leblanc et Patricia Hénault de Fasken. Marc-Yvan Côté était représenté par Jacques Larochelle et Olivier Desjardins de Jacques Larochelle Avocat.
Nathalie Normandeau a choisi Maxime Roy et Ariane Gagnon-Rocque de Roy & Charbonneau Avocats.
La Couronne fédérale était représentée par Robert Rouleau, Julie Desbiens et Richard Rougeau, tandis que la Procureure générale du Québec a fait appel à Michel Déom et Vincent Riendeau. Mark Bantey de Gowling représentait les intérêts de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, de l’Association canadienne des journalistes, de la Canadian Journalists for Freedom of Expression et de Reporters sans frontières.
Sébastien Pierre-Roy, de Chenette, boutique de litige, campait du côté de La Presse. L’Association Canadienne de Libertés Civiles a fait appel aux talents de Christopher D. Bredt, Pierre N. Gemson et Jamie Cameron.
Finalement, AD IDEM/Canadian Media Lawyers Association, CTV, Global News, le Globe and Mail, et Vice ont choisi David A. Crerar et Iain A.C. MacKinnon de Linden & Associates.
Dans une décision presque unanime, la Cour Suprême mentionne bien « que ce n’est qu’en dernier recours que les tribunaux doivent contraindre un journaliste à rompre une promesse de confidentialité faite à une source ».
Mais du même souffle, le plus haut tribunal du pays renvoie l’affaire devant la Cour du Québec, « à la lumière de nouveaux éléments de preuves apportés par la Couronne », qui change la donne et nécessite un réexamen de la cause.
La cause
La cause au cœur du litige est le procès pour fraude, complot et abus de confiance de Marc-Yvan Côté, soupçonné d’être au cœur d’un système de financement politique occulte, en échange de contrat à des firmes d’ingénierie.
Il soutient que des reportages présentés à l’émission Enquête à son sujet comportaient des éléments de preuves de l’enquête policière qui avaient été coulés par une source confidentielle.
M. Côté alléguait que ce coulage d’information l’a privé de recevoir un procès juste et équitable. Il affirmait aussi que cette fuite d’information était un geste délibéré de l’État, parce que l’information semble provenir directement de l’Unité permanente anti-corruption (UPAC).
Il réclamait donc que la journaliste dévoile le nom de sa source d’information, afin de l’aider à prouver sa thèse et ultimement faire annuler son procès.
Les avocats de la Couronne estimaient de leur côté que les « fuites provenaient de personnes situées au bas de l’échelle hiérarchique dont les actes ne peuvent être imputés à l’État.
Donc, que le témoignage de Marie-Maude Denis, selon le ministère public, était sans importance pour démontrer que le coulage était un geste délibéré qui provenait de l’État ».
Or, la Couronne soutient désormais avoir obtenu « des renseignements nouveaux » qui ne lui permettent plus de soutenir la thèse du loup solitaire.
Puisque la Cour du Québec n’avait pas ces éléments en main au moment de faire ce jugement, c’est pour cette raison que la Cour Suprême renvoie lui renvoie le dossier.
Ces nouveaux éléments de preuve sont toujours sous scellés et devraient être présentés lors de la reprise de la cause en Cour du Québec.
Le fait de renvoyer la cause au tribunal inférieur « représente une réparation exceptionnelle, accordée dans un contexte qui l’est tout autant », précise la Cour suprême dans son jugement.
« Le renvoi de l’affaire devant le juge de première instance en attendant la fin de l’enquête sur les fuites médiatiques est nécessaire pour s’assurer que les droits des parties sont sauvegardés », écrit la Cour suprême.
Il est possible maintenant que M. Côté demande d’interroger d’autres témoins, autres que Mme Denis, afin de faire annuler son procès pour abus de procédures.
La cour suprême enjoint le ministère public à agir rapidement pour présenter ses nouveaux éléments de preuve, afin d’éviter des délais de procédures indus.
Il s’agissait d’un premier test pour la nouvelle loi sur la protection des sources journalistiques, adoptée en 2017, après avoir appris que les policiers parfois mettaient des journalistes sous écoute dans le cadre d’enquête criminelle.
La Cour suprême reconnaît dans son jugement d’aujourd’hui que la nouvelle loi « confère une protection accrue à l’anonymat des sources journalistiques » et impose le fardeau de la preuve à la partie qui souhaite la divulgation de l’identité de la source.
Malgré tout, la décision de la Cour Suprême renforce le principe de la protection des sources tel qu’adopté par le gouvernement fédéral en 2017. La barre est maintenant beaucoup plus haute. @fpjq
— Stéphane Giroux (@SGirouxCTV) September 27, 2019