Pour en finir avec les peines minimales !
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Jean-Francois Parent
2017-05-02 13:15:00
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Bonne ou mauvaise idée? Cela permettrait de redonner aux tribunaux un certain contrôle des délais, estime le criminaliste Sébastien Gagnon, associé du cabinet Charlebois Swanston Gagnon, à Gatineau.
Les peines minimales imposées sous l'ancien gouvernement Harper ont pour effet de priver les juges et les avocats de déterminer des peines « individualisées ».
« En plus d'enlever le pouvoir discrétionnaire du procureur et du juge de déterminer une peine appropriée pour un accusé », on bat en brèche le principe de proportionnalité de la peine, soutient Me Gagnon.
Il invoque l'article 718.1 du Code criminel, qui dispose en effet que « la peine est proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant ».
L'ex-juge André Rochon, aujourd'hui avocat conseil chez Prévost Fortin D'Aoust, signale quant à lui que les peines minimales ont contribué à l'engorgement du système judiciaire. « Il y a longtemps qu'il y a un consensus que les peines minimales contribuent aux délais », dit-il, se réjouissant qu'on en arrive à cette conclusion du côté ministériel.
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Les peines minimales ont également pour effet d'empêcher la négociation entre les parties, qui se retrouvent alors devant un juge pour plaider chaque point de détail.
Faire le tri parmi les accusations
Pour le criminaliste montréalais Michel Dorval, ces manœuvres omettent de s'attaquer à ce qu'il considère être un problème de fond dans l'administration de la justice, soit l'indépendance du judiciaire. « Tant les juges que les procureurs de la couronne perdent leur pouvoir de négociation. En poursuite, on semble perdre la possibilité de faire le tri parmi les accusations », dont certaines sont parfois farfelues, ou à tout le moins ne méritent pas qu'on y consacre autant d'énergie.
Il fait ainsi écho à une récrimination souvent entendue chez les avocats de la défense : les procureurs de la couronne ne peuvent que rarement négocier les peines avec la défense, optant plutôt pour judiciariser une kyrielle d'infractions qui mériteraient une bonne tape sur le doigts plutôt qu'une incarcération.
« Cela envoie le message qu'on ne fait pas confiance aux juges pour qu'ils sanctionnent une infraction correctement», ajoute Me André Rochon.
Les accusations par voie sommaire
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Augmenter ce seuil aux infractions passibles de peine pouvant aller jusqu'à cinq ans moins un jour est un chemin dangereux, selon lui.
Procéder par voie sommaire pour des crimes relativement grave « risque de priver les accusés d'une défense pleine et entière », déplore-t-il. Plusieurs procédures, comme les enquêtes préliminaires ou les interrogatoires préalables, qui mobilisent peu de ressources judiciaires, seraient mises de côté.
« Pourtant, les enquêtes préliminaires, qui permettent de cibler les forces et les faiblesses de l'accusation, permettent de sauver du temps; deux heures d'enquête peuvent épargner deux jours de procès », selon Sébastien Gagnon.
Une analyse que ne partage pas Me André Rochon. Les prévenus auront toujours droit à une défense pleine et entière, dit-il. « J'ai pleinement confiance en la capacité des avocats à bien défendre leurs clients », conclut-il.
Quant à Michel Dorval, il estime que c'est tout simplement une façon de transférer des dossiers d'un tribunal à un autre, sans vraiment régler le problème.