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Protégeons les dénonciateurs !

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Daphnée Hacker-B.

2014-09-03 11:15:00

Fonctionnaires, syndicats et avocats tapent du pied, impatients de voir le gouvernement et les entreprises s’activer pour protéger les donneurs d’alerte en cas d’actes répréhensibles...
Me Richard Perron, avocat et président du SPGQ
Me Richard Perron, avocat et président du SPGQ
« Il est essentiel qu’une loi vienne protéger les divulgateurs d’actes répréhensibles. Il faut que le gouvernement agisse rapidement si on veut en finir avec la corruption », lance Richard Perron, avocat et président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, qui représente 25 000 employés de la fonction publique.

Me Perron se désole de voir que le Québec accuse d’un sérieux retard en ce qui a trait à l’encadrement des cas de dénonciations. « Les employés qui se risquent à divulguer des cas de fraude ou de corruption font l’objet de menaces ou encore sont mis à pied… Et on ne dispose pas des outils légaux nécessaires pour les défendre », dit-il.

L’ancien gouvernement de Pauline Marois avait débuté la rédaction d’un projet de loi pour leur protection, mais Me Perron indique que le nouveau ministre responsable de l’Administration gouvernementale, Martin Coiteux, n’aurait pas été informé par les hauts fonctionnaires de l’existence du document. « On piétine, les gouvernements changent et rien ne bouge. »

L’organisation syndicale de Me Perron et des dizaines d’autres groupes (dont l’UPAC, l’Ordre des comptables et la Fédération des journalistes) ont déposé des mémoires à la commission Charbonneau, qui ont été rendus publics cette semaine. La majorité des documents ont un point commun : ils demandent des actions rapides pour protéger les dénonciateurs.

Me Donald Riendeau, avocat expert en éthique
Me Donald Riendeau, avocat expert en éthique
L’Institut de la confiance dans les organisations, fondé l’an dernier par l’avocat expert en éthique Donald Riendeau, a aussi déposé un mémoire dans lequel la mise en place de mécanismes de dénonciation est recommandée.

Selon Me Riendeau, qui a travaillé dans le passé au cabinet Leduc Lambert, toute organisation devrait avoir une ligne téléphonique de dénonciation et mettre à la disposition des employés un conseiller à l’intégrité indépendant, qui leur permettrait « de se confier sans crainte de représailles ».

Restaurer la confiance

Me François Viau, associé au bureau montréalais de Gowlings
Me François Viau, associé au bureau montréalais de Gowlings
Dans un climat où des cas de corruption sont régulièrement exposés au grand jour par la commission Charbonneau, « il est certain qu’une loi pour protéger les dénonciateurs aiderait à réinstaurer la confiance du public dans les administrations publiques », croit François Viau, associé au bureau montréalais de Gowlings.

Celui qui pratique dans le domaine de l’intégrité commerciale estime qu’une éventuelle loi devrait déterminer à quel point la personne recevant les alertes sera en mesure d’enquêter et de faire efficacement son travail.

Pour Julie-Martine Loranger, associée chez McCarthy Tétrault, une chose est sûre : une législation encadrant le processus de divulgation doit prévoir des mécanismes qui assurent l’anonymat et garantissent la protection du délateur. En revanche, il faut aussi bien encadrer les sonneurs d’alarme, et prévoir des sanctions si les propos rapportés par ces derniers s’avèrent inexacts ou faux.

Me Julie-Martine Loranger, associée chez McCarthy Tétrault
Me Julie-Martine Loranger, associée chez McCarthy Tétrault
Me Loranger donne régulièrement des formations pour aider les sociétés à se doter de politiques internes de détection d’actes illégaux et elle constate que trop souvent, les employés ignorent l’existence de tels mécanismes à même leur entreprise.

En attendant la création d’une nouvelle loi, les entreprises peuvent être proactives en se dotant de politiques contre la corruption et en assurant des séances d’information aux employés, renchérit Me Viau.

Selon le juriste, les compagnies qui adoptent des politiques internes de « whistleblowing » sont en meilleure position pour se défendre si elles sont accusées de corruption. « Une telle politique peut être considérée comme un facteur atténuant à l’infraction reprochée », explique-t-il.

Récompenser les «whistleblowers»?

Me Viau se questionne à savoir s’il est nécessaire de récompenser les sonneurs d’alarme, ou si le seul fait d’assurer leur protection et confidentialité suffit. « Je crains les effets néfastes liés à un système de récompenses… ça peut entraîner un esprit de lucre, de chasse à la sorcière », avance-t-il.

À son avis, il faut éviter de copier-coller le modèle législatif américain encourageant la divulgation qui a été mis en place en 2010. La commission américaine des opérations boursières avait alors décrété que si les informations du lanceur d’alerte permettent de récolter plus d’un million de dollars, le divulgateur pourrait toucher jusqu’à 30% du montant collecté.

« C’est une question complexe, je crois que plusieurs pays, dont le nôtre, suivent l’évolution de la loi américaine (créée en 2010) avant de trancher », dit pour sa part Me Loranger. Cette dernière croit qu’il faut avant tout se concentrer sur la protection des sonneurs d’alarme et surtout informer les employés des mécanismes de divulgation, afin de les encourager à exercer leur devoir de citoyen.
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