Protégeons les dénonciateurs !

Daphnée Hacker-B.
2014-09-03 11:15:00

Me Perron se désole de voir que le Québec accuse d’un sérieux retard en ce qui a trait à l’encadrement des cas de dénonciations. « Les employés qui se risquent à divulguer des cas de fraude ou de corruption font l’objet de menaces ou encore sont mis à pied… Et on ne dispose pas des outils légaux nécessaires pour les défendre », dit-il.
L’ancien gouvernement de Pauline Marois avait débuté la rédaction d’un projet de loi pour leur protection, mais Me Perron indique que le nouveau ministre responsable de l’Administration gouvernementale, Martin Coiteux, n’aurait pas été informé par les hauts fonctionnaires de l’existence du document. « On piétine, les gouvernements changent et rien ne bouge. »
L’organisation syndicale de Me Perron et des dizaines d’autres groupes (dont l’UPAC, l’Ordre des comptables et la Fédération des journalistes) ont déposé des mémoires à la commission Charbonneau, qui ont été rendus publics cette semaine. La majorité des documents ont un point commun : ils demandent des actions rapides pour protéger les dénonciateurs.

Selon Me Riendeau, qui a travaillé dans le passé au cabinet Leduc Lambert, toute organisation devrait avoir une ligne téléphonique de dénonciation et mettre à la disposition des employés un conseiller à l’intégrité indépendant, qui leur permettrait « de se confier sans crainte de représailles ».
Restaurer la confiance

Celui qui pratique dans le domaine de l’intégrité commerciale estime qu’une éventuelle loi devrait déterminer à quel point la personne recevant les alertes sera en mesure d’enquêter et de faire efficacement son travail.
Pour Julie-Martine Loranger, associée chez McCarthy Tétrault, une chose est sûre : une législation encadrant le processus de divulgation doit prévoir des mécanismes qui assurent l’anonymat et garantissent la protection du délateur. En revanche, il faut aussi bien encadrer les sonneurs d’alarme, et prévoir des sanctions si les propos rapportés par ces derniers s’avèrent inexacts ou faux.

En attendant la création d’une nouvelle loi, les entreprises peuvent être proactives en se dotant de politiques contre la corruption et en assurant des séances d’information aux employés, renchérit Me Viau.
Selon le juriste, les compagnies qui adoptent des politiques internes de « whistleblowing » sont en meilleure position pour se défendre si elles sont accusées de corruption. « Une telle politique peut être considérée comme un facteur atténuant à l’infraction reprochée », explique-t-il.
Récompenser les «whistleblowers»?
Me Viau se questionne à savoir s’il est nécessaire de récompenser les sonneurs d’alarme, ou si le seul fait d’assurer leur protection et confidentialité suffit. « Je crains les effets néfastes liés à un système de récompenses… ça peut entraîner un esprit de lucre, de chasse à la sorcière », avance-t-il.
À son avis, il faut éviter de copier-coller le modèle législatif américain encourageant la divulgation qui a été mis en place en 2010. La commission américaine des opérations boursières avait alors décrété que si les informations du lanceur d’alerte permettent de récolter plus d’un million de dollars, le divulgateur pourrait toucher jusqu’à 30% du montant collecté.
« C’est une question complexe, je crois que plusieurs pays, dont le nôtre, suivent l’évolution de la loi américaine (créée en 2010) avant de trancher », dit pour sa part Me Loranger. Cette dernière croit qu’il faut avant tout se concentrer sur la protection des sonneurs d’alarme et surtout informer les employés des mécanismes de divulgation, afin de les encourager à exercer leur devoir de citoyen.