Un ancien associé gagne GROS contre son ex-cabinet
Didier Bert
2024-01-11 15:00:44
La Cour supérieure ordonne à un cabinet d’avocats de verser plus de 450 000 $ à un ancien associé. Ouch, ça fait mal!
Après quatre années de procédures, un jugement de la Cour supérieure du Québec condamne DS Avocats à verser plus de 450 000$ à un ancien associé du cabinet.
Le juge Marc Paradis de la Cour supérieure du Québec a donné raison à Me François-Xavier Simard, qui avait lancé une procédure contre son ancien cabinet pour obtenir le paiement de son compte en capital établi au 31 décembre 2015, ainsi que le paiement de montants de rémunération pour les années 2015, 2016 et 2017.
DS Avocats a indiqué avoir l’intention de porter la décision en appel.
Le cabinet soutenait qu'une transaction est intervenue entre les parties à l'automne 2017 au terme de laquelle elle ne doit aucune somme à Me Simard. DS Avocats réclamait un montant de 400 000 $ dans le cas où le tribunal conclurait à l’absence de transaction.
Pour sa part, Me Simard contestait l’existence de toute transaction, et réclamait 135 000 $ à titre de remboursement d'honoraires extrajudiciaires de ses avocats.
DS Avocats était représenté par Me Donald Béchard, avocat du cabinet, puis par Me Hans Bois, avocat chez Tremblay Bois.
Me François-Xavier Simard était représenté par Me François Bélanger et Me Marianne Duboy du cabinet Lavery de Billy.
Me Simard est membre du Barreau du Québec depuis 1972. Il a également été membre du Barreau de Paris. Cet ancien fondateur du cabinet Jolicoeur Lacasse a rejoint le cabinet Welch Bussières Avocats en 2012. Ce cabinet est ensuite devenu DS Avocats. Me Simard était un des sept associés du cabinet.
En septembre 2015, Me Simard informe ses associés qu’il a décidé de se retirer de la société au 31 décembre de la même année. Les parties conviennent que l’avocat demeurera au service de DS Avocats pour consolider la relation avec les clients et soutenir la gestion des dossiers. Ce travail devait être rémunéré en 2016 par un montant fixe de 300 000 $, selon Me Simard. Cette version est contestée par le cabinet, pour qui la rémunération de M Simard devait dépendre des encaissements des honoraires facturés pour les dossiers de l’avocat.
Pas de capital social
Or, quand il se retire de la société le 31 décembre 2015, Me Simard ne reçoit pas sa part de capital social.
Et à l’automne 2016, DS Avocats annonce à Me Simard qu’elle ne lui versera plus de rémunération en 2016. Le cabinet a alors versé 202 230 $ à l’avocat sur les 300 000 $ que celui-ci comptait recevoir au cours de l’année. La firme explique sa décision en pointant que la performance de Me Simard « ne justifie plus la rémunération qui lui a été versée jusqu’à ce moment », mentionne le jugement.
Me Simard poursuit son travail d’avocat pour le cabinet, à titre d’avocat-conseil. Mais en janvier 2017, il exige que le cabinet régularise la situation.
En réponse, DS Avocats répond par écrit à Me Simard, le 3 mars et à plusieurs reprises à l’automne 2017. Dans les correspondances, le cabinet dit avoir décompté 300 548,61 $ de mauvaises créances, tout en assurant qu’il remboursera un prêt de 170 000 $ consenti par l’avocat à la firme. Le calcul effectué par le cabinet résulte en une réduction à zéro du capital social dû à Me Simard.
Le cabinet annonce également la fin de la relation d’affaires avec Me Simard à compter du 10 janvier 2018.
Lorsque l’emploi de Me Simard prend fin, le cabinet rembourse bien le prêt, mais il ne verse aucun autre montant à Me Simard.
En 2019, Me François-Xavier Simard lance une procédure pour obtenir le paiement des montants qu’il estime lui être dus à titre de rémunérations impayées pour les années 2015, 2016 et 2017, en plus de sa part de capital social. Le cabinet lui rétorque qu’une entente est intervenue en vertu des termes de sa correspondance du 11 octobre 2017.
De plus, DS Avocats réclame un montant de 382 797 $ que le cabinet estime lui avoir payé en trop, essentiellement à titre de mauvaises créances.
Pas d’entente, dit le tribunal
Dans sa décision, le juge Marc Paradis a retenu la version de Me Simard à l’effet qu’aucune entente n’est intervenue entre le cabinet et son ancien associé. DS n’a pas réussi à faire la preuve qu’une telle transaction serait intervenue, considère-t-il.
Le tribunal reconnaît à Me Simard le droit de recevoir le paiement de sa part du capital social. Or, une partie des mauvaises créances que souhaitait déduire DS Avocats était rattachée aux années 2016 et 2017 alors que Me Simard n’était plus associé du cabinet. « Pas de participation aux bénéfices, pas d'obligation de participation aux pertes », résume le jugement. Le tribunal attribue donc à l’ancien associé un montant de 266 662,92 $ représentant le solde impayé du capital social détenu par ce dernier dans la société à la date de son retrait au 31 décembre 2015.
Quant à la rémunération de Me Simard à titre d’avocat-conseil pour l’année 2016, « le tribunal estime qu'en réalité, DS a choisi d'imposer à Me Simard, à posteriori, des conditions concernant sa rémunération qui découlent d'un statut d'associé, ce que Me Simard n'était plus à compter du 1er janvier 2016. »
Et le juge Marc Paradis continue:
« Mais il y a plus. Même si le tribunal avait retenu la version de DS, il aurait néanmoins fait droit à la réclamation de Me Simard pour sa rémunération de 2016, la preuve établissant que les encaissements dans les dossiers de Me Simard justifiaient le paiement de sa rémunération globale de 300 000 $. »
Le juge mentionne que le cabinet a encaissé 1,2 million de dollars entre 2016 et 2019 pour des dossiers de Me Simard. Ces montants « suffisent amplement pour justifier l'entière rémunération de Me Simard pour l'année 2016 ». Le cabinet est donc condamné à payer les 97 770 $ réclamés par Me Simard pour 2016.
Le tribunal attribue également à l’avocat 58 795,92 $ à titre de rémunération impayée pour l'année 2017, et 36 050,08 pour l’année 2015.
Au total, DS Avocats est donc condamné à verser 459 278,92 $, sans compter les intérêts et les frais de justice. Le juge n’a cependant octroyé aucun montant pour honoraires extrajudiciaires.
DS Avocats n’a pas souhaité commenter le jugement, mais « nous avons l’intention de porter cette décision en appel », précise le cabinet.
Me François-Xavier Simard n’a pas souhaité non plus émettre de commentaires.