Un cabinet lance un nouveau groupe de pratique
Camille Dufétel
2023-01-31 15:00:00
Ces clients ont besoin d’accompagnement.
Le cabinet canadien a donc décidé d’intervenir en lançant, courant janvier 2023, son groupe national « Responsabilité sociale des entreprises et marché du carbone », dont les associés Me P. Jason Kroft, à Toronto, et Me Bruno Caron, à Montréal, ont été nommés coprésidents.
Un groupe qui fera appel à l’expertise d’avocats répartis dans ses 10 bureaux au Canada.
Me Bruno Caron est loin d’être inconnu au bataillon puisque c’est précisément cet associé qui, en juin 2022, déposait une résolution de dernière minute à l’Assemblée générale du Barreau, l’exhortant à prendre des initiatives pour inciter ses membres à jouer un rôle dans la lutte contre les changements climatiques.
Une résolution adoptée à la majorité des voix. Me Bruno Caron confiait alors à Droit-Inc avoir bien l’intention « de faire un suivi pour qu’elle ne reste pas lettre morte ».
Pas de doute, ce Barreau 1995, père de famille inquiet pour l’avenir de ses filles à l’heure de la crise climatique, veut faire bouger les lignes. « Je ne voudrais pas que notre génération ait profité de tout comme s’il n’y avait pas de lendemain ».
Unifier les actions
Concernant le groupe qu’il copréside, il explique que des professionnels à l’interne agissaient déjà dans divers dossiers impliquant la responsabilité sociale des entreprises.
« On a décidé d’unifier nos actions à l’interne et d’en faire un groupe national pour offrir un guichet unique à nos clients, pointe-t-il. On sentait un besoin dans le marché, pour offrir une telle panoplie de services avec une équipe de professionnels dédiée. »
La particularité de ce groupe, par rapport à d’autres cabinets canadiens ou internationaux, est selon lui l’ajout d’une composante de financement des crédits carbone.
Miller Thomson y voit un marché important pour ses clients, à la fois pour des crédits compensatoires et pour des crédits de retrait du carbone.
Marché du carbone
À ce propos, Me Caron rappelle que pour atteindre des objectifs de carboneutralité d’ici 2050, « il faut d’abord diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais on sait qu’il va y avoir des émissions résiduelles en 2050 ».
« Pour celles-ci, il faut trouver un moyen de les sortir de l’atmosphère. Plein de compagnies développent des technologies pour éliminer les émissions de gaz à effet de serre de l’atmosphère ».
Il estime que dans les prochaines années, on verra ainsi un « ''scale up'' » des entreprises dans la technologie d’élimination.
« Elles vont augmenter leurs capacités et les prix vont devenir aussi compétitifs que pour le marché des crédits compensatoires, ce qui sera une excellente chose, car cette technologie aura un effet positif sur les niveaux d’émission de CO2 dans l’atmosphère ».
Aussi, l’associé précise que son cabinet représente des clients jouant dans ce marché, qui soit, veulent investir dans des compagnies développant ces technologies, soit, voient une opportunité d’affaires à acheter ces crédits et à les revendre.
« Ça devient comme une valeur mobilière, note Me Caron. C’est un domaine qui est beaucoup amené à se développer ». Il indique que les autorités règlementaires en valeurs mobilières n’ont pas encore adopté de réglementation sur ces marchés, mais que cela est observé de très près.
Conseils sur les obligations
Concernant les autres problématiques pour lesquelles des clients sont susceptibles d’avoir besoin de services par le biais de ce groupe, l’associé donne un exemple proche de sa pratique.
Il rappelle que les compagnies publiques canadiennes sont déjà appelées à faire une divulgation des risques financiers et matériels qui les affectent.
« Au cours des dernières années, s’est posée la question de savoir si le changement climatique apporterait des risques financiers pour certains émetteurs à cause de leur industrie, de leur plan d’affaires, de leur stratégie ».
Me Caron est appelé, comme avocat en valeurs mobilières, à donner des conseils à ses clients sur ces obligations de divulgation.
Partout dans le monde, « il y a un effort pour réglementer ce secteur », et plus récemment, avec la COP15 à Montréal, « il y a eu une réémergence de la question de la biodiversité », remarque aussi l’associé.
« Les gens voient que les changements climatiques et la perte de biodiversité sont des sujets interreliés qui vont poser des risques financiers à certaines entreprises, poursuit-il. Et cela, les investisseurs veulent le savoir. Je donne des conseils sur comment s’y préparer. »
Concernant les critères ESG, environnementaux, sociaux et de gouvernance, Me Caron rappelle la création récente à Montréal d’une antenne du International Sustainability Standard Board qui rayonnera au Canada et partout en Amérique reconnaissant ainsi le rôle de leader de Montréal en matière de finance durable.
« Cet organisme va fédérer tous les modèles de divulgation et créer un régime de divulgation en matière d’ESG ». Encore une fois, il suit la chose de très près et conseille ses clients sur l’évolution de cet aspect.
Du côté de la finance durable, l’associé ajoute que Miller Thomson a représenté le Québec dans toutes ses émissions d’obligations vertes. Des causes en écoblanchiment peuvent par ailleurs être à l’ordre du jour et mobiliser l’équipe en litige.
Le Barreau réagit
Droit-Inc a souhaité savoir s’il y avait du nouveau depuis l’adoption de la résolution de Me Caron exhortant le Barreau à agir. « Je suis très heureux, car je vois que les choses changent, ç'a donné des résultats » répond-t-il.
Il explique que le Barreau a fait une revue à l’interne, que le CA est derrière l’initiative et qu’un Comité spécial a été formé, « chargé d’étudier la chose », et dont il a été invité à devenir membre.
Une première réunion a eu lieu au mois de novembre dernier et une nouvelle était prévue fin janvier.
« À l’interne, le Barreau a fait plein de choses », souligne-t-il, évoquant entre autres des politiques d’investissement en train d’être revues « pour être alignées avec des objectifs de carboneutralité ».
Il ajoute que des objectifs vont être établis et rendus publics.
Mais aussi, que des discussions ont lieu afin de savoir si la formation au sein du Barreau devrait être revue pour conscientiser les nouveaux avocats aux faits des changements climatiques.
Anonyme
il y a un an"« À l’interne, le Barreau a fait plein de choses », souligne-t-il, évoquant entre autres des politiques d’investissement en train d’être revues « pour être alignées avec des objectifs de carboneutralité »."
C'est quoi ça, les "politiques d'investissement du Barreau" ?
S'agit-il de politiques de gestion de l'encaisse (i.e. en lien avec les opérations internes du Barreau), ou de politiques encadrant les services financiers que peut offrir la Corporation de services?
S'il s'agit de décider des véhicules de placement utilisés pour gérer l'encaisse, ces changements permettront à ceux qui les auront adoptés de faire du "virtue-signaling" à peu de frais, et ils auront des conséquences négligeables sur les membres, sauf si un erreur de type "papiers commerciaux" est répétée (les fameux "PCAA").
Par contre, s'il s'agit d'imposer des lignes directrices "vertes" dans les placements gérés pour les membres, il convient de demander de quoi le Barreau, et de quoi cet avocat, se mèlent.
Anonyme
il y a un anLa corporation de service est indépendante...Donc le Barreau du Québec n'a pas de pouvoir sur leurs lignes directrices concernant les placements des avocats. J'en déduis que c'est l'encaisse opérationnelle du Barreau.
Anonyme
il y a un ança serait rassurant d'avoir une clarification à ce sujet. Quand cet avocat dit que "le Barreau a fait plein de choses", on se demande jusqu'où ça peut aller.
"le Barreau du Québec n'a pas de pouvoir sur leurs lignes directrices concernant les placements des avocats."
Peut-être est-ce le cas, mais quelle influence le Barreau a-t-il dans le choix du gestionnaire?
Choisir un gestionnaire c'est comme choisir un candidat à la magistrature: on a pas besoin de lui dire quoi faire, une fois qu'il est en poste, pour être quasi certain de ses grandes tendances.