Une dirigeante de Québecor poursuit le ministre Fitzgibbon
Radio -Canada
2020-02-07 13:15:00
Mme Lalande a embauché Mes Richard Vachon et Laurence Ste-Marie de Woods.
Pour avoir « abusé de sa liberté d’expression et porté atteinte à la réputation de Madame Lalande », celle-ci réclame une rétractation, des excuses publiques, une somme de 100 000 $ pour dommages moraux et une somme de 90 000 $ pour dommages pécuniaires. Elle souhaite également qu’il remette 50 000 $ à une œuvre caritative de son choix, en dommages punitifs pour atteinte à sa dignité, à son honneur et à sa réputation.
En novembre dernier, M. Fitzgibbon avait demandé à une filiale du Mouvement Desjardins de reconsidérer son refus de participer au plan de sauvetage du Groupe Capitales Médias (GCM). Il avait à cette occasion remis en question l'indépendance du conseil d'administration de Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD), en suggérant aux journalistes de vérifier qui y siégeait.
Or, il y avait alors parmi les administrateurs de CRDC Sylvie Lalande, présidente du conseil du Groupe TVA et vice-présidente de celui de Québecor, et Chantal Bélanger, une autre administratrice de Québecor. Cette entreprise est une concurrente de GCM, et son patron Pierre Karl Péladeau s’était déjà opposé à l’injection de fonds publics dans le sauvetage de GCM.
« Elle n'est pas indépendante? » avait demandé un journaliste au ministre en parlant de Mme Lalande. « Répondez à votre question », lui avait rétorqué M. Fitzgibbon.
Et à une question quant à un possible conflit d'intérêts, il avait répondu : « Peut-être. »
La poursuite mentionne que « le Ministre Fitzgibbon a instrumentalisé de manière abusive, illégale et fautive » le fait que Madame Lalande siégeait à l’époque aux trois conseils.
« Cette conduite grave du Ministre Fitzgibbon résulte de son intention manifeste de provoquer un tumulte médiatique et d’exercer une pression politique sur le Mouvement Desjardins et CRCD, le tout en attaquant personnellement Madame Lalande. »
La poursuite, dont les documents sont datés de mercredi, signale de plus que Pierre Fitzgibbon, qui aurait « fait preuve d'une insouciance et témérité déréglées », de négligence et de « malveillance », aurait dû savoir que « le jeu d'influence insinué » n'aurait pas été permis par une entité comme CRCD et que « ses déclarations causeraient un émoi médiatique ».
Sylvie Lalande avait annoncé dès le début décembre son intention de poursuivre Pierre Fitzgibbon en justice.
« Jamais ne me suis-je placée dans une situation qui, de près ou de loin, pouvait s’apparenter à un conflit d’intérêts. M’en accuser constitue la pire ignominie dont je puisse être victime », avait-elle alors insisté.
Le lendemain, le ministre de l'Économie était resté campé sur ses positions, disant qu'il était « légitime de se questionner sur l’apparence de conflit d’intérêts que Mme Lalande aurait pu avoir ».
Mme Lalande avait précédemment fait parvenir à M. Fitzgibbon une mise en demeure le sommant de s’excuser. Les deux s'étaient ensuite rencontrés pour parler de l'affaire. Ils n'avaient cependant pas réussi à trouver un terrain d'entente.
La poursuite soutient que le refus du ministre de se plier aux demandes de Mme Lalande l'a obligée à quitter le conseil d'administration de CRCD.
Fitzgibbon persiste et signe
Interrogé jeudi matin dans les corridors du parlement, à Québec, le ministre Fitzgibbon a une fois de plus affirmé qu'il n'allait pas s'excuser auprès de Sylvie Lalande.
« J'ai dit qu'il y avait eu apparence de conflit et je suis convaincu qu'il y en a eu un », a réitéré le ministre.
Pierre Fitzgibbon a mandaté son avocat pour répondre à cette poursuite.